Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 1er octobre 2020 à 15h00
Allocution de m. le président du sénat

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Nous allons poursuivre l’amélioration de nos procédures, et le Gouvernement devra naturellement y prendre toute sa part.

Il nous faut renforcer encore notre mission de contrôle. Je vous proposerai notamment d’examiner de manière approfondie les nominations de l’article 13 de la Constitution. Je souhaite engager une réflexion pour étendre les pouvoirs d’investigation des commissions permanentes et territorialiser leur action.

Je souhaite poursuivre les efforts de modernisation et de gestion engagés au Sénat depuis 2008. En dix ans, nous avons refondu l’organigramme des services. Depuis douze ans, nous avons gelé, en euros courants, la dotation qui nous est versée par l’État. Avec les questeurs et le bureau, nous avons décidé la mise en place d’un commissariat à l’audit, placé sous l’autorité du secrétaire général du Sénat.

Ce mouvement d’ampleur de modernisation de l’administration sénatoriale doit se poursuivre, notamment en favorisant une plus grande ouverture vers l’extérieur.

Je veux redire à l’administration sénatoriale notre confiance. Pour ses agents comme pour nous, sénateurs, c’est avant tout le service de l’institution, du pays et de la République qui compte.

Par ailleurs, mes chers collègues, je tiendrai à votre disposition les conclusions du tout récent rapport du groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe, le Gréco, adopté le 25 septembre dernier, qui souligne, en matière de déontologie et de pratique de contrôle, le travail accompli dans notre institution au cours des trois dernières années.

La dernière mandature a été marquée par un renforcement de la responsabilité environnementale au Sénat. L’institution s’est engagée en matière de développement durable : effort de dématérialisation en séance publique et en commission, lancement d’un audit environnemental, biodiversité au jardin, que nous entretenons et qui accueille plus de deux millions de visiteurs chaque année. C’est un espace de respiration pour les Parisiens et pour tous les touristes venant visiter Paris. Je souhaite que cette démarche du Sénat en faveur du développement durable soit poursuivie avec détermination.

Mes chers collègues, en 2017, je fondais le projet que je vous proposais alors sur l’équilibre des territoires. Qu’y a-t-il de plus dévastateur pour une nation que son « archipélisation » ?

Ces trois années nous ont permis de replacer le territoire au cœur du débat public. Nous sommes les artisans de cette évolution, car la Conférence nationale des territoires du 17 juillet 2017, au cours de laquelle l’on nous promettait un pacte de confiance entre l’État et les territoires, n’a pas produit les effets attendus. En vérité, l’action publique est demeurée verticale et centralisée.

On nous annonce un changement de cap. J’en accepte l’augure, je l’ai dit au Premier ministre au début du mois de septembre.

Le Sénat sera un acteur majeur du rééquilibrage des pouvoirs au profit des collectivités territoriales. Passons désormais aux travaux pratiques ! Que l’exécutif saisisse l’occasion qui lui est proposée par le Sénat avec les « cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales », pour une nouvelle génération de la décentralisation. C’est l’une de nos deux contributions au Président de la République pour la relance, que nous avons faites à sa demande.

Il est temps de garantir l’autonomie financière des collectivités territoriales, qui n’a cessé d’être réduite. Il est temps de réaffirmer que la commune est la cellule de base de notre organisation administrative. §Il est temps d’interrompre la spirale « étouffante » de la surréglementation et de l’empilement des normes, qui embolisent les décisions.

Enfin, c’est l’essence même de notre mandat, mes chers collègues, nous sommes au service de la République et des citoyens. Nous sommes élus au suffrage universel indirect par les 550 000 élus locaux – conseillers régionaux, départementaux et municipaux – évoqués dans le discours de Bayeux et qui, vous l’avez vu lors des crises récentes, cimentent l’unité de notre pays et notre démocratie. Ils puisent leur légitimité dans la proximité, qui constitue sans doute aujourd’hui le besoin le plus essentiel de nos concitoyens.

