Intervention de Clément Beaune

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 octobre 2020 à 18h00
Débat préalable au conseil européen des 15 et 16 octobre 2020 en présence de m. clément beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes en visioconférence

Clément Beaune , secrétaire d'État :

Monsieur Marie, l'Europe de la santé repose sur trois éléments au moins.

Le premier élément, c'est l'harmonisation des données. Il s'agit d'une étape importante, impliquant une forme de coopération européenne inédite. L'accord obtenu hier au Conseil a été soutenu par tous les États nonobstant un petit bémol du Luxembourg, pour qui nous n'allons pas assez loin. Ce texte devrait être suivi. Nous devrons nous en assurer et il faudra aller au-delà, en créant un organisme commun à l'échelle européenne pour collecter et harmoniser les données, de manière régulière et impérative, pour fournir une information parfaitement homogène sur l'évolution des épidémies en Europe.

Au printemps dernier, on a cherché à comparer des données toutes simples, comme le nombre de lits de réanimation. Or tous les pays membres n'appliquent pas les mêmes critères, ce qui a parfois biaisé les comparaisons et alimenté de fausses informations. C'est tout de même étonnant : à l'échelle européenne, nous disposons de manuels méthodologiques de plusieurs milliers de pages détaillant le mode de calcul des déficits, pour s'assurer que chacun les détermine de la même manière, et, lors d'une épidémie, nous ne suivons pas les mêmes critères pour établir le nombre de cas ou de victimes. Toutefois, il y a un an, sans doute aucun d'entre nous n'aurait jugé ce travail prioritaire. Nous apprenons aussi de cette crise à l'échelle européenne.

Le deuxième élément, c'est le stockage. Nous devons avoir une capacité européenne de réaction rapide et commune à une épidémie, face au risque de manque, voire de pénurie. Cette question appelle celle de l'autonomie stratégique, sanitaire et industrielle : pour avoir des stocks communs, il faut avoir des capacités de production suffisantes. La crise sanitaire a mis en lumière le fait que 60 % à 80 % du paracétamol sont produits hors d'Europe. Or, pour relocaliser un certain nombre de ces productions vitales, il faudra agir à l'échelle européenne. De même, face à une future épidémie dont, par définition, l'on ne connaît pas tous les contours, il serait peu raisonnable de constituer des stocks à l'échelle d'un seul pays.

Au sein de la réserve européenne de protection civile, dont la France a eu l'initiative, la Commission a prévu un compartiment sanitaire. En urgence, elle a mobilisé quelques centaines de millions d'euros pour amorcer cette réserve. Elle a prévu plus de 2 milliards d'euros à ce titre dans le futur budget pluriannuel. Plusieurs pays européens - ce sera peut-être aussi le cas de la France - se sont déjà portés candidats pour accueillir une partie des stocks, qu'il s'agisse des masques, des équipements de tests ou de protection.

Le troisième élément, c'est le vaccin et, plus largement, la recherche biomédicale. La présidente de la Commission a proposé une forme de Barda (Biomedical Advanced Research and Development Authority) à l'européenne. Cette agence existe déjà sous forme embryonnaire. Face aux grands risques sanitaires, son but est de financer des recherches communes, au-delà de l'initiative ad hoc relative aux vaccins.

Concernant les négociations euro-britanniques, le désormais fameux internal market bill constitue clairement une violation de l'accord de retrait, ratifié par les deux parties. Certains ministres britanniques ont parlé d'une « violation spécifique et limitée », ce qui est un non-sens juridique : soit il y a une violation, soit il n'y en a pas.

Nous avons été clairs en disant que, si ce texte était voté aux Communes, nous engagerions une procédure juridique et, dès le lendemain du vote, la Commission a réagi par une lettre de mise en demeure. Elle a donné trente jours aux Britanniques pour se justifier. Ils ont fait savoir qu'ils répondraient. Ensuite, nous pourrons aller jusqu'à saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Nous pourrons également saisir un comité conjoint - cette instance n'est pas encore constituée - pour examiner ce différend.

