Intervention de Gérald Darmanin

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 17 septembre 2020 à 11:5
Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'intérieur

Gérald Darmanin, ministre :

que cette interdiction ne relevait pas du pouvoir du maire ; elle en a déduit que cela relevait de l'autorité de l'État et de son représentant. J'ai compris qu'une association contestait le nouvel arrêté devant le même tribunal administratif ; nous verrons ce qu'il en dira, mais le précédent arrêté avait été annulé principalement pour cette question d'autorité réglementaire. Par ailleurs, l'arrêté préfectoral est circonscrit dans le temps et l'espace, comme le prévoit le droit administratif, afin qu'il n'y ait pas d'excès de pouvoir. Cet arrêté nous paraît pondéré et mesuré ; il répond, non pas à une question politique, mais bien à un souci de santé publique dans cette période particulière : à ma connaissance, 1 500 migrants sont à Calais et dans ses environs ; 60 % d'entre eux viennent d'ailleurs de Belgique afin de pouvoir plus facilement traverser la Manche. La diminution du nombre de camions du fait de la pandémie, l'approche du Brexit et le fait que la mer soit calme pendant l'été ont encore renforcé les difficultés d'ordre public. La distribution de repas dans les rues de la ville apparaît en outre dangereuse pour la circulation du virus.

Vous évoquez les droits humains, auxquels je suis évidemment sensible, comme humaniste et comme républicain, mais la lutte contre les passeurs et l'exploitation de ces êtres humains me semble constituer en la matière le premier de nos devoirs. L'État mandate la distribution quotidienne de 2 000 repas ; en outre, l'hébergement des migrants est systématique lorsque nous intervenons pour les mettre à l'abri. Les policiers et les gendarmes mènent des interventions presque chaque jour pour les aider à ne pas se noyer dans la Manche ; la semaine dernière, des gendarmes se sont même jetés à l'eau pour en sauver ! Enfin, il ne faut pas oublier les droits humains de la population calaisienne, qui vit des situations délicates, en particulier ces derniers temps du fait du déconfinement et des difficultés que nous rencontrons avec nos amis britanniques. Tout cela justifie cet arrêté préfectoral circonscrit dans le temps et l'espace. Les distributions de repas se poursuivent, mais au plus proche des migrants plutôt que dans les rues du centre-ville, dans des conditions conformes à ce que l'État a toujours assumé, quel que soit le gouvernement : on a toujours essayé d'allier fermeté et humanité, comme le disait M. Cazeneuve quand il était Premier ministre.

Quant à l'outre-mer, madame Jasmin, je comprends les difficultés que vous évoquez. On peut se scandaliser de l'exploitation cupide de nos compatriotes ultramarins. J'ai eu à intervenir, en tant qu'élu, dans des situations similaires. L'État consacre des moyens importants au remboursement des tests. Une question demeure quant aux délais, parfois incompatibles avec les exigences du transport aérien. On a essayé au maximum d'améliorer les choses : votre commission a pu constater à Roissy le professionnalisme de nos agents. Il appartient sans doute aux ministères des transports et de la santé d'évoquer les rapports avec les laboratoires et le rétablissement de la continuité territoriale.

M. Lévrier nous invite à la bienveillance active ; il n'a pas tort. J'ai donné aux agents de mon ministère des consignes en la matière, pour encourager de telles discussions, non seulement sur l'esplanade des Invalides, qui est au moins ouverte à tout vent, mais dans tous les endroits où des regroupements et des soirées interdites sont observés. Les forces de l'ordre sont intervenues lors de retransmissions d'événements sportifs ayant donné lieu à des comportements qui ont pu faire scandale. Cela dit, une explication bienveillante ne suffit pas toujours à assurer l'obéissance des gens envers les forces de l'ordre : il faut parfois verbaliser ! Le travail d'explication doit en tout cas être poursuivi, pour que chacun soit responsable de ses actes. Je réitérerai des consignes en ce sens au préfet de police de Paris, ville où le port du masque doit absolument rester obligatoire partout. Cette règle est en tout cas plus simple que les découpages géographiques antérieurs : c'est pourquoi j'ai accepté la proposition qu'avait faite en ce sens le préfet de police, qu'avait d'ailleurs approuvée Mme la maire de Paris.

Concernant les réquisitions, je vous invite à vous adresser à mon prédécesseur ; mon ministère pourra également vous adresser une réponse écrite. À ce propos, je voudrais rappeler à quel point, en tant que ministre chargé des douanes, j'ai dû au printemps soutenir cette administration, qui a fait un travail formidable dans une période difficile. Les douaniers ont été soumis à une très forte pression politique de la part de certains élus locaux alors qu'ils accomplissaient leur nécessaire travail de vérification des cargaisons de masques importés. On exigeait souvent d'eux qu'ils autorisent leur distribution immédiatement, alors même que ce travail, qui ne prenait que quelques heures, était tout à fait nécessaire : certains de ces masques étaient des faux qui n'auraient pu protéger les soignants ou la population ! Nos agents ont accompli leur tâche sous les quolibets et les mises en cause, sans céder aux pressions exprimées jusque dans les médias.

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