Notre commission reprend ses travaux sans tarder puisque nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte qui sera examiné en séance publique dès la semaine prochaine.
Il s'agit d'une proposition de loi déposée par notre collègue députée Marie-Christine Verdier-Jouclas et plusieurs de ses collègues de la majorité et, ce n'est pas faire injure au travail des députés de le dire, un certain nombre des dispositions de ce texte portent la marque du Gouvernement, lequel a, du reste, engagé la procédure accélérée.
La proposition de loi que nous examinons ce matin, d'une part, tend à prolonger une expérimentation et, d'autre part, comprend diverses mesures présentant un lien plus ou moins direct avec l'insertion par l'activité économique (IAE).
Avant toute chose, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.
Au titre de la recevabilité, je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives aux procédures de prescription et d'agrément ouvrant droit à un parcours d'insertion par l'activité économique, aux règles encadrant les contrats de travail conclus par les structures d'insertion par l'activité économique ainsi qu'à la régulation des activités exercées par ces structures, au déroulement et à la sortie des parcours d'insertion par l'activité économique, à la prolongation, à l'extension et à la révision des modalités de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », ainsi qu'au pilotage et à l'évaluation de cette expérimentation, à la création ou à la prolongation d'autres expérimentations en matière de lutte contre le chômage ou d'insertion dans l'emploi, à la prise en charge des frais de formation des demandeurs d'emploi ainsi que des cotisations de sécurité sociale des stagiaires de la formation professionnelle et à l'articulation entre certains mécanismes portant sur les cotisations ou contributions sociales.
En revanche, il me semble que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé les amendements relatifs à l'organisation du service public de l'emploi, à l'indemnisation du chômage et aux minima sociaux, aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi, aux dispositifs d'aide à l'emploi en faveur des personnes en situation de handicap, à l'encadrement législatif du contrat de travail et de la durée du travail, hors du champ de l'insertion par l'activité économique, ou au droit de la commande publique. Ces amendements seraient donc irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Le titre Ier de la proposition de loi est relatif à l'insertion par l'activité économique et contient diverses mesures visant à mettre en oeuvre certaines des propositions du Pacte d'ambition, remis au Gouvernement le 10 septembre 2019 par le Conseil de l'inclusion dans l'emploi, après concertation avec les acteurs de l'insertion par l'activité économique. Ces mesures doivent contribuer à concrétiser la promesse du Président de la République de porter le nombre de contrats d'insertion de 140 000 à 240 000.
Ces mesures se veulent pragmatiques, se fondent sur les difficultés réelles remontées par les acteurs de terrain et font, pour la plupart, consensus. Elles sont d'autant plus urgentes que le secteur de l'insertion a été durement touché par la crise sanitaire. À cet égard, l'article 1er, qui supprime l'agrément obligatoire de Pôle emploi pour ce qui est des embauches au sein des structures d'insertion par l'activité économique (SIAE), représente un assouplissement bienvenu.
La nouvelle procédure proposée, appelée « Pass IAE », qui s'appuie sur le développement d'une plateforme numérique de l'inclusion en cours de déploiement, prévoit la capacité d'auto-prescription d'un parcours d'insertion par les SIAE. Celle-ci devrait permettre de fluidifier les recrutements et de supprimer des démarches redondantes. Ce passage, très intéressant, à une logique partenariale fondée sur la confiance suppose un contrôle a posteriori de l'éligibilité des bénéficiaires. Le texte étant muet sur ce point, je vous proposerai, de manière à répondre aux interrogations des acteurs de terrain, un amendement prévoyant la détermination par décret des modalités de ce contrôle, ainsi que la possibilité, en cas de non-respect de la démarche, de retirer la capacité d'auto-prescription à une SIAE.
Pour répondre aux appréhensions des associations intermédiaires qui, à l'heure actuelle, ne sont pas soumises à l'agrément dans tous leurs champs d'intervention, l'article 3 ter prévoit une entrée en vigueur différée de cette réforme en ce qui les concerne.
La création, à l'article 2, d'un « CDI inclusion senior » répond aux besoins d'un public particulier, pour lequel la logique de tremplin qui sous-tend l'insertion par l'activité économique peut s'avérer irréaliste. Il vise les personnes âgées de 57 ans et plus, un seuil qui semble pertinent et cohérent avec les autres dispositifs existants. Toutefois, il est regrettable que soit du même coup limitée à l'âge de 57 ans la possibilité de déroger à titre exceptionnel, pour les salariés de 50 ans et plus rencontrant des difficultés particulières, à la durée maximale de 24 mois de renouvellement des CDD ; la dégressivité de l'aide au poste associée au contrat inclusion senior pourrait faire hésiter une structure à embaucher en CDI certains profils de seniors. Je vous proposerai donc de maintenir cette possibilité exceptionnelle au-delà de 57 ans, en complément du CDI senior.