Ces procédures juridiques sont essentielles, mais elles ne seront sans doute pas suffisantes. Tous les groupes de la majorité au Parlement européen ont fait savoir qu'ils ne voteraient pas l'accord éventuel sur la relation future si, d'ici au mois de décembre prochain, l'accord de retrait était remis en cause - concrètement si l'internal market bill allait à son terme. Voilà un bel exemple de cette unité et de cette fermeté européennes dont nous avons besoin dans le cadre du Brexit. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Il y a quelques jours, la jurisprudence de la CJUE a encore renforcé l'exigence de protection des données. Il s'agit d'une décision unilatérale de l'Union européenne, qui n'est pas spécialement dirigée contre les Britanniques. Sans équivalence en la matière, évaluée régulièrement côté britannique, le transfert de données ne pourrait pas être autorisé : ce serait contraire au droit européen et la CJUE le sanctionnerait, comme elle a sanctionné le transfert de données européennes vers les États-Unis. C'est un mécanisme clair de défense de nos standards.

J'en conviens tout à fait, l'absence d'accord est préférable à un mauvais accord. C'est d'ailleurs ce que disait Theresa May lorsqu'elle était Premier ministre. Le président du Conseil européen, Charles Michel, l'a encore répété récemment. Faute d'accord, diverses mesures de contingence seraient activées aux échelles européenne et nationale. Le Sénat a déjà habilité le Gouvernement à prendre certaines d'entre elles. À mon arrivée au ministère, j'ai demandé un passage en revue de tous ces dispositifs, et, pas plus tard que lundi dernier, le Premier ministre a insisté sur l'importance de ce travail. Les sujets vont du tunnel sous la Manche au transport routier : les activités vitales doivent se poursuivre.

À proprement parler, le plan de relance européen n'est pas assorti de conditionnalités. Mais, de longue date et presque toutes sensibilités confondues, la France demande une meilleure coordination de nos plans de relance et de nos politiques économiques, au moins à l'échelle de la zone euro. Chacun ne va pas élaborer sa stratégie de relance de son côté.

En vertu de l'accord du 21 juillet, chaque pays communiquera son plan de relance à ses partenaires entre le 15 octobre et le mois de janvier prochain. Suivra une discussion commune : chaque État aura un droit de regard sur la relance des autres et, en qualité de tiers de confiance, la Commission procèdera à une évaluation. Toutefois, il n'y aura pas de droit de veto : un pays ne pourra pas prendre un autre en otage, pour imposer telle ou telle réforme en la fixant comme condition pour libérer les fonds.

En outre, la Commission européenne n'imposera en aucun cas une liste de réformes, portant sur les retraites ou sur d'autres dossiers. On a entendu beaucoup de contre-vérités à ce sujet. Si notre réforme des retraites était liée à la crise de la covid, cela se saurait : elle a été entreprise avant. Il faut sortir de la mentalité du mauvais élève tancé par l'instituteur bruxellois.

Cela étant, deux conditionnalités sont imposées stricto sensu, et l'on ne peut que s'en réjouir : une conditionnalité climatique - un peu plus de 30 % des crédits de chaque plan de relance devront être consacrés au climat - et une conditionnalité numérique, plus informelle, ajoutée récemment par la Commission - au moins 20 % des fonds des plans de relance devront être consacrés à la transition numérique.

L'accord du 21 juillet établit un lien entre, d'une part, l'État de droit et, de l'autre, le versement des fonds européens ou leur possible suspension : c'est une première. Les discussions sont en cours pour définir, à ce titre, l'instrument le plus ambitieux possible. Certains pays - la Pologne et la Hongrie en particulier - veulent réduire cette ambition. Mais, ces exceptions mises à part, tout le monde s'est accordé sur ce point. Nous espérons pouvoir disposer dans les prochaines semaines, au plus tard dans les prochains mois, d'un mécanisme garantissant le respect de l'État de droit via le canal budgétaire. Ensuite, il faudra continuer à enrichir notre boîte à outils. Ce dossier est inscrit très haut sur l'agenda européen. Avec l'Allemagne et beaucoup d'autres pays, notamment au nord de l'Europe, nous l'avons défendu avec énergie, et je suis sûr qu'il va avancer.

