Intervention de Michel Magras

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 3 juillet 2020 : 1ère réunion
Présentation des conclusions communiquées par le président michel magras au groupe de travail sur la décentralisation à la suite de ses échanges avec les présidents des départements des régions et des collectivités d'outre-mer et du gouvernement de la nouvelle-calédonie

Photo de Michel MagrasMichel Magras, président :

Je voudrais revenir sur la question de la relation avec l'Union européenne. Lors d'un déplacement à Bruxelles pour le Forum des PTOM, Jean-Paul Virapoullé m'avait dit à quel point il avait apprécié la communication que j'avais pu faire sur la nécessaire prise en compte de l'article 349, qui reconnaît depuis « l'arrêt Mayotte » les spécificités ultramarines. En simplifiant, il pensait alors que tout allait bien dans la relation avec l'Europe, mais qu'il y avait des blocages dans la relation avec la France... Par ailleurs, j'ai auditionné les présidents de l'exécutif et de l'assemblée de la Martinique. Leurs points de vue sont totalement différents, mais je crois pouvoir dire que le statut actuel de la Martinique révèle de réels dysfonctionnements. J'ai auditionné les présidents Claude Lise et Alfred Marie-Jeanne, je crois que la Martinique ne pourra pas rester dans le cadre actuel, car il n'est pas opérationnel.

Pour répondre à Georges Patient, je rappelle qu'en outre-mer, la différenciation territoriale passe indiscutablement par les transferts de compétences assortis ou non de la faculté d'adapter les lois et les règlements, ce qui modifiera par voie de conséquence le régime législatif applicable selon que la faculté d'adaptation est transférée ou non. Si nous réunissons les articles 73 et 74 dans un même article, une loi organique définira le statut de chacun des territoires qui sera libre de demander les compétences qu'il souhaite se voir transférer.

Certes, j'ai entendu dire que les collectivités relevant de l'article 73 administrent tandis que les collectivités relevant de l'article 74 légifèrent, mais cela n'est pas exact. Seul le Parlement légifère. Ensuite, soit le droit commun s'applique - dans les domaines autres que ceux transférés à la collectivité, soit la loi nationale ne s'applique pas et dans ce cas, c'est la collectivité qui est compétente pour fixer les règles - exception faite des compétences régaliennes. Ainsi, la loi est applicable de plein droit à Saint-Barthélemy à l'exception des domaines de compétences choisis par la collectivité, qui a peut les adapter.

Une réécriture des articles 73 et 74 réunis pourrait suivre le schéma suivant.

Les règles d'organisation et de fonctionnement, les institutions et les conditions dans lesquelles elles sont consultées sur les projets de lois, d'ordonnances ou de décrets constitueraient une sorte de tronc commun à tous les statuts.

Chaque collectivité aurait en outre la possibilité de garder ou choisir sa dénomination, mais je propose que toutes soient mentionnées à l'article 72 sous le terme de collectivités d'outre-mer.

Pour les collectivités de l'article 73 qui le souhaiteraient, comme possiblement La Réunion, continueraient de s'appliquer de plein droit.

Lorsque la collectivité disposerait d'un statut qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République, comme Saint-Barthélemy, la loi organique préciserait les compétences et les conditions dans lesquelles la collectivité est consultée pour la ratification ou l'approbation des engagements internationaux. La collectivité est consultée presque toutes les semaines sur des projets dès lors qu'ils peuvent directement ou indirectement nous concerner. Idem pour les projets d'accord internationaux signés par l'État, lorsqu'il s'agit d'accords dans la Caraïbe, par exemple.

Sur la question de l'autonomie, la loi organique déterminerait les conditions du contrôle juridictionnel du Conseil d'État, d'une modification d'une loi promulguée ultérieurement à l'entrée en vigueur du statut, etc. Pour les collectivités d'outre-mer l'intégralité de l'article 74 continuera à s'appliquer.

Une innovation de la réunion des deux articles résiderait dans la faculté pour les DROM de déroger à l'uniformité de l'organisation institutionnelle nationale par le biais d'une loi organique. La loi NOTRe, censée être une loi de simplification, est appliquée à des territoires dont la taille n'est pas adaptée. Elle a conduit à créer des couches supplémentaires, à affecter des missions et des budgets créant des difficultés pour les petites collectivités. Certes, elle peut se comprendre au niveau national où les territoires sont regroupés sur une étendue considérable et où la mutualisation des compétences les rend plus faciles à exercer. En revanche, à l'exception de la Guyane, nos territoires ne sont pas étendus et il n'est pas opportun que plusieurs instances aient des compétences qui se chevauchent.

Sur la consultation des populations, actuellement, la loi prévoit que les populations sont consultées sur le principe de changement de régime juridique. Il s'agirait donc de consulter sur les compétences transférées dès lors qu'elles sont assorties d'un changement de régime juridique - de l'identité à la spécialité ou l'inverse. Toutefois, la loi organique qui définit le statut n'est pas figée dans le temps. J'ai même moi-même déposé deux propositions de loi organique au cours des douze années de mon mandat. Lorsqu'il s'agit de la demande d'un nouveau bloc de compétences ou d'une compétence importante nouvelle, faut-il ou non une consultation de la population ? Cela suppose que les élus lancent une importante action de communication pour en expliquer les raisons, la stratégie, les moyens et la méthode, de manière à obtenir l'aval de la population.

Nous ne sommes qu'au début de la réflexion. Il faudrait débattre de la manière d'intégrer ces éléments. À plusieurs reprises, vous avez évoqué la consultation de juristes comme Véronique Bertile. Initialement, nous avions prévu d'organiser le colloque avec l'Association des juristes en droit des outre-mer (AJDOM) qu'elle a créée avec le Professeur Ferdinand Mélin-Soucramanien. Elle fait partie des experts que nous prévoyons d'auditionner en visioconférence.

Je souhaite que nous parvenions à une belle synthèse, laissant des portes ouvertes pour que chacune des collectivités puisse choisir son avenir.

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