L'autonomie est un terme chargé de sens, valorisé dans certains territoires et péjoratif ou polémique dans d'autres. Ainsi, il a longuement été considéré qu'il devait être manié avec précaution. Il me semble aujourd'hui nécessaire de dépassionner le débat.
Je suis d'accord avec Stéphane Diémert quant à l'intérêt de l'autonomie, au sens de l'article 74. Concernant la notion juridique de l'autonomie, elle rejoint la notion philosophique ou le sens commun, à savoir le fait qu'une entité ait la compétence de se doter elle-même de ses propres lois. Ce point est extrêmement important pour nos territoires, en termes d'efficacité des politiques publiques, mais aussi en termes psychologiques. Pour certains de nos territoires qui ont été des colonies, se doter soi-même de ses propres règles contribue à ce qu'Aimé Césaire appelait la décolonisation des mentalités.
De ce point de vue, je considère que tous les territoires de la République situés outre-mer, à l'exception de la Réunion et Wallis-et-Futuna, sont autonomes. Le changement de paradigme a été amorcé en 1998 avec le statut de la Nouvelle-Calédonie et s'est exprimé très fortement par le discours de Madiana de Jacques Chirac. Le point d'arrivée est la réforme de 2003. Aujourd'hui, tous les territoires situés outre-mer peuvent se doter de leurs propres règles.
S'il devait y avoir une révision constitutionnelle, nous pourrions partir de l'idée de cette existence de l'autonomie, dont l'échelle est difficilement mesurable. La question à poser, pour une évolution de la Constitution, serait plutôt celle des limites, qui n'est pas encore clairement établie en l'état. En posant comme principe celui de l'autonomie pour toutes les collectivités territoriales, la Constitution peut se contenter de l'affirmer en posant certaines limites. Nous en connaissons certaines, qui sont indérogeables, comme le maintien d'une représentation de l'État, de l'unité des droits fondamentaux sur l'ensemble du territoire de la République, d'un contrôle juridictionnel des actes de ce territoire ou encore l'identification d'un certain nombre de compétences régaliennes sur lesquelles les collectivités territoriales ne pourraient avoir la main en première intention, même si elles pourraient apporter leur concours à l'exercice de certaines d'entre elles. L'article 73 a déjà défini certaines de ces compétences régaliennes, mais des problèmes se posent, par exemple pour le droit pénal. Un travail d'identification claire des compétences que l'État doit conserver doit donc être accompli.