Intervention de Bernard Delcros

Réunion du 22 octobre 2020 à 14h30
Dotation d'équipement des territoires ruraux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bernard DelcrosBernard Delcros :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un sujet bien connu des élus de la ruralité dont nous allons débattre maintenant : celui de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.

Il s’agit d’un outil financier de l’État très important pour des milliers de maires et d’élus des territoires ruraux, particulièrement dans les petites communes, car il soutient leurs projets d’investissement à hauteur de 1 milliard d’euros en 2020 ; plus de 20 000 projets ont pu en bénéficier.

L’une des particularités de ce dispositif tient à la mise en place, dans chaque département, d’une commission composée d’élus locaux et de parlementaires, qui fixe les catégories d’opérations prioritaires, ainsi que les taux planchers et plafonds applicables aux subventions attribuées, et qui est saisie pour avis, comme l’a rappelé Hervé Maurey, sur les opérations qui appellent une subvention supérieure à 100 000 euros.

C’est précisément sur le rôle de cette commission et la procédure d’attribution de la DETR que porte la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey. En effet, si dans l’immense majorité des départements les règles d’attribution de la DETR et les prérogatives de la commission sont parfaitement respectées, dans le cadre de relations transparentes entre le préfet et la commission des élus, des cas de dysfonctionnement ont parfois été constatés.

C’est pourquoi je partage les préoccupations de notre collègue et l’esprit de sa proposition de loi, qui vise à éviter ces dysfonctionnements et à améliorer, là où c’est nécessaire, la transparence du processus.

Toutefois, avec la commission, j’ai souhaité trouver un juste équilibre entre, d’une part, la nécessaire transparence des procédures et, d’autre part, le besoin de préserver réactivité et efficacité dans l’attribution des subventions : il y va de l’intérêt des collectivités et de leurs investissements. À cet effet, j’ai proposé, avec l’accord de son auteur, plusieurs amendements au texte initial que la commission a bien voulu adopter.

L’article 1er porte sur les critères d’éligibilité des communes et de leurs groupements à la DETR, et non sur les critères d’éligibilité des projets.

L’auteur de la proposition de loi m’a décrit le cas d’un règlement départemental ayant pris la décision d’exclure a priori tout projet porté par une commune au motif qu’elle ne se serait pas engagée dans une démarche de non-artificialisation des terres. Si l’appréciation de l’opportunité du financement des projets relève bien du préfet et, le cas échéant, de la commission, les critères d’éligibilité des collectivités ne peuvent en revanche relever que de la loi. Il n’est donc pas permis d’opposer aux collectivités territoriales des critères supplémentaires.

Cet article 1er, modifié en commission par un amendement de précision rédactionnelle, vise à lever toute ambiguïté sur ce point. Pour répondre à une question qui m’a été posée, il va de soi que cette disposition n’a aucunement pour effet de créer une obligation de subventionner automatiquement les projets présentés par une collectivité.

L’article 2 comporte quant à lui diverses dispositions visant à renforcer le rôle de la commission DETR.

Premièrement, il vise à enrichir l’information portée à la connaissance de la commission. Il tend notamment à prévoir que toutes les demandes de DETR lui soient transmises, que celles-ci aient été retenues par le préfet ou non. Sur ce point, il me semble utile que les élus disposent de cette information.

Aujourd’hui, leur vision se limite aux seules opérations retenues par le préfet. Je suis convaincu que cet effort de transparence est de nature à améliorer la qualité des travaux de la commission DETR et à éclairer son jugement, pour définir les opérations prioritaires et fixer les taux planchers et plafonds.

Toutefois, la commission a voulu préciser le champ de cette nouvelle obligation d’information, qui ne concernerait évidemment que les dossiers complets et recevables.

Par ailleurs, l’article 2 visait initialement à prévoir que la commission DETR soit saisie pour avis de l’ensemble des demandes de subvention, et non plus seulement des projets qui appellent une subvention supérieure à 100 000 euros.

Je l’ai souligné en commission, je n’y suis personnellement pas favorable. Il me semble en effet que la suppression de tout seuil alourdirait considérablement la procédure et en allongerait les délais, au détriment de l’investissement des collectivités territoriales.

Il faut, me semble-t-il, laisser aux préfets une certaine souplesse, par exemple pour financer des projets devenus urgents, pour faire face à des imprévus ou pour redéployer de faibles montants de DETR avant la fin de l’année – cela arrive souvent –, afin qu’ils ne soient pas perdus pour le département. Voilà pourquoi une telle souplesse est importante, d’autant que cette procédure fonctionne très bien dans de nombreux départements.

Néanmoins, afin de renforcer les prérogatives de la commission DETR, et en accord avec l’auteur de la proposition de loi, la commission des finances a adopté un amendement visant à abaisser de 100 000 euros à 80 000 euros le seuil au-delà duquel une saisine pour avis de la commission est requise.

On peut estimer que l’application de ce nouveau seuil permettrait à la commission DETR de se prononcer sur les deux tiers environ des crédits octroyés.

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi initiale visait à instaurer un « droit à l’erreur » pour les collectivités dans leur dossier de demande de subvention au titre des dotations de l’État.

L’idée qui sous-tendait cet article 3 était simple : une commune ne doit pas pouvoir se voir refuser la subvention au seul motif que son dossier serait incomplet, sans même lui avoir laissé la possibilité de le compléter dans un délai raisonnable.

Là encore, l’auteur de la proposition m’a fait part d’une situation locale tout à fait inadmissible, où une commune au dossier incomplet perdait toute chance de se voir octroyer la DETR. J’ai toutefois proposé à la commission de supprimer cet article.

Cette suppression ne traduit en aucun cas une opposition de principe de la commission. Elle relève simplement que le droit à l’erreur est déjà garanti par les textes en vigueur. En effet le code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction actuelle, dispose que dans le cas d’un dossier incomplet le préfet doit demander les pièces manquantes dans les trois mois ; dans cette hypothèse, le délai accordé à la commune est suspendu. L’enjeu réside donc seulement dans la bonne application du droit existant.

Pour terminer, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais attirer votre attention sur deux difficultés rencontrées par les élus locaux et pour lesquelles des solutions pourraient être envisagées.

La première concerne la date d’attribution des subventions DETR. Chaque début d’année, les élus attendent avec impatience la décision du préfet pour l’attribution ou non de la subvention DETR, car elle conditionne la plupart du temps la mise en œuvre de leurs projets.

Ils doivent souvent voter le budget de leur commune avant même de connaître la réponse, et par conséquent sans pouvoir inscrire les dépenses et recettes affectées à leur projet.

C’est pourquoi il serait véritablement utile de notifier les attributions de la DETR avant le vote des budgets communaux. Il me semble qu’une telle notification doit être possible.

Deuxième difficulté, les crédits non consommés et qui n’ont pas été redéployés dans l’année en cours doivent être restitués et sont donc perdus pour le département. Or les raisons de cette sous-consommation sont la plupart du temps indépendantes de la bonne gestion des collectivités.

Monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux vous seraient très reconnaissants si vous pouviez imaginer un mécanisme permettant de conserver ces crédits à l’échelle départementale.

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