Cette réunion des articles 73 et 74 avait été évoquée par Ferdinand Mélin-Soucramanien à l'occasion d'un colloque sur « Les outre-mer français : un « modèle » pour la République ? (2008). Lors d'un colloque à l'Assemblée nationale en avril 2018, j'ai reposé la question dans la perspective de la réforme constitutionnelle.
Ces deux articles sont pour une large part dépassés. En 1958, les quatre vieilles colonies devenaient des départements d'outre-mer suite à la loi de 1946. Tous les autres territoires de la République étaient distingués selon l'article 73 ou 74, en retenant respectivement une « situation particulière » et un « intérêt propre au sein de la République ». En termes d'évolution, la situation de la Nouvelle-Calédonie en 1998 a été un point de départ, jusqu'à la réforme de 2003. Les outre-mer étaient plutôt appréhendés comme des blocs homogènes (DOM d'une part, TOM devenant COM d'autre part). Cette homogénéité a finalement éclaté.
Aujourd'hui, plus un « outre-mer » ne ressemble à un autre. Par exemple, la Guadeloupe et La Réunion, les deux derniers DROM, ont une différence fondamentale : la Guadeloupe dispose de la possibilité d'habilitation, contrairement à La Réunion. La Martinique et la Guyane sont quant à elles devenues des collectivités uniques, mais avec des choix institutionnels très différents ayant un impact sur le fonctionnement local, en l'occurrence un bicéphalisme pour la Martinique et, pour la Guyane, une assemblée dont le président tient également le rôle exécutif. S'agissant des communautés du Pacifique, le statut de Wallis-et-Futuna date de 1961, selon lequel l'exécutif est le représentant de l'État. Il n'existe donc plus d'homogénéité outre-mer.
Le principe de spécialité ou d'identité législative, qui semblait être le marqueur de la distinction entre les articles 73 et 74, connaît par ailleurs des frontières poreuses. En effet, certaines collectivités de l'article 73 se rapprochent de la spécialité législative, avec les habilitations pour la Guadeloupe et la Martinique par exemple. À l'inverse, certaines collectivités de l'article 74, comme Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, appliquent le principe de l'identité législative, avec quelques exceptions.
Très souvent, les évolutions statutaires se heurtent aux murs des crispations de posture sur les articles 73 et 74. Des raisons politiques ou culturelles doivent permettre de dépasser les clivages et de proposer des statuts « à la carte » par des lois organiques, pour chacun des territoires.