De plus, l'articulation du CDI inclusion senior avec les dispositions législatives applicables aux entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) est problématique et fera l'objet d'un autre amendement que je vous présenterai.
D'autres mesures plus ponctuelles, introduites à l'Assemblée nationale, n'appelleront de ma part que des propositions d'ajustement rédactionnel, qu'il s'agisse de l'affirmation de la triple exclusivité applicable aux ETTI ou de la possibilité de déroger au plafond de 480 heures de mise à disposition applicable aux associations intermédiaires.
En revanche, l'expérimentation d'un « contrat passerelle » permettant à une entreprise d'insertion ou à un atelier et chantier d'insertion de mettre à disposition, pendant une durée déterminée, sous forme de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif, un salarié en fin de parcours d'insertion auprès d'une entreprise de droit commun, n'est pas accueillie favorablement par certains acteurs de l'insertion par l'activité économique. En particulier, ce nouvel outil, loin de sécuriser la fin de parcours du salarié en insertion, pourrait créer une marche supplémentaire avant son entrée dans l'emploi durable.
Il lui est par ailleurs reproché d'introduire un « brouillage » entre les dispositifs d'insertion et de remettre en cause le modèle économique des associations intermédiaires et des entreprises de travail temporaire d'insertion, lequel repose sur la mise à disposition de salariés. On peut en effet relever que le cadre proposé offre peu de garanties que le dispositif remplira ses objectifs. Je vous proposerai donc de préciser ce cadre en introduisant une condition d'ancienneté de quatre mois dans un parcours d'insertion par l'activité économique pour les bénéficiaires, en limitant la durée de la mise à disposition à trois mois renouvelables et en dispensant de période d'essai le salarié en cas d'embauche par l'entreprise utilisatrice.
Plus généralement, il me semble important de soutenir les efforts visant à faciliter les rapprochements entre l'insertion par l'activité économique et le secteur marchand et à encourager les logiques de parcours.
En complément du « contrat passerelle », je vous proposerai ainsi un dispositif de « temps cumulé », visant à permettre une transition progressive entre un contrat d'insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel en levant, sous conditions, le seuil de la durée hebdomadaire de travail, légalement fixé à 20 heures au sein des SIAE. Par parallélisme, je vous propose de déroger également, dans le cadre du même dispositif, au minimum de 24 heures hebdomadaires en CDI à temps partiel.
D'autres mesures du Pacte d'ambition n'ont pas trouvé leur place dans ce texte et nous espérons en voir prochainement la concrétisation, notamment en ce qui concerne l'amélioration de la gouvernance territoriale de l'insertion par l'activité économique.
Les dispositions phares de cette proposition de loi, comprises aux articles 4 à 6, sont relatives à l'expérimentation territoriale dite « zéro chômeur de longue durée », qui semble susciter une adhésion transpartisane. En ces temps de polarisation de la vie politique, il faut se réjouir du consensus entourant une proposition visant à améliorer l'insertion de nos compatriotes les plus éloignés de l'emploi.
Je me suis néanmoins efforcée d'aborder cette proposition de loi dans une démarche de doute méthodique et de ne pas me laisser dépasser par l'enthousiasme qu'elle suscite parfois. J'ai ainsi procédé à de nombreuses auditions, rencontré des territoires candidats et je me suis déplacée pour rencontrer l'une des structures participant à l'expérimentation, dans le treizième arrondissement de Paris.
Résumée à gros traits, l'expérimentation consiste, sur un territoire donné, à financer des emplois pour toutes les personnes privées durablement d'emploi, en comptant sur le fait que les dépenses directes et indirectes liées à la privation d'emploi baisseront à due concurrence, de sorte que le dispositif serait neutre financièrement tout en apportant des bénéfices aux personnes concernées et en créant d'importantes externalités positives pour les territoires.
La loi du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée permet, sur les territoires expérimentateurs, l'embauche en contrat à durée indéterminée de chômeurs de longue durée par des structures de l'économie sociale et solidaire appelées « entreprises à but d'emploi » (EBE). Comme leur nom l'indique, ces entreprises ont pour finalité de fournir un emploi aux personnes qui en sont privées. Elles développent pour cela des activités économiques utiles au territoire sur lequel elles sont créées et qui n'entrent pas en concurrence avec les activités économiques qui y existent déjà. Dans les faits, ces activités sont très diverses ; il s'agit par exemple de recycleries, d'épiceries solidaires, ou encore d'ateliers de réparation.
