Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Commission mixte paritaire — Réunion du 22 octobre 2020 à 9h05
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la prorogation des chapitres vi à x du titre ii du livre ii et de l'article l. 851-3 du code de la sécurité intérieure

Photo de Marc-Philippe DaubresseMarc-Philippe Daubresse, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Nous sommes aujourd'hui réunis pour tenter de trouver un accord sur le projet de loi prorogeant diverses dispositions du code de la sécurité intérieure.

Le législateur a adopté, en 2017, plusieurs dispositifs de lutte contre le terrorisme, à titre temporaire. L'article 1er du projet de loi visait à les proroger, pour une durée d'un an, ramenée à sept mois par l'Assemblée nationale. Quatre types de mesures sont concernés : les périmètres de protection, pour assurer la sécurité des grands événements, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) et les visites domiciliaires.

Dans le cadre d'une mission de contrôle et de suivi mise en place par la commission des lois du Sénat, j'ai rédigé deux rapports de bilan de l'application de ces mesures, à l'issue de nombreuses auditions et de plusieurs déplacements. Je sais que l'Assemblée nationale a également beaucoup travaillé sur la question : vous avez porté, Madame la présidente, une proposition de loi relative aux mesures de sûreté applicables aux personnes condamnées pour terrorisme, hélas censurée par le Conseil constitutionnel en août dernier.

Je suis convaincu que chacun partage l'objectif de doter nos services de renseignement des moyens et des outils nécessaires pour lutter efficacement contre le terrorisme, notamment dans le contexte actuel marqué par l'assassinat tragique, la semaine dernière, de Samuel Paty.

Concernant l'article 2 relatif à de la technique de renseignement dite de l'algorithme, nos deux assemblées convergent sur la nécessité de prolonger la phase d'expérimentation, dans la perspective d'un débat parlementaire plus large sur la réforme de la loi renseignement, que nous attendons l'année prochaine, C'est également la position de la commission de la des affaires étrangères et de la défense du Sénat, qui s'est saisie pour avis de ce projet de loi. L'Assemblée nationale avait souhaité réduire de douze à sept mois la durée de la prorogation et la commission des lois du Sénat avait voté cet article sans modification.

Cependant, la décision rendue par la Cour de justice de l'Union européenne le 6 octobre dernier soulève quelques interrogations quant à la durée de conservation généralisée des données de connexion. Le Sénat, en séance publique, a finalement décidé de suivre le souhait du Gouvernement de disposer de davantage de temps pour tirer les conséquences juridiques de cette décision. Nous pouvons donc aisément parvenir à un accord sur l'article 2.

En revanche, pour des raisons de forme et de méthode, le Sénat n'a pas suivi la position du Gouvernement et de l'Assemblée nationale sur les articles 1er et 3. Le débat sur la nécessité de pérenniser ou non les dispositions de la loi SILT aurait normalement dû se tenir au cours de l'année 2020. L'Assemblée nationale comme le Sénat ont d'ailleurs travaillé dès le premier trimestre 2020 sur ce sujet. Nous avons, au Sénat, formulé des propositions d'évolution, pour répondre aux besoins exprimés par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le ministère de l'intérieur, les juges de la liberté et de la détention ainsi que le parquet antiterroriste.

Compte tenu de ces travaux préparatoires, il aurait été envisageable de régler cette question avant le 31 décembre 2020. Le Sénat a donc proposé, à l'article 1er, de pérenniser les dispositions de la loi SILT. Bien qu'il ne faille pas légiférer dans l'émotion, le contexte actuel doit rassembler l'essentiel des forces républicaines de la nation afin de lutter efficacement contre le terrorisme. Il n'y a pas de temps à perdre pour pérenniser des mesures unanimement saluées pour leur efficacité, et que nous avons par ailleurs souhaité renforcer, à l'image de la fermeture des lieux de culte. Je souligne, en effet, que le prosélytisme n'est pas circonscrit aux lieux où s'exerce le culte : il peut se développer dans des salles de sport ou des librairies religieuses, par exemple.

Le Sénat a également complété le dispositif relatif aux saisies informatiques lors des visites domiciliaires afin de répondre aux demandes des services opérationnels. Nous avons également souhaité renforcer la concertation entre les autorités administratives et judiciaires afin d'assurer une meilleure articulation des MICAS avec les mesures judiciaires, en particulier les mesures de contrôle judiciaire.

Je me suis entretenu sur ce sujet avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale, Didier Paris, avec lequel j'ai d'excellentes relations. Le Sénat pense qu'il faut pérenniser dès à présent ces mesures alors que l'Assemblée nationale souhaite d'abord avoir un débat de fond en la matière. Nous ne pourrons probablement pas surmonter cette difficulté. Ce sujet sera de toute façon examiné en nouvelle lecture au mois de décembre puisque l'expiration des mesures est fixée au 31 décembre 2020.

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