Chaque année le projet de loi de finances fournit une évaluation du prélèvement sur recettes du budget de l'État qui est versé au profit de l'Union européenne (PSRUE). Le montant de ce prélèvement constitue l'élément essentiel de la participation de la France au budget européen, auquel il faut ajouter les droits de douanes nets pour obtenir le montant total de notre contribution.
Si notre participation au budget de l'Union européenne constitue une obligation des traités, l'examen de ces crédits répond néanmoins à une exigence de contrôle démocratique.
Avant de vous détailler le montant du prélèvement européen, il est nécessaire de rappeler que notre contribution dépend directement de l'issue des négociations du prochain cadre financier pluriannuel (CFP).
Après deux ans de négociations houleuses, les États membres ont trouvé un accord sur le budget pluriannuel de l'Union européenne lors du Conseil européen qui s'est tenu du 17 au 21 juillet derniers. Cet accord a été obtenu dans un contexte de fortes attentes des citoyens européens sur la réponse à apporter à la crise. Dans cette perspective, l'accord de juillet constitue un tournant budgétaire et politique majeur. Il définit un CFP dit « socle » s'élevant à 1 074 milliards d'euros en crédits d'engagement, et qui sera complété par un instrument de relance, doté d'une enveloppe de 750 milliards d'euros.
L'articulation entre le CFP socle et cet instrument de relance retient un schéma inédit, marqué par le souci de l'Union européenne d'accroître sa force de frappe budgétaire dès l'année prochaine. Le plan de relance européen sera financé par des ressources levées sur les marchés financiers par la Commission européenne, au nom de l'ensemble des États membres. Il se répartira entre des prêts, à hauteur de 360 milliards d'euros, et des subventions de 390 milliards d'euros. Ces sommes transiteront par le budget européen, soit via des programmes qui existent déjà, soit par un nouveau programme intitulé « facilité pour la reprise et la résilience ». Cette facilité constitue la clé de voûte du plan de relance européen : premièrement, elle concentre la totalité des prêts de l'instrument de relance, et la majeure partie des subventions - 312,5 milliards d'euros ; deuxièmement, les modalités d'allocation et de décaissement de ses crédits diffèrent de celles en vigueur pour les fonds structurels européens traditionnels.
Au titre de cette « facilité », la France devrait bénéficier d'une enveloppe de 40 milliards d'euros courants, sur laquelle le Gouvernement compte pour financer son plan de relance, soit 37,5 milliards d'euros constants.
Toutefois, des interrogations subsistent actuellement sur la mise en oeuvre du nouveau CFP et du plan de relance.
Premièrement, les négociations entre le Parlement européen et le Conseil continuent d'achopper sur certains points, notamment l'augmentation de quelques programmes budgétaires et le mécanisme de conditionnalité des fonds liée au respect de l'état de droit, auxquels tient le Parlement européen.
Deuxièmement, des interrogations demeurent quant à la gouvernance et au décaissement des crédits du plan. En effet, si la procédure de décaissement est guidée par le souci de garantir que les sommes issues du plan relance, et donc de l'endettement commun, sont utilisées à bon escient, force est de constater que cette procédure est complexe et longue. Les États membres devront présenter un plan national détaillant leurs projets d'investissement et de réformes, qui sera évalué par la Commission européenne et validé par le Conseil à la majorité qualifiée. Ensuite, le décaissement des crédits s'étalera entre 2021 et 2026, au fur et à mesure de l'atteinte d'objectifs intermédiaires. Dans ces conditions, il apparaît évident que les plans de relance nationaux restent en première ligne pour assurer le soutien à la reprise économique. Il faut être transparent : le plan de relance européen constitue bien un remboursement a posteriori des dépenses engagées par les États membres dans leur plan de relance national.
Comment le plan de relance européen est-il financé, et dans quelle mesure la France devra-t-elle participer à son financement ? Cette équation budgétaire comporte encore plusieurs inconnues. En effet, les sommes empruntées seront remboursées à partir de 2028, ce qui permet de ne pas peser sur les finances publiques des États membres dans les premières années. Toutefois, en l'absence de nouvelles ressources propres, le remboursement sera effectué par les États membres, en fonction de leur part dans le revenu national brut (RNB) de l'Union européenne. Pour la France, cela signifie que le remboursement du plan de relance européen pourrait s'élever à 2,5 