Les entreprises à but d'emploi bénéficient d'une aide au poste, appelée contribution au développement de l'emploi (CDE), qui est essentiellement financée par l'État, à hauteur de 95 % du SMIC. Les départements apportent un concours dont le montant est variable mais généralement marginal. Les EBE bénéficient par ailleurs de diverses subventions de démarrage ou d'équilibre et peuvent faire appel au mécénat.
Ce dispositif est pour le moment expérimenté dans dix territoires, aux caractéristiques démographiques et socio-économiques différentes, correspondant à des zones rurales ou à des quartiers urbains et répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain. Prévue pour durer cinq ans, cette expérimentation arriverait à son terme à la fin du mois de juin prochain. Selon les chiffres dont je dispose, 918 personnes ont été embauchées dans l'ensemble de ces dix territoires. La proposition de loi tend à prolonger de cinq ans l'expérimentation, tout en l'étendant à cinquante nouveaux territoires avant, peut-être, d'en envisager la pérennisation.
On peut regretter que cette proposition de loi intervienne alors que le comité scientifique ne rendra son rapport final que dans quelques semaines. Je rappelle également que, s'agissant d'une proposition de loi, ce texte n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact. Pour autant, nous disposons du rapport intermédiaire du comité scientifique et d'un rapport d'évaluation rendu par une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales, ainsi que des travaux de l'association porteuse du projet, qui permettent de tirer de premiers enseignements.
Le premier constat qui s'impose est que la neutralité financière du dispositif n'est pas encore démontrée. Je n'entrerai pas dans le détail de la controverse méthodologique qui a opposé, d'une part, les inspections générales et le comité scientifique et, d'autre part, l'association porteuse du projet ; je vous renvoie pour cela aux différents rapports publiés à l'automne dernier.
Il ressort néanmoins de l'analyse des personnes embauchées par les EBE, que les économies liées aux moindres dépenses de prestations sociales, tout comme les gains dégagés en termes d'impôts et de cotisations sociales, sont inférieures aux prévisions. Cela résulte en partie du caractère flou de la notion de privation d'emploi. En effet, 46 % des personnes embauchées par les EBE n'avaient, semble-t-il, bénéficié l'année précédente d'aucune prestation sociale. Certaines étaient sans doute en situation de non-recours, donc leur embauche n'a pas entraîné d'activation des dépenses passives. D'autres avaient travaillé ou relevaient peut-être de structures d'insertion, et le surplus de recettes sociales et fiscales entraîné par leur embauche est donc moindre que prévu.
Par ailleurs, pour équilibrer son équation, l'association intègre les recettes sociales et fiscales liées à l'emploi des encadrants des EBE. Cela revient à considérer que ces personnes n'auraient pas été embauchées ailleurs.
Enfin, l'association fait l'hypothèse que la suppression de la privation durable d'emploi permet à la collectivité d'économiser plus de 3 000 euros par personne retrouvant un emploi, grâce à l'amélioration de l'état de santé et à la réduction des dépenses résultant de problématiques telles que l'échec scolaire, la délinquance, ou encore la maltraitance infantile.
Les autres effets indirects, même si l'on peut faire l'hypothèse raisonnable que de tels effets existent, ne peuvent être mesurés empiriquement à l'échelle individuelle et dans un délai aussi court.
Au total, le comité scientifique et les inspections générales s'accordent pour considérer que le coût net pour les finances publiques de l'expérimentation s'élève, en tenant compte des économies observées et des rentrées fiscales et sociales supplémentaires, à environ 25 000 euros par emploi créé. Cette estimation n'est pas définitive et des économies supplémentaires pourraient être dégagées sur le long terme. Néanmoins, on ne peut pas conclure à ce stade que le dispositif est neutre financièrement.
J'ajoute qu'il y a un consensus assez large pour considérer qu'une des conditions du succès de l'élargissement proposé est un renforcement des moyens alloués, afin de doter les EBE en fonds propres, de leur permettre de recruter des encadrants, ou encore d'améliorer l'accès à la formation de leurs salariés. Tout cela ne relève pas de l'activation des dépenses passives et déséquilibrera encore davantage l'équation sur laquelle le dispositif repose.
