Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 22 octobre 2020 à 14h30
Dotation d'équipement des territoires ruraux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la dotation d’équipement des territoires ruraux constitue, vous le savez, une dotation essentielle pour les communes et leurs groupements. Elle l’est plus que jamais, pour plusieurs raisons.

La première raison, ce sont les baisses successives de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, durant le dernier quinquennat ont représenté plus de 11 milliards d’euros, soit une diminution de 20 %, entraînant une réduction des capacités d’investissement des communes.

J’ajoute que, malgré une stabilisation globale de l’enveloppe depuis le début de ce quinquennat, la baisse se poursuit pour certaines communes, puisque, dans le département dont je suis élu, plus de 300 communes ont connu une diminution de DGF entre 2017 et 2020. Il y a malheureusement tout lieu de craindre, avec les conséquences de la crise sanitaire, que la situation financière des communes ne s’améliore pas !

La seconde raison de l’importance de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, aujourd’hui, c’est la suppression de la réserve parlementaire par l’actuelle majorité, qui a privé de nombreuses communes de précieux concours. Je le rappelle, ce dispositif permettait de financer principalement des petits projets de communes rurales, avec une très grande souplesse.

Elle constituait soit un complément utile a des projets d’ores et déjà subventionnés, soit un régime de subvention pour compenser le fait que certains projets ne pouvaient être subventionnés, parce qu’ils étaient inférieurs à un coût plancher ou parce que les travaux n’entraient dans aucun dispositif.

Lors de sa suppression en 2017, le Gouvernement avait annoncé dans un premier temps qu’une nouvelle dotation serait créée. Il n’en a rien été. Il s’est même opposé au dispositif adopté par le Sénat sur mon initiative, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, qui prévoyait les mêmes avantages que la réserve parlementaire.

Le Gouvernement a ensuite indiqué que la suppression de la réserve parlementaire serait compensée par une augmentation de la DETR. Il n’en a rien été non plus, puisque seuls 50 millions sur 150 millions d’euros que représentait la réserve parlementaire ont été réaffectés à la DETR. Dans certains départements, les effets n’en ont pas été ressentis. Ainsi, le montant de la DETR dans l’Eure a même connu une baisse entre 2017 et 2018.

C’est dire que la DETR est devenue, dans de nombreux cas, indispensable à la réalisation et à la faisabilité d’un projet. La décision du préfet d’octroyer, ou non, cette subvention conditionne ainsi dans la plupart des cas le sort d’un projet.

Son attribution doit donc être plus que jamais transparente et juste. Or, force est de constater que, malheureusement, la procédure d’attribution est, à plusieurs égards, insatisfaisante, et les choix des projets subventionnés peuvent, de ce fait, être l’objet de légitimes incompréhensions, voire de suspicions, de la part des élus.

Si le cadre légal définit les critères d’éligibilité des collectivités locales à cette dotation, il a pu être observé dans certains cas l’introduction par le préfet dans le règlement départemental de critères qui excluent de fait et sans base légale des communes du bénéfice de la DETR.

Ainsi, dans mon département, toutes les communes sur le territoire desquelles des implantations de lotissements ont été décidées au cours des années précédentes se sont vues privées de DETR de manière rétroactive. Ce cas n’est pas unique : notre collègue Frédérique Espagnac a ainsi évoqué en commission des finances une expérience similaire dans son département.

Un autre élément particulièrement insatisfaisant est le rôle très limité de la commission des élus, tant par le cadre légal qu’en pratique, à tel point que la participation à ses réunions procure bien souvent le désagréable sentiment de participer à une structure totalement inutile.

La loi prévoit que la commission des élus fixe les catégories d’opérations prioritaires à financer, ainsi que les taux de subventionnement plancher et plafond. Dans les faits, le préfet dispose de la capacité de retenir les projets de son choix sans être lié par les catégories retenues par la commission.

J’ai pu ainsi observer des cas où le préfet a rejeté systématiquement les dossiers relevant d’un type d’opérations jugé pourtant prioritaire par la commission.

La commission a par ailleurs un rôle consultatif très limité, puisqu’il concerne uniquement les projets qui portent sur une subvention supérieure à 100 000 euros, soit dans mon département 20 % des projets.