L'autonomie stratégique et la gestion des relations extérieures ont été abordées à plusieurs titres, notamment à travers la question turque. Je ne peux que faire mienne l'ambition que le Président de la République manifeste depuis trois ans : il est nécessaire de renforcer notre autonomie stratégique, en particulier dans le domaine de la défense.

Monsieur Cambon, ce chantier ne progresse sans doute pas assez vite ; mais, à l'échelle européenne, notamment à l'égard de la Chine, les mentalités ont connu une transformation radicale depuis quelques années, et la France n'y est pas pour rien. Le Brexit a également joué, de même que l'action des États-Unis d'Amérique. Nous sommes plus fermes. Nous avons encore un long chemin à parcourir pour coordonner un certain nombre de sensibilités politiques, mais la trajectoire me paraît désormais la bonne.

MM. Fernique et Cuypers ont évoqué la question du climat. Par son vote historique, le Parlement européen appelle à un rehaussement très ambitieux de nos objectifs pour 2030. Le taux de 60 % sera sans doute difficile à obtenir en l'état actuel du consensus européen ; la cible de 55 %, fixée par la Commission, est déjà ambitieuse et elle sera, elle aussi, difficile à obtenir, mais nous nous battrons à cette fin.

En la matière, l'exemple européen aura sans doute un effet d'entraînement international. C'est une question d'efficacité et de justice : des outils complémentaires sont indispensables pour qu'un tel effort aboutisse. Si nous sommes les seuls bons élèves, nous ne ferons qu'une partie du chemin, même avec toute la bonne volonté du monde, et la situation sera insoutenable, pour nos agriculteurs ou encore pour nos industriels.

Nous devons donner l'exemple, pousser les autres à s'engager - c'est ce que nous faisons dans nos discussions avec la Chine ou avec l'Inde -, défendre l'accord de Paris et prévoir des outils plus défensifs pour rehausser à notre niveau les ambitions écologiques de ceux qui exportent vers l'Europe : d'où la nécessité d'un mécanisme d'inclusion carbone robuste et rapide. Sur ce sujet, nous souhaitons une proposition de la Commission européenne au premier semestre 2021. C'est aussi la demande du Parlement européen. Comme l'a relevé M. Fernique, une taxe carbone efficace constituerait à la fois une protection climatique et une ressource permettant de financer un certain nombre de politiques.

Pour ce qui concerne le siège du Parlement européen à Strasbourg, je ne peux que vous répéter le soutien de l'État. Nous exerçons une forte pression quotidienne sur le président Sassoli, auquel le Président de la République a écrit et à qui j'ai encore parlé hier. La préfète de la région Grand Est a échangé avec les services du Parlement européen ce matin même. La mobilisation est générale. Je ne peux pas vous assurer que les sessions reviendront à Strasbourg dès la semaine prochaine, mais nous y travaillons, notamment sur le plan sanitaire, et nous oeuvrons à un retour rapide. Je vous remercie de conforter ce message.

Madame Mélot, monsieur Médevielle, pour ce qui concerne la relation entre l'Union européenne et l'Afrique, le sommet prévu fin octobre a dû être décalé. Une importante réunion aura lieu en décembre, et nous la préparerons brièvement dès le Conseil européen de cette semaine. La négociation post-Cotonou, élément essentiel de cette relation, devra être décalée, pour aboutir plutôt au début de l'année 2021.

Nous devons inventer un modèle cohérent avec la montée en puissance de l'Union africaine et avec la mise en place d'une zone de libre-échange africaine, ce qui implique un format tout à fait différent.

M. Cuypers insiste sur la nécessité d'une relation avec l'Afrique fondée sur l'investissement, et non sur les seules questions migratoires. L'investissement, notamment privé, est bel et bien essentiel à une relation durable. Nous devons ainsi développer une nouvelle approche plus respectueuse.

