Intervention de Olivier Cadic

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 octobre 2020 à 18h00
Débat préalable au conseil européen des 15 et 16 octobre 2020 en présence de m. clément beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes en visioconférence

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

« Maintenant j'attends, j'attends, j'attends toujours et je me prépare à attendre encore. Voilà tout ce que je peux faire. » Cette expression traduit l'impuissance et l'angoisse ressenties par les Européens qui vivent le Brexit au quotidien. Vous trouverez ce message, comme bien d'autres, dans le livre In Limbo, qui sera présenté aux médias demain ; trois Européens, dont notre compatriote Véronique Martin, ont réalisé ce nouveau recueil de témoignages, qui marquera l'histoire. Il fera comprendre aux générations futures la détresse éprouvée par les Européens du Royaume-Uni, consécutive à la décision de sortie de l'Union européenne et toutes ses conséquences humaines négatives.

Je vis au Royaume-Uni depuis vingt-trois ans. Or, quatre ans et demi après le référendum décidant la sortie du pays de l'Union, nous ne savons toujours pas ce que le Brexit va vraiment signifier pour nos vies. L'accord de retrait est supposé garantir les droits des Européens résidant au Royaume-Uni. Les Britanniques ont décidé d'accorder le settled status à tous les Européens installés outre-Manche depuis plus de cinq ans. À ceux qui s'y trouvent depuis moins de cinq ans, ils accorderont le pre-settled status.

La crise entraînée par la covid a contraint de nombreux Européens à demander des aides sociales au Royaume-Uni. Ceux qui disposent du settled status peuvent y prétendre sans difficulté. En revanche, ceux qui n'ont que le pre-settled status sont soumis à un test de résidence habituelle, dont dépend l'accès aux services sociaux. Ces derniers gèrent six allocations, parmi lesquelles l'allocation de chômage, l'aide au logement, l'aide sociale et l'aide aux handicapés.

Cette difficulté a été portée à mon attention par Nicolas Hatton, président de The3Million, association représentant les trois millions d'Européens vivant au Royaume-Uni. Cette barrière réglementaire est incompatible avec l'accord de sortie, car elle catégorise les Européens du Royaume-Uni légalement enregistrés en deux groupes, avec des droits distincts.

J'ai soulevé cette question devant Michel Barnier, lors de son audition par nos commissions des affaires étrangères et des affaires européennes le 25 juin dernier. M. Barnier a rappelé que nous étions dans la période de transition avant la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne. Il m'a indiqué que ses services étaient disposés à considérer toute mesure de discrimination et à interpeller, le cas échéant, leurs homologues britanniques. Nous savons que les négociateurs s'occupent de la question et nous leur en sommes reconnaissants, mais nous n'en savons pas plus. Tous les résidents européens du Royaume-Uni doivent conserver leurs droits et il faut faire respecter l'accord de divorce de l'an dernier. Êtes-vous conscient de cette situation ? Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ? Qu'allez-vous faire, en la matière, lors du Conseil européen ?

À l'instant, je confiais à l'ambassadrice d'Irlande que les vols via Belfast étaient pleins : les voyageurs contournent ainsi la quarantaine imposée à Dublin. La mise en oeuvre de l'accord doit bel et bien être rigoureuse. Or le projet d'internal market bill est une violation flagrante de l'accord de retrait, et donc du droit international. Le 1er octobre dernier, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au Royaume-Uni pour manquement aux obligations qui lui incombent. Où en est cette procédure ?

Vous déclarez vouloir éviter un mauvais accord. Sur ce point, le Premier ministre britannique ne pourra que vous approuver. Mais que nous ayons un bon accord, un mauvais accord, ou que nous n'ayons pas d'accord du tout, serons-nous en mesure de faire respecter ce qui a été acquis l'an dernier, en particulier pour les droits des Européens ?

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