La loi prévoit également que la commission se voit communiquer la seule liste des opérations retenues par le préfet. Elle n’est donc pas informée de l’ensemble des demandes déposées, en particulier de celles auxquelles le préfet n’envisage pas de donner suite. Il est de ce fait extrêmement difficile d’apprécier les choix du préfet et d’émettre un avis.

De la même manière, le préfet n’a pas l’obligation de rendre compte devant la commission de la liste des dossiers qu’il a sélectionnés et des critères appliqués pour choisir les projets à financer.

Ces différentes limites conduisent à réduire la commission des élus à une instance d’enregistrement de choix unilatéraux du préfet, tout en donnant une apparence de concertation à cette procédure.

L’objectif de cette proposition de loi vise donc à remédier à cette situation, sans toutefois remettre en cause le rôle décisionnaire du préfet. Elle tend à réaffirmer dans son article 1er le caractère exclusif de la loi dans la définition des critères d’éligibilité des collectivités locales à cette dotation. Aussi, les communes et leur groupement ne doivent pas pouvoir se voir opposer d’autres critères d’éligibilité à la DETR que ceux qui sont déjà prévus par la loi.

L’article 2 tend à renforcer le rôle de la commission des élus et la transparence de la procédure d’attribution. Il convient ainsi de modifier le seuil de 100 000 euros précédemment évoqué, qui a pour effet de restreindre très fortement le rôle consultatif de la commission des élus.

C’est pourquoi, dans la version initiale de ma proposition de loi, je proposais de supprimer ce seuil, afin que l’avis de la commission porte sur l’ensemble des dossiers. Le rapporteur vous exposera tout à l’heure les raisons qui l’ont conduit à une proposition de substitution, à savoir à un abaissement du seuil à 80 000 euros, plutôt qu’à une suppression pure et simple. J’ai bien sûr accepté cette solution de compromis.

Afin d’améliorer la transparence de la procédure, l’article 2 vise également à prévoir que tous les dossiers soient communiqués à la commission des élus, et non plus seulement les dossiers retenus par le préfet. Cette disposition permettra que la commission rende un avis éclairé, en connaissant les dossiers que le préfet compte subventionner comme ceux qu’il propose de rejeter.

Il impose également que le préfet détaille pour chaque catégorie d’opérations les éléments sur lesquels il s’est fondé pour retenir ou rejeter les demandes de subvention, quel que soit leur montant. Il prévoit également une communication sur la répartition territoriale et par catégorie des opérations retenues.

L’article 2 vise par ailleurs à inscrire dans le marbre de la loi l’obligation pour le préfet de respecter les catégories définies par la commission des élus.

Enfin, l’article 3 de cette proposition de loi consacrait dans sa version initiale un « droit à l’erreur » au profit des communes et de leurs groupements dans le cadre de leur demande de subvention.

J’avais introduit cette disposition en observant des dossiers refusés au motif de pièces manquantes ou d’une erreur matérielle dans le dossier constitué par la commune, sans qu’une possibilité de régularisation soit offerte à cette dernière. Ainsi, une omission, même minime, peut faire perdre dans certains cas le bénéfice d’une subvention à la collectivité locale.

Le rapporteur a fait remarquer que cette disposition était déjà satisfaite par le cadre réglementaire, et il a en conséquence supprimé l’article 3 de ce texte. Il conviendrait donc que les préfets l’appliquent avec une plus grande rigueur ce dispositif. Nous sommes un certain nombre à pouvoir témoigner que ce n’est pas toujours le cas !

Mes chers collègues, je vous sais sensible à ces sujets, puisque notre Haute Assemblée a déjà adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 les mesures prévues par ce texte visant à renforcer le rôle de la commission des élus et la transparence dans l’attribution de la DETR.

Malheureusement, ces dispositions avaient été supprimées par l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, comme toujours…

J’espère que vous renouvellerez dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, que votre commission des finances a adopté à l’unanimité, votre soutien à ces mesures, alors que nos communes, notamment celles de petite taille, sont encore plus dépendantes de ce dispositif à l’heure où leurs finances ont été fortement fragilisées par la crise sanitaire.

J’espère également que le Gouvernement percevra enfin le bien-fondé de ce texte et donnera un avis favorable à son adoption au Sénat, puis à son examen et à son adoption l’Assemblée nationale.

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