J’ai la conviction que la confiance ne se retrouvera que dans l’action de proximité dans chaque territoire de la République. Nous, sénateurs, devons être les architectes de cette reconstruction de la confiance.

Ce sont les crises qui éprouvent nos institutions. Dans les crises naissent les pulsions populistes qui sapent les fondements de nos démocraties. Au Sénat, nous avons la responsabilité de ne jamais fléchir quand l’essentiel est en jeu ! Il s’agit de défendre les libertés, de préserver nos institutions et de résister aux pressions d’une médiatisation anarchique, où la « justice » des réseaux sociaux tente de se substituer à la justice rendue par des juges au nom du peuple français.

En ce début d’octobre, nous n’en avons pas terminé avec la crise sanitaire. La crise économique et sociale est devant nous. On nous parle de crise de la représentation, de perte de confiance du citoyen envers les institutions. Certes, c’est une réalité. En vérité, ne sommes-nous pas face à une crise plus fondamentale puisant ses racines dans l’impuissance de l’État et la toute-puissance de la technostructure ? §Dans une crise de l’autorité, de la verticalité de la gouvernance, de l’ignorance des corps intermédiaires et des élus locaux ? En fait, n’avons-nous pas d’abord, collectivement, une crise de l’absence de résultats ?

Nous avons donc le devoir de recoudre un pays miné dans sa cohésion.

Au cours des trois années écoulées, j’ai sillonné la France : plus de cent déplacements à la rencontre des élus locaux, de nos concitoyens, dans des exploitations agricoles, dans des entreprises, dans des associations, dans des maisons de santé et ailleurs. C’est chaque fois la réalité de leur quotidien qu’ils m’ont exprimée, et aussi, parfois, peut-être aujourd’hui encore plus qu’hier, leurs souffrances et leurs inquiétudes – cela, vraiment, je le ressens dans le pays.

Cessons donc d’opposer les jeunes aux plus âgés, le Nord au Sud, l’Est à l’Ouest, et maintenant, hélas, les origines entre elles… Il ne peut y avoir qu’une seule communauté nationale. §Et le singulier est pour moi essentiel, car c’est ainsi que se conjuguent la République et les valeurs qui sont les nôtres !

Cela exige solidarité entre les générations et solidarité entre les territoires.

La France doit, par ailleurs, retrouver sa souveraineté dans les domaines stratégiques – la crise sanitaire nous l’a douloureusement rappelé. Cessons néanmoins de craindre l’Europe et de craindre le monde ; car enfin, que pourrait la France seule face au reste du monde ?

L’Europe est une chance ; la mondialisation est une réalité et un défi.

Mes chers collègues, cette élection à la présidence du Sénat est un honneur, et c’est pour moi aujourd’hui comme au premier jour. Vous me connaissez : vous savez que j’ai la République chevillée au corps. Tranquillement, sereinement, et avec détermination, je resterai fidèle à ce que je suis : attaché aux institutions, au rôle du Parlement, à la séparation des pouvoirs, à l’indispensable bicamérisme – sur chacun de ces points, je ne serai pas simplement intransigeant : je serai extrêmement exigeant §attaché, aussi, aux valeurs qui ont motivé mon engagement politique et mon engagement social.

Le Sénat demeurera ouvert, respectueux des droits et des libertés ; je souhaite rester le garant de cette « singularité » sénatoriale.

Mes chers collègues, vous connaissez mon projet. Je serai à l’écoute de vos propositions. Je souhaite que vous me fassiez remonter ce que, notamment pour 171 d’entre vous, vous avez partagé avec le pays tout au long de ces dernières semaines. C’est sur cette voie que je vous propose de nous engager pour un Sénat plus fort, dans une France que je voudrais plus apaisée, rassemblée, une France qui compte en Europe et dans le concert des nations, pour que vive le Sénat, que vive la République et que vive la France !

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