Nous, Européens, sommes souvent les premiers partenaires sans être les premiers acteurs stratégiques : nous payons beaucoup, mais nous ne développons pas une relation complète. C'est également le cas dans les Balkans, où, comme en Afrique, la tentation chinoise est permanente. En Afrique, l'Europe est le premier bailleur, le premier investisseur et le premier partenaire de sécurité, notamment à travers les opérations extérieures onusiennes. À l'échelle européenne, il faut exercer davantage de pression collective, qu'il s'agisse de la délivrance de visas ou de la mise en oeuvre des aides. La coopération à sens unique n'est pas possible.

Face à la question climatique, Colette Mélot souligne qu'il ne faut pas laisser la Pologne de côté. À cet égard, ce pays bénéficie précisément d'une solidarité financière massive. À travers le plan de relance, elle est la première bénéficiaire du fonds pour une transition juste : au total, elle recevra 8 milliards d'euros à ce titre pour la période qui vient. Cette somme est conditionnée, au moins pour moitié, à un engagement de neutralité carbone pour 2050. La Pologne a très largement subi les choix énergétiques du fait desquels son économie est aujourd'hui très carbonée, mais elle ne peut pas refuser de s'engager davantage vers la neutralité carbone si elle veut bénéficier de notre appui légitime.

Au sujet de la coordination sanitaire, M. Médevielle a salué l'accord du Conseil Affaires générales et je l'en remercie. Plutôt que de créer une nouvelle structure de toutes pièces, partons de l'existant : l'ECDC, agence européenne qui collecte précisément les données, pourrait être l'embryon de cette compétence sanitaire renforcée à l'échelle européenne.

Monsieur Gattolin, la question des sanctions est un vaste débat. Il est clair qu'une politique étrangère ne saurait être résumée à une politique de sanctions.

De plus, il faut bien distinguer les sanctions individuelles, que nous avons prises dans le cadre de la crise biélorusse ou encore, il y a quelques mois, à l'encontre de certains responsables turcs, face aux forages chypriotes, et les sanctions sectorielles et économiques prises à l'égard de la Russie. Néanmoins, pour ces deux types de sanctions, nous sommes passés à une nouvelle phase. L'Europe se montrait très timide dans sa politique extérieure et de sécurité : elle commence à s'affirmer, même si c'est parfois difficile, en mobilisant des outils plus durs.

Revenir sur les sanctions russes existantes - la France n'a jamais soutenu cette solution - ou renoncer aux sanctions individuelles serait envoyer un mauvais signal : ces mesures étaient indispensables dans le cas de la Biélorussie. Pour la Turquie, on n'exclut pas une action similaire à l'avenir. En parallèle, le Président de la République a souhaité une présence militaire renforcée de la France et de trois de ses partenaires européens en Méditerranée orientale. Nous devrons également inventer d'autres actions : les Américains ont recours à des mesures extraterritoriales, d'ailleurs parfois contraires au droit international. Sans les imiter nécessairement, il faut réfléchir à ce type d'instruments.

Vous avez évoqué un Magnitsky Act, comme l'a proposé la présidente de la Commission européenne. Le sujet mériterait une discussion en soi, mais un tel dispositif constituerait un cadre harmonisé, peut-être plus efficace pour notre politique de sanctions.

Je ne peux que partager votre impatience, monsieur Gattolin, quant à la durée de la négociation du Brexit. Nous réfléchissons bien sûr, au niveau national et européen, à un dispositif de dédommagement des pêcheurs en cas de no deal, mais il n'est pas souhaitable d'aborder des négociations dans l'optique que l'on aura à indemniser des situations difficiles : mieux vaut chercher plutôt, à ce stade, et avec fermeté, à limiter les difficultés liées au Brexit.

