Intervention de Véronique Guillotin

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 octobre 2020 à 18h00
Débat préalable au conseil européen des 15 et 16 octobre 2020 en présence de m. clément beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes en visioconférence

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

L'actualité du moment, c'est bien la santé et la crise sanitaire, dans laquelle l'Union européenne reste plongée, comme le reste du monde. La seconde vague de covid semble se profiler presque partout sur le continent. Aux quatre coins de l'Europe, de nouvelles mesures de lutte contre la pandémie sont adoptées. Chaque État membre prend les dispositions qu'il juge nécessaires pour contenir la propagation du virus. Pour autant, lors des derniers Conseils européens, l'on a appelé à un effort de coordination de ces dispositifs, en particulier concernant les limitations de déplacements transfrontaliers et interfrontaliers.

Dans cet état d'esprit, les ministres de l'Union européenne chargés des affaires européennes ont adopté hier une recommandation. Le but est, notamment, de coordonner les mesures nationales visant à restreindre les déplacements dans l'Union européenne, en réponse à la pandémie. La Commission a salué cette initiative en rappelant que les mesures de contrôle sanitaire aux frontières sont préférables aux fermetures unilatérales, comme celles que l'on a connues en mars dernier. Je réside en Meurthe-et-Moselle, à un kilomètre de la frontière luxembourgeoise, et je ne peux qu'approuver cette position, à l'instar des très nombreux travailleurs frontaliers.

La réunion extraordinaire du Conseil européen de juillet dernier a abouti à la présentation d'un vaste ensemble de mesures associant le futur cadre financier pluriannuel et un effort de relance spécifique, au titre du Next Generation EU. Au sein de ces projets, on distingue l'embryon d'une Europe de la santé, au moins sur le plan comptable : les outils existants sont abondés dans le prochain cadre financier pluriannuel et au titre de l'instrument de relance, à hauteur de 9,4 milliards d'euros.

Néanmoins - sur ce point, nous sommes tous d'accord -, cet effort conjoncturel doit être approfondi, et surtout relayé par une véritable réflexion quant aux contours institutionnels d'une Europe de la santé. Nos collègues Pascale Gruny et Laurence Harribey l'ont rappelé dans leur rapport d'information, que nous avons approuvé en janvier dernier. Nous ne partons pas de zéro - nous disposons de l'agence du médicament, du centre européen de prévention et de contrôle des maladies, ainsi que de nombreuses coopérations, constatées pendant la crise sanitaire -, mais la covid doit inviter sérieusement l'Union européenne à concrétiser ce chantier. L'enjeu est de trouver le bon équilibre entre le respect de la souveraineté des États et la nécessaire mutualisation des moyens. Il faut faire preuve d'intelligence collective, face à un défi qui se joue des frontières.

La recherche, notamment pour le vaccin, soulève nombre d'enjeux stratégiques et financiers. Or des députés européens se sont émus de l'opacité qui entoure les négociations de la Commission avec les laboratoires pharmaceutiques, en vue de la réservation des doses de vaccin pour les États membres. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce sujet ? Quoi qu'il en soit, la Commission européenne et les divers gouvernements devront parler d'une seule voix et obtenir un prix raisonnable pour le vaccin. La présidente de la Commission l'a rappelé en septembre dernier, dans son discours sur l'état de l'Union.

L'idée d'une Barda à l'européenne, sur le modèle de l'agence gouvernementale américaine liée au département de la santé qui coordonne et finance la recherche, pourrait être la première pierre d'un édifice de la santé. Le Président de la République y semble favorable. Il faut la mettre en oeuvre le plus rapidement possible : une meilleure coordination est nécessaire pour que, face à l'urgence, nous ne nous retrouvions pas à gérer, avec des pays tiers, la pénurie de masques ou de principes actifs. Au-delà de la santé, c'est bien notre autonomie stratégique qui est en jeu.

Le prochain Conseil européen devrait également mesurer les progrès accomplis au titre de l'objectif de neutralité climatique de l'Union européenne d'ici à 2050. Hélas, la crise économique qui s'annonce complique les débats quant aux moyens d'encourager le développement durable. Certains veulent « lâcher la bride » pour soutenir la croissance, et d'autres, visant en particulier le plan européen de relance, souhaitent conditionner les aides au caractère vertueux des investissements. Quelle est la position de la France ?

Pour ce qui concerne le projet de loi relatif au climat, en cours de finalisation, la présidence allemande cherche des compromis. L'objectif de réduction nette d'au moins 55 % des émissions vous semble-t-il réalisable ? La France est-elle favorable à un objectif collectif ou par pays ? L'effort doit être équitablement réparti, avec, bien entendu, une modulation de financements au bénéfice des États les moins riches.

Le Brexit sera également à l'ordre du jour. La situation sanitaire a sans doute ralenti les négociations visant à dessiner la relation future avec le Royaume-Uni. De plus, le fameux flegme britannique et l'art du fair play semblent avoir quitté nos amis anglais. Ces derniers s'évertuent à modifier unilatéralement l'accord signé en janvier. Membres de l'Union européenne, les Britanniques avaient un pied dedans et un pied dehors : c'est ce que l'on avait coutume de dire. Aujourd'hui, ils veulent être dehors, mais, à certains égards, garder un pied dedans. En particulier, la question des aides d'État doit être prise au sérieux : c'est un enjeu de concurrence, qui ne doit pas tourner en faveur du Royaume-Uni. Avec le Brexit, ce pays a fait le choix de quitter le marché unique. Il doit en assumer les conséquences, ainsi que celles découlant du protocole irlandais.

Enfin, le conflit du Haut-Karabakh est un sujet de préoccupation majeure. La solution ne réside ni dans l'intervention militaire ni dans l'ingérence extérieure, mais la population civile paye un lourd tribut. Le cessez-le-feu obtenu par Moscou est fragile et n'a pas mis un terme aux combats. Que peut faire l'Union européenne ? Doit-on rester spectateurs face à la Russie, à l'Iran et à la Turquie, au risque de voir la crise s'internationaliser ? L'escalade entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan se produit aux portes de l'Europe. Il est du devoir de l'Union européenne d'élaborer un processus de règlement du conflit.

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