Intervention de Stéphane Diémert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 23 juillet 2020 : 1ère réunion
Table ronde — La différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le « sur-mesure »

Stéphane Diémert :

Sur le sujet de la dénomination, nous devons distinguer ce qui doit être inscrit dans la Constitution (création de catégories particulières, de personnes morales de droit public qui ne sont plus nécessairement des collectivités territoriales), et ce qui relève de la loi organique ou ordinaire. Dans le cadre d'un statut de très large autonomie permettant à la population d'adopter le statut qu'elle souhaite, nous pouvons imaginer que celle-ci choisisse justement, en se fondant sur son droit à la libre détermination, de se limiter à reprendre dans sa loi organique statutaire le contenu actuel de l'article 73, qui serait seulement déconstitutionnalisé mais toujours en vigueur dans les territoires qui le souhaitent.

J'ai moi-même, à l'occasion de mon intervention lors des États généraux de la Guyane, à l'invitation de la collectivité en 2017, tenté de rédiger un dispositif prévoyant la création de pays d'outre-mer. Ce texte était composé de huit articles, annexés à la Constitution sous la forme d'un « statut-cadre », ayant lui-même pleine valeur constitutionnelle (comme par exemple la Charte de l'environnement) par renvoi de l'article 72-3 : on évitait ainsi de surcharger le corps même de la Constitution de dispositions qu'il est impératif de rédiger aussi précisément que possible. Ce système avait l'avantage de se juxtaposer aux articles 73 et 74, et ainsi de dépassionner le débat que génèrerait leur suppression immédiate - sans compter le problème de leur application transitoire jusqu'à l'adoption de chacune des lois organiques statutaires, qui ne sera effective qu'au terme d'un processus nécessairement étalé dans le temps. Cette rédaction pourrait cependant s'y substituer, car peu importe, au moins en droit, la dénomination finalement retenue.

Le terme de « pays » peut évidemment être plus séduisant pour la Polynésie, et pour éventuellement permettre un jour de ré-accueillir la Nouvelle-Calédonie, qui sortirait du statut défini par l'accord de Nouméa. Le terme de « collectivité est sans doute moins séduisant politiquement, et ne prend pas assez en compte les spécificités de l'outre-mer : on a pu écrire que la France constitue avec son Outre-mer « une fédération qui s'ignore » : le terme de pays rend mieux compte de cette réalité politique.

En termes de légistique constitutionnelle, il faudra sans doute modifier les second alinéa du Préambule, demeuré en l'état depuis 1958, pour mieux solenniser le changement envisagé, et en circonscrire la portée à des évolutions de droit interne, et donc au sein de la République, ce qui devrait rassurer nos compatriotes qu'inquièteraient des dérives sécessionnistes. L'article 72-3 et m'article 72-4 devraient être réécrits pour renvoyer au statut-cadre, annexé à la Constitution et dotée de la même force, qui pourrait entrer de manière précise et détaillée - il faut à nouveau insister, à ce stade, sur l'intérêt qu'il y a à ne pas laisser la réforme dépendre excessivement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel - dans la description des procédures statutaires nouvelles sans alourdir plus que nécessaire la Constitution elle-même en y insérant de trop longues dispositions dérogatoires. Les articles 73 et 74, maintenus progressivement en vigueur jusqu'à l'adoption des nouveaux statuts particuliers, s'éteindraient d'eux-mêmes une fois chacune des lois organiques ayant cet objet adoptées par le Parlement avec l'accord des électeurs intéressés.

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