Madame Guillotin a évoqué la coordination sanitaire et la situation à la frontière franco-luxembourgeoise. La Commission a elle-même recommandé, dans le texte que nous avons adopté hier au niveau des États membres, de ne pas fermer les frontières. Je me suis aussi entretenu avec le ministre des affaires étrangères et européennes luxembourgeois, M. Asselborn. Il n'est dans l'intérêt de personne de fermer les frontières : le Luxembourg est d'ailleurs très reconnaissant à la France d'avoir été l'un de ses rares voisins à ne pas avoir mis en place de restrictions aux déplacements transfrontaliers au printemps dernier, y compris dans les moments où la pression politique aurait pu entraîner de mauvaises décisions, contrairement à deux grands voisins du Luxembourg, qui sont aussi nos amis.

Vous avez évoqué la question de la transparence des contrats de fourniture des vaccins. Le Parlement européen y est très sensible et nous sommes aussi vigilants. Un degré de confidentialité est nécessaire, en raison de la concurrence internationale, y compris à l'égard des États membres dans la mesure où la Commission a reçu un mandat des États pour négocier ces contrats, mais il faut que nous ayons plus de visibilité sur les grandes clauses de ces contrats et nous demanderons, avec le Parlement européen, à en savoir davantage pour éviter tout risque de polémique sur leur contenu.

En ce qui concerne la situation au Haut-Karabakh, la France, en tant que co-présidente du groupe de Minsk, s'efforce d'obtenir une cessation rapide des hostilités. Un cessez-le-feu avait été décidé, mais il n'est pas totalement respecté. Nous continuons à être engagés dans un dialogue, même s'il est difficile, avec la Russie, pour qu'elle favorise par ses efforts diplomatiques propres la cessation des hostilités et la reprise du dialogue entre les belligérants. On sait aussi le rôle néfaste qu'a joué la Turquie.

En ce qui concerne les objectifs climatiques, ils seront d'abord définis au niveau européen, puis déclinés par pays. Ils pourront être différenciés, comme le sont déjà les objectifs pour 2030, mais cette question se posera dans un second temps, car il faut d'abord que nous nous engagions solidairement, comme nous l'avons fait pour la neutralité carbone en 2050, pour fixer une nouvelle cible pour 2030 : en tout état de cause, l'objectif intermédiaire de réduction des émissions de l'Union européenne pour 2030 devrait être lui aussi rehaussé au-delà des 40 % actuels.

M. Cuypers a évoqué la question migratoire. La proposition de la Commission est une proposition sérieuse, complète et qui permet de parvenir plus facilement à un accord que les propositions antérieures. En matière d'asile et d'immigration, la solution ne peut être qu'européenne. Je suis un peu affligé quand j'entends certains expliquer qu'il faut mener une campagne contre ce qui serait un nouveau pacte de Marrakech : le Rassemblement national, pour ne pas le nommer, siège au Parlement européen et aura donc l'occasion de s'exprimer - autant qu'il le fasse dans les enceintes démocratiques ! En outre, il n'y a aucun rapport entre ces deux sujets. Cette proposition constitue un paquet législatif opérationnel, qui vise à renforcer la protection de nos frontières et la rapidité des procédures d'asile à la frontière : l'État d'arrivée aurait douze semaines, délai proposé par la Commission, ce qui est assez rapide, pour examiner les situations individuelles et dire si le demandeur peut avoir droit à l'asile et reconduire ceux qui n'ont pas droit à la protection européenne. Celle-ci est inscrite dans notre Constitution et dans les textes européens. Ceux qui y ont droit doivent évidemment être accueillis en Europe - il n'y a pas d'ambiguïté à cet égard - et de manière solidaire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - la France prend une grande part à l'effort, contrairement à d'autres États européens et c'est cette situation que tente de débloquer la Commission avec ce projet. Celui-ci est assez compliqué, car il distingue différentes situations et différentes mesures pour parvenir à une matrice complexe - « usine à gaz », avez-vous dit -, mais c'est sans doute le prix à payer pour trouver une réponse aussi équilibrée que possible à chaque situation. La négociation sur ce pacte devrait débuter durant la présidence allemande et j'espère qu'elle aura abouti avant la présidence française en 2022, sinon nous reprendrons le sujet. Après la crise migratoire que nous avons connue en 2015 et 2016, nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ne soyons pas capables de trouver une réponse au niveau européen : la pression migratoire ne disparaîtra pas, mais il faut trouver une réponse à la fois humaine et ferme pour garantir la protection des frontières au niveau européen. C'est vital pour donner du sens au projet européen.

