Le thème du troisième volet de notre table ronde est le suivant : « Enjeux et apports de la réunification des articles 73 et 74 de la Constitution : dépasser l'approche binaire, une voie vers le « sur mesure » statutaire ?
L'emploi du terme « fusion » ayant pu créer un certain trouble voire une certaine méfiance parmi les élus, celui de réunion ou de réunification lui a été préféré. Par cette approche, il s'agit de permettre aux collectivités ultramarines de dépasser la conception binaire qui consiste à les appréhender par le régime constitutionnel plutôt que par le principe de subsidiarité. En pratique, l'administration centrale s'est largement accommodée d'une méconnaissance des outre-mer malgré les compétences d'attribution, pour décider des politiques publiques dans les domaines de compétences de l'État.
L'enjeu est donc de déléguer la compétence au niveau le plus pertinent afin d'impulser outre-mer des politiques publiques en adéquation avec leur objet. Le processus d'adaptation souffre en effet de deux handicaps : d'abord, il diffère souvent dans le temps avec la mise en oeuvre des mesures adoptées au niveau national par le renvoi aux ordonnances. Une loi d'actualisation annuelle ne règlera pas parfaitement le décalage mais offrira certainement un vecteur permettant de compenser certains oublis. De plus, l'adaptation prive trop souvent le Parlement d'un débat sur les outre-mer, empêchant de ce fait une meilleure connaissance de ses territoires. Plus généralement, la crise sanitaire a montré les limites du modèle hyper centralisé. Dans certaines matières comme l'environnement, eu égard à leur caractère stratégique, les politiques publiques doivent être très contextualisées, ce qui peut supposer, outre-mer, des transferts de tout ou partie de matières. L'adaptation peut en effet dans certains cas exiger une production normative propre. Or aujourd'hui, la distinction entre les articles 73 et 74 constitue à la fois un frein constitutionnel et un frein politique et psychologique pour les populations. Il convient donc de dépassionner le débat.
En l'état du droit, les consultations des populations portent sur le principe du passage d'un régime juridique à un autre ou sur un changement d'organisation institutionnelle, la définition du statut ou de l'institution échappant à la population une fois son consentement exprimé. La proposition que j'ai formulée au groupe de travail du Sénat sur la décentralisation envisage de renforcer l'implication de la population en prévoyant une consultation sur les compétences transférées dès lors qu'elles sont assorties d'une modification du régime législatif applicable. Il s'agit à la fois d'un gage de transparence et de sécurité pour la population et réciproquement pour les élus, tout en sécurisant le statut. Aucune compétence ne pourrait alors être reprise ou dévolue sans consentement des populations, de même que les assemblées territoriales pourraient introduire leur demande de transfert de compétences, fortes du consentement de leur population. Il s'agirait ainsi de s'inscrire dans le prolongement naturel de l'idée des statuts à la carte.