Intervention de Anne Thiebeauld

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 octobre 2020 à 8h35
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Audition de Mme Anne Thiebeauld directrice des risques professionnels à la caisse nationale de l'assurance maladie cnam

Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels à la Caisse nationale de l'Assurance maladie :

La branche accusera un déficit d'environ 290 millions d'euros cette année, en raison de la baisse des produits de 8 % liée à la baisse de la masse salariale sur laquelle les cotisations s'appliquent et, également, à une hausse des dépenses projetée de 1,5 %. Ces dépenses sont notamment tirées par les indemnités journalières versées par la branche.

Vous avez raison, nous constatons, en 2020, une baisse marquée du nombre de déclarations d'accidents du travail et, dans une moindre mesure, de maladies professionnelles, du fait de la crise sanitaire. Toutefois, nous devons indemniser les sinistres des années antérieures, qui ont été marquées par une très forte hausse des indemnités journalières. En moyenne, la durée d'arrêt en cas d'accident de travail est plus d'une centaine de jours, et trois fois plus en cas de maladie professionnelle.

Concernant l'évolution de la sinistralité, on observe un rebond des maladies professionnelles qui ont augmenté de 1,5 % en 2018, puis 1,7 % en 2019. C'est dû principalement à une augmentation des troubles musculo-squelettiques, qui constituent le premier facteur de risques professionnels, puisqu'ils représentent presque 90 % des maladies professionnelles. Toutefois, comme la masse salariale a augmenté ces années-là, il est aussi logique de constater une hausse des TMS.

Les maladies professionnelles liées à la silice cristalline ont augmenté en 2019 : 59 cas de cancers ont ainsi été reconnus et pris en charge sur le tableau de maladies professionnelles 25. Cette augmentation s'explique par l'émergence de nouvelles activités, qui ne sont plus celles que l'on connaissait traditionnellement pour les atteintes à la silicose, c'est-à-dire les activités minières ; la silice cristalline est ainsi utilisée comme matériau dans un certain nombre d'activités et de procédés industriels, tels que l'extraction et la taille de la pierre, la fabrication de prothèses dentaires ou encore le design d'intérieur à cause de l'utilisation de certains minéraux, comme le granit. C'est la poussière de ces minéraux qui, inhalée, provoque une exposition aux risques professionnels liés à la silice. Nos actions, à cet égard, sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, grâce à notre laboratoire scientifique, l'INRS, nous réalisons des bases documentaires à jour et précises, et mettons à disposition des employeurs des dispositifs de prévention pour limiter l'exposition à la silice selon les activités : des dispositifs utilisables dans les carrières pour l'abattage de la poussière au sol, des guides de ventilation pour la protection des prothésistes dentaires, ou encore des dispositifs de prévention pour les ateliers utilisant des matériaux minéraux, etc. En septembre 2019, nous avons signé une convention avec l'Union nationale des prothésistes dentaires, qui prévoit un accompagnement par les préventeurs des caisses régionales des professionnels concernés, avec la possibilité de prendre en charge jusqu'à 70 % des investissements nécessaires pour installer des dispositifs de ventilation ou mettre en oeuvre les formations nécessaires à l'utilisation de ces dispositifs.

Pour limiter les effets de la sous-déclaration, nous avons mis en oeuvre plusieurs actions. Comme la commission de 2017 avait identifié, comme cause de cette sous-déclaration, le manque d'information des assurés et des professionnels de santé, nous nous sommes appuyés sur les délégués de l'assurance maladie, qui sont en lien direct avec les professionnels de santé, pour qu'ils présentent aux médecins des mémos et des informations relatives aux certificats médicaux utiles à l'instruction des maladies professionnelles. Ces échanges ont permis de sensibiliser les médecins prescripteurs à la détection de l'origine professionnelle des maladies de leurs patients. L'année dernière, nous avons aussi refondu la procédure de reconnaissance des accidents de travail et des maladies professionnelles, avec l'idée qu'un assuré bien informé sera mieux à même de réaliser une déclaration de maladie professionnelle. Nous en avons profité pour renouveler nos matériels de communication et d'information à l'intention des assurés, pour mieux informer sur le risque professionnel ainsi que sur la manière et l'intérêt de déclarer sa maladie professionnelle, même lorsqu'elle est à effet différé. Nous avons travaillé sur différents supports de communication, notamment sur le site Ameli.fr, qui bénéficie d'une audience très forte parmi les assurés, et nous avons investi dans un certain nombre de téléservices pour faciliter les échanges avec les caisses primaires en charge de l'indemnisation au cours de la procédure de déclaration. Vous évoquez aussi la possibilité de réaliser des évaluations intermédiaires. Nous n'en réalisons pas actuellement. La commission de sous-déclaration de l'année prochaine devrait réaliser cette évaluation. On constate effectivement une sous-déclaration des maladies professionnelles qui nécessite un reversement vers la branche maladie. Des arrêts maladie peuvent relever des accidents de travail, et inversement.

Le directeur de général de la Cnam vous a présenté le dispositif expérimental que nous souhaitions mettre en place en 2020, avec les médecins traitants et les médecins conseils de l'assurance maladie, pour mieux détecter l'origine professionnelle de quatre pathologies : l'asthme, la surdité, les cancers naso-sinusiens et les problèmes au rachis lombaire. Ces expérimentations ont été reportées en 2021.

Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides a été mis en place auprès de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, dont les bénéficiaires sont les premiers concernés par cette exposition. Nous sommes encore à cet égard dans une phase transitoire, puisque nous attendons la publication prochaine du décret d'application.

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