Mme Goulet et M. Bonnecarrère ont évoqué la Turquie. Je n'ai pas la même expérience de terrain que vous, n'étant pas élu, mais je me déplace beaucoup : je constate que l'on me parle souvent spontanément de la situation en Méditerranée et de la Turquie. Chacun a l'idée que, dans cette crise, se joue quelque chose mettant en cause notre capacité à nous affirmer et à défendre nos valeurs. Nous devons donc être fermes.

La France a toujours dit publiquement - il ne s'agit donc pas d'une défiance à l'égard de l'Allemagne - ses réserves à l'égard de Nord Stream 2, mais il n'y a pas de lien avec l'affaire Navalny. Nous avions déjà agi l'an dernier, sous l'autorité du Président de la République, pour obtenir un cadre juridique permettant à la Commission européenne d'encadrer le projet, de garantir la transparence et la liberté d'accès à l'infrastructure énergétique. Il n'en demeure pas moins que ce projet risque d'accroître notre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, ce qui n'est pas très cohérent avec notre objectif d'autonomisation de l'Europe.

La liaison transmanche est aussi un sujet de souveraineté. Nous ferons les efforts nécessaires pour pérenniser cette liaison et sauver les entreprises. Le Gouvernement a prévu une enveloppe de soutien exceptionnel de 30 millions d'euros, qui sera complétée à due concurrence par les collectivités territoriales.

En ce qui concerne les transports et les aéroports, l'accord sur la coordination des critères sanitaires constitue une première étape, mais il ne règle pas tout. Il prévoit un formulaire commun, qui se substituerait aux formulaires nationaux que chaque passager qui prend l'avion doit remplir. Il devrait être adopté par tous les pays européens au cours des prochaines semaines. Les protocoles sanitaires varient selon entre les pays : certains prévoient des tests obligatoires, d'autres non, avec parfois une quarantaine imposée, etc. L'accord recommande de privilégier les tests et de limiter au maximum les quarantaines. Je ne peux pas vous garantir que les protocoles aéroportuaires seront immédiatement harmonisés, mais l'harmonisation est bien l'étape suivante de cette dynamique de coordination que nous avons enclenchée. Le ministre délégué aux transports, M. Djebbari, s'efforce d'y parvenir, au moins entre les grands aéroports européens. Il s'est ainsi, par exemple, rendu en Espagne récemment.

Je note votre préoccupation sur la prise en compte des agences de voyages dans le plan de soutien et la relaierai auprès du Gouvernement, car le sujet ne dépend pas directement de mes compétences. La France était réticente à l'égard du dispositif européen relatif aux droits des passagers que la Commission a confirmé, qui consiste à toujours laisser ouvert un droit à remboursement, même si les compagnies peuvent proposer des avoirs. Le droit au remboursement est donc garanti, mais je vérifierai les derniers développements pour répondre à votre question précisément.

Monsieur Cadic, nous serons très vigilants sur le respect des droits des citoyens garantis dans l'accord de retrait du Royaume-Uni. Nos autorités diplomatiques et consulaires à Londres sont mobilisées. Je vérifierai précisément ce point et l'existence d'une éventuelle discrimination entre settled status et pre-settled status, qui ne devrait pas s'appliquer, car ceux qui résidaient déjà au Royaume-Uni doivent conserver leurs droits, de même que nous avons ouvert cette semaine la procédure permettant aux Britanniques qui séjournaient en France avant le Brexit d'obtenir un titre de séjour permanent. Nous veillerons à ce que la réciprocité soit assurée.

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