Intervention de Mathieu Darnaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 octobre 2020 à 9h30
Proposition de loi constitutionnelle et proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales — Examen du rapport et des textes proposés par la commission

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, rapporteur :

Nous partageons très largement le constat que les réformes territoriales, quoique nombreuses, ont laissé trop de sujets de côté, notamment ceux de la péréquation et du pouvoir réglementaire, évoqués par certains de mes collègues.

La déconcentration n'entre pas dans l'objet de ce texte, même si elle a partie liée avec la décentralisation. Le débat est ancien et nous l'abordons en nous prononçant pour le plein exercice des libertés locales. Je me souviens de la présidente Éliane Assassi, nous disant qu'il ne saurait y avoir de bonne décentralisation sans une bonne déconcentration, qu'il faut un État territorial vigoureux, bien doté et rapide, pour accompagner les collectivités territoriales dans l'exercice de leurs missions. Certes, mais nous sommes partis, nous, des conditions de plein exercice des libertés locales. Le point de blocage, on le connait, c'est principalement la main invisible d'un État qui entrave les libertés locales par un contrôle trop lourd, ou encore par le manque de moyens qu'il attribue à ses services déconcentrés pour exercer correctement leurs missions. Pour aller plus loin, il faut donc conforter les libertés locales et leurs conditions d'exercice.

Je partage pleinement le constat d'Agnès Canayer : ce débat est politique autant que technique et il faut plus de reconnaissance des politiques publiques locales, une plus juste reconnaissance aussi de ceux qui font vivre la démocratie. Un projet de loi dit « 3D » - décentralisation, différenciation, et déconcentration -, peut-être même 4D en y adjoignant la « décomplexification », est en préparation : nous serons attentifs à ces sujets lors de son examen.

Je me réjouis des points nombreux de convergence avec M. Kerrouche. Je précise que notre texte tient précisément compte de l'avis du Conseil d'État en ce qui concerne la différenciation. Je suis également favorable à une réforme de la péréquation, Charles Guené en a parlé, nous devons faire le bilan de la péréquation actuelle - tant elle devient incompréhensible pour les élus concernés...

Sur le « tunnel » de la représentativité, je suis d'accord avec vous, monsieur Kerrouche, nous voulons fixer une limite dans la Constitution, mais il faudra ensuite définir l'écart précis dans une loi ordinaire. Faut-il une loi de financement des collectivités territoriales ? J'y suis personnellement favorable, mais ces deux propositions de loi n'en sont pas le bon véhicule.

Quant à la fusion des articles 73 et 74 de la Constitution, notre objectif est précisément de permettre aux collectivités d'outre-mer de définir elles-mêmes la part de l'identité et de la spécificité législative.

Sur les difficultés propres à Wallis-et-Futuna, je suis à votre disposition, monsieur Mohamed Soilihi, pour les examiner. La fusion aura aussi cet avantage de répondre aux attentes des collectivités qui hésitent à passer d'un régime à l'autre. Voyez la Guyane, où nous nous sommes déplacés et où nous avons évoqué cette perspective avec tous les acteurs du territoire : faut-il une loi spécifique pour la Guyane, ou bien n'est-ce pas préférable de mieux intégrer les articles 73 et 74 de la Constitution, pour plus de souplesse dans le choix du régime juridique ? Il nous a aussi été opposé que la concertation aurait pu être plus importante. Or, le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer a passé un temps considérable à auditionner, à concerter, pour parvenir à un avis fondé - il a proposé trois possibilités, nous en avons retenu une, en motivant notre choix par rapport aux deux autres. J'ajoute que la procédure de révision constitutionnelle est suffisamment longue pour poursuivre et faire vivre le débat.

J'entends les préoccupations de Mme Cukierman, même si j'avoue ne pas saisir toute la subtilité du distinguo entre équité et égalité. Ce que nous voulons, c'est prendre en compte les spécificités territoriales, assurer une meilleure représentation des territoires, en particulier des territoires ruraux qui sont peu denses - c'est le fondement de la limite que nous voulons poser, dans la Constitution, au « tunnel » d'écart de représentation. Quant à l'expérimentation, nous posons un acte, mais il faudra aller plus loin, avec des traitements parfois singuliers, selon les situations et les besoins.

Enfin, nous avions bien identifié la portée politique du choix pour certains des territoires ultramarins, consistant à relever de l'article 73 ou de l'article 74 de la Constitution - en particulier s'agissant de la Polynésie française. Nous nous emploierons à ce que la fusion des deux articles ne change pas la dimension statutaire du territoire. Cependant, les trois amendements de notre collègue Lana Tetuanui nous semblent inappropriés, dès lors que la Polynésie française dispose déjà de pouvoirs d'intervention en matière pénale et en matière internationale.

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