Intervention de Stéphane Diémert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 23 juillet 2020 : 1ère réunion
Table ronde — La différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le « sur-mesure »

Stéphane Diémert :

Dans tous les régimes démocratiques contemporains, le statut de l'outre-mer dans ses relations avec la métropole ne peut être qu'un statut d'autonomie plus ou moins approfondie, ou d'assimilation plus ou moins adaptée. Les Pays-Bas nous en donnent un bon exemple, pour avoir créé trois « DOM » avec les communes qu'ils ont rattachées à la métropole lors de l'éclatement de la fédération des Antilles néerlandaises (dont les autres composantes sont désormais des pays d'outre-mer autonomes et séparés). Nous retrouverons donc toujours, la suma divisio article 73/article 74, peut-être sous une autre numérotation, et dans le cadre d'éventuels statuts « à la carte » déclinés par des lois organiques.

Chacun souhaite que chaque territoire dispose d'un statut répondant aux aspirations de ses élus, et surtout de ses électeurs. Mais, même en sortant du ce qui peut être présenté comme le carcan des articles 73 et 74, il `est impossible, et surtout pas souhaitable, d'échapper au respect impératif de principes démocratiques fondamentaux : il appartient d'abord aux électeurs de décider eux-mêmes du régime législatif dans le cadre duquel ils entendent vivre au sein de la République. Ce principe participe du droit à l'autodétermination dans l'ordre interne, reconnu en 2000 par le Conseil constitutionnel à propos de Mayotte et consacré en 2003 dans l'article 72-4 de la Constitution, qui pose le principe du consentement des électeurs préalablement à tout changement statutaire fondamental. À supposer que l'on s'oriente, une fois les actuelles catégories abolies, vers un système de statut individualisé pour chaque territoire, il faudra bien instituer un mécanisme permettant de s'assurer que chacun de ces futurs statuts pourra être approuvé par les électeurs intéressés, au moins s'il déroge aux principes essentiels du statut actuel. Pour les collectivités de l'article 73, se posera la question de l'organisation d'une votation pour décider si l'identité législative peut être levée dans certaines matières.

Aujourd'hui encore, dans le cadre de l'article 73, les ultramarins sont globalement protégés contre toute « dérive » autonomiste (le mot n'est évidemment nullement péjoratif : il faut le prendre dans son sens littéral). Il existe en effet une certaine garantie de maintien local de l'application du droit commun, étant entendu que les quelques adaptations à portée principalement techniques, notamment dans le domaine de l'énergie, adoptées jusqu'alors par la Guadeloupe, ne l'ont évidemment pas fait sortir de l'article 73. Le passage vers un statut de l'article 74 généralisé conduit en théorie à la suppression de ces garanties, puisque, une fois le statut d'autonomie adoptée, il n'y a plus d'obligation de consulter les électeurs. C'est donc sur ces dernières que se jouera certainement cette réforme. Cela devrait nous conduire à imaginer des mécanismes qui n'existent pas encore, par exemple les référendums d'initiative minoritaire.

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