Enfin, les dépenses publiques que le dispositif cherche à activer sont généralement temporaires et ont pour but de permettre la réinsertion des bénéficiaires. Or le recrutement en CDI par les EBE conduit à les pérenniser.
Il faut donc admettre que la généralisation du dispositif « zéro chômeur de longue durée » représenterait une dépense importante. Afin de déterminer si cet investissement est pertinent, il conviendrait donc de s'assurer si et à quelles conditions il s'agit d'une dépense efficiente. Pour cela, une prolongation de l'expérimentation me semble pertinente, mais il convient d'en apprécier avec rigueur le fonctionnement et les résultats.
D'un point de vue quantitatif, les 918 embauches n'ont pas permis de donner un travail à l'ensemble des bénéficiaires potentiels, estimés à un peu plus de 4 000. Ces résultats sont même nettement en deçà des prévisions, puisque nous avons voté pour 2020 un budget permettant de financer jusqu'à 1 750 postes. Toutefois, il me semble que, s'agissant d'un dispositif expérimental qui n'a été lancé que récemment, il ne faut pas nous arrêter à ces chiffres mais considérer qu'il s'agit d'un début prometteur.
D'un point de vue plus qualitatif, l'analyse des données chiffrées et des enquêtes déclaratives souligne que le retour en emploi entraîne une nette amélioration de la situation des bénéficiaires, qui retrouvent ainsi une place dans la société tout en voyant un certain nombre de leurs difficultés matérielles se réduire.
De manière plus intéressante, l'expérimentation semble montrer que, grâce à l'investissement et au travail des comités locaux, accompagnés par le fonds national, il est possible de proposer un travail à des personnes qui étaient en situation d'exclusion durable et dans des territoires parfois sinistrés économiquement.
Des questions se posent encore néanmoins sur la nature des activités proposées par les EBE. Si le critère de non-concurrence avec des activités économiques déjà existantes sur le territoire paraît être respecté dans la plupart des cas, on peut parfois se demander si l'expérimentation ne conduit pas à subventionner des activités qui relèvent de la compétence des collectivités territoriales ou qui sont exercées par ailleurs par des bénévoles du tissu associatif.
L'articulation avec l'action des structures d'insertion par l'activité économique qui s'adressent souvent aux mêmes publics doit aussi faire l'objet d'une attention particulière.
Enfin, il me semble que la nature des activités proposées peut soulever la question de la valeur du travail dans notre société. Les tâches réalisées par les salariés des EBE présentent en effet souvent un niveau de contrainte inférieur à celui de certains emplois dans le secteur marchand, pourtant rémunérés au même échelon. Cela peut d'ailleurs entraîner des effets d'éviction.
L'expérimentation fait en outre apparaître des marges importantes de progrès, notamment dans l'organisation des EBE, dont la croissance rapide a parfois créé des difficultés managériales de nature à les fragiliser.
On s'aperçoit également que les EBE n'ont bien souvent pas trouvé de modèle économique viable, et ce avant même que la crise sanitaire ne les affecte. Si l'on peut s'attendre à ce qu'elles améliorent leurs résultats au fil du temps, il n'est pas certain que leurs activités, non rentables par nature, leur permettent d'atteindre un chiffre d'affaires suffisant.
L'expérimentation comporte enfin ce que le comité scientifique appelle un « impensé », qui touche à la trajectoire d'insertion professionnelle des personnes embauchées par les EBE. J'ai rencontré des porteurs de projets pour lesquels la sortie vers un emploi de droit commun doit être l'objectif à poursuivre. D'autres considèrent à l'inverse, conformément à la philosophie initiale de l'expérimentation, que les personnes embauchées par des EBE peuvent y demeurer indéfiniment. Or l'absence de perspective d'évolution professionnelle et salariale peut créer des déceptions, voire des frustrations.
À ce stade, l'expérimentation n'a pas démontré que le modèle des entreprises à but d'emploi pouvait être le remède miracle au problème du chômage de longue durée. Il s'agit en revanche certainement d'une solution complémentaire aux autres outils existants, qui serait particulièrement pertinente pour certains publics ou pour certains territoires. La poursuite de l'expérimentation doit donc nous permettre d'identifier comment cette solution peut être articulée avec l'action déjà menée par les SIAE.
