Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 octobre 2020 à 18h00
Débat préalable au conseil européen des 15 et 16 octobre 2020 en présence de m. clément beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes en visioconférence

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Je suis heureux de vous accueillir, monsieur le ministre, au nom de Jean-François Rapin, qui vient d'être élu pour me succéder comme président de la commission des affaires européennes et qui vous prie de bien vouloir l'excuser : des engagements pris de longue date l'empêchent en effet d'être au Sénat ce soir et de présider notre réunion. Le calendrier du renouvellement sénatorial conjugué à vos contraintes d'agenda nous amène à nous réunir à cet horaire atypique pour débattre à la veille du Conseil européen. L'essentiel, néanmoins, est que ce débat puisse avoir lieu, d'autant que c'est la deuxième fois que le Conseil européen se réunit en octobre, sa réunion extraordinaire prévue en septembre ayant dû se tenir début octobre en raison de la pandémie. Cette dernière sera encore à l'ordre du jour, malheureusement : les chefs d'État ou de gouvernement chercheront à éviter le manque de coordination dont l'Union européenne avait souffert lors de la première vague épidémique de mars dernier.

Ils travailleront en outre sur trois sujets majeurs : la négociation du Brexit, le changement climatique et les relations extérieures. Comment ne pas être inquiets à mesure qu'augmente la probabilité de ne pas aboutir à un accord avec le Royaume-Uni pour organiser nos futures relations? Alors qu'il reste seulement deux semaines utiles, la négociation patine. Un accord ne pourra pas émerger sans l'assurance d'une concurrence loyale et la mise en place d'une gouvernance de cet accord ; or le Brexit est précisément présenté au Royaume-Uni comme l'opportunité pour ce pays de retrouver sa souveraineté en s'affranchissant des règles et de l'ordre juridique européens. Puisque l'accord commercial et l'accord de pêche doivent se conclure ensemble, l'impasse où se trouve le premier nous expose au risque qu'il n'y ait rien à la fin pour nos pêcheurs : pourra-t-on éviter que se brise l'unité entre les Vingt-Sept, tant les intérêts nationaux des huit États concernés par la pêche sont divergents ? Comment le Gouvernement compte-t-il procéder pour épargner à nos pêcheurs une négociation annuelle, espèce par espèce, et pour leur maintenir un accès à la zone des 6-12 milles ?

Concernant le changement climatique, la surenchère en matière d'objectifs de réduction des émissions à l'horizon 2030 nous préoccupe au plus haut point. Quand le Parlement européen propose de porter cette réduction à 60 %, en mesure-t-il seulement l'impact économique ? Une réduction de 55 % serait déjà extrêmement ambitieuse. Avant de transmettre le flambeau de la présidence de la commission, j'ai écrit au Président Timmermans pour l'alerter notamment sur le risque que l'Union européenne condamne son agriculture conventionnelle en lui imposant des règles trop strictes : l'Europe est en voie de perdre toute souveraineté alimentaire, en important des biens agricoles avec un mauvais bilan carbone... Cela soulève une question de fond : qu'est-ce que le Président Macron est prêt à sacrifier sur l'autel de l'accord de Paris ?

Dernier sujet pour le Conseil européen : les relations extérieures de l'Union. Après avoir évoqué la Chine début octobre, il se tournera vers l'Afrique, autre partenaire stratégique pour l'Europe. Il est essentiel de dynamiser nos investissements en Afrique et d'y consolider nos valeurs communes. C'est ainsi que l'Europe confortera sa place à l'échelle mondiale, et cela vaut aussi envers la Biélorussie ou la Turquie. Pour reprendre vos propres mots, monsieur le ministre, il est temps que Josep Borrell adopte, au nom de l'Union, « le langage de la puissance avec la grammaire de la solidarité » : croyez-vous que la France soit en mesure d'en convaincre les autres États membres ?

Un dernier mot, enfin : depuis huit mois, le Parlement européen ne s'est pas réuni à Strasbourg, lieu symbolique de réconciliation franco-allemande, en contradiction avec ce que prévoient les traités. Aux yeux de notre commission et des sénateurs alsaciens, cette situation, qui n'a pas de justification sanitaire valable, n'est pas tolérable. Le Président de la République l'a lui-même dénoncée, mais, concrètement, que compte faire le Gouvernement pour y mettre fin ?

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