Cette expérimentation a d'autres mérites. La démarche n'est pas imposée d'en haut, de manière uniforme et avec des règles administratives parfois éloignées des réalités du terrain. Elle procède des territoires et suppose une mobilisation conjointe de l'ensemble des acteurs pour mener à bien un projet qui tient compte des aspirations des personnes privées d'emploi mais également des besoins de l'écosystème local. Il semble d'ailleurs que de nombreuses personnes rencontrées par les comités locaux retrouvent du travail sans être embauchées par une EBE, mais du seul fait de la dynamique mobilisatrice permise par la démarche. En cela, il s'agit d'un laboratoire particulièrement intéressant, qui doit nous permettre de tirer des enseignements sur le décloisonnement des politiques d'accompagnement social et de retour à l'emploi.
Pour cette raison également, une poursuite de l'expérimentation, qui devra s'accompagner d'une évaluation rigoureuse, me paraît pertinente.
Je vous proposerai plusieurs amendements afin de mieux cadrer l'expérimentation et de préciser les objectifs que nous devons lui fixer.
Il me semble notamment que la participation financière des départements doit demeurer volontaire, afin de respecter la règle de la libre administration des collectivités territoriales.
Je réponds par avance à celles et ceux qui pourraient estimer que le nombre de territoires prévus pour cette deuxième phase expérimentale n'est pas suffisant.
Premièrement, je rappelle que nous passons de dix à soixante territoires, ce qui constitue un saut important. L'un des enjeux des cinq années à venir, pour le fonds d'expérimentation, consistera à développer à grande échelle l'action d'accompagnement des territoires et des entreprises, qui s'avère être une condition essentielle du succès du dispositif. Le comité scientifique m'a d'ailleurs indiqué que le nombre de trente nouveaux territoires initialement retenu par la proposition de loi constituait un maximum.
Deuxièmement, nous sommes face à une expérimentation coûteuse à court terme et le souci du bon usage des deniers publics doit nous inciter à la prudence. De plus, élargir excessivement le nombre de territoires expérimentateurs pourrait obérer la capacité de l'État à apporter les financements complémentaires nécessaires au démarrage des EBE.
Enfin, je tiens à la logique expérimentale. Participer à cette expérimentation ne doit pas être une récompense et encore moins un droit accordé aux territoires méritants. Certains territoires qui auront engagé une démarche de mobilisation collective ne pourront être habilités et il sera justement intéressant de comparer leurs résultats avec ceux des territoires expérimentateurs.
Pour ce qui concerne la durée de l'expérimentation, cinq années me semblent suffisantes. Dans la mesure où les territoires auront trois ans pour faire acte de candidature, certains auront expérimenté le dispositif pendant moins de cinq ans lorsqu'il arrivera à échéance, mais cela ne me semble pas poser de problème. En effet, dès avant 2026, nous devrons nous prononcer sur les suites à donner à l'expérimentation. Soit nous déciderons de la poursuivre, et il nous faudra légiférer de nouveau, soit nous déciderons qu'il faut y mettre un terme. Dans ce dernier cas, il ne serait pas logique que l'expérimentation s'arrête dans certains territoires alors qu'elle se poursuivrait comme une queue de comète dans d'autres.
J'en viens au titre III, qui contient diverses mesures liées de près ou de loin à l'emploi et à l'insertion.
Une disposition censurée de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, concernant l'articulation du bonus-malus sur les contrats courts avec les allégements généraux de cotisations sociales, refait son apparition à l'article 7. Le Sénat avait supprimé cette disposition pour des raisons de forme et de fond, avant que le Conseil constitutionnel considère qu'elle n'avait pas sa place pas dans une loi de financement de la sécurité sociale. Vu notre position constante sur ce bonus-malus, mécanisme pouvant s'avérer pénalisant pour de nombreux secteurs d'activités et ne garantissant en rien une limitation des recours abusifs aux contrats courts, il semble cohérent de supprimer cet article. Il est d'autant plus urgent d'attendre, que la réforme de l'assurance chômage est désormais suspendue à la concertation en cours entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.
Par ailleurs, certains articles prévoient la prolongation d'autres expérimentations afin de disposer du recul nécessaire pour en apprécier la pertinence. Je vous proposerai de les adopter.
Dans la mesure où l'objet de cette proposition de loi est en grande partie expérimental, avec l'esprit d'ouvrir le champ des possibles, je suis également favorable à l'expérimentation de l'ouverture du contrat de professionnalisation aux entreprises de portage salarial, proposée à l'article 9 ter, même si la combinaison de ces deux dispositifs peut sembler a priori antinomique.
Enfin, conformément à la position habituelle du Sénat, je vous proposerai de supprimer les demandes de rapport formulées par l'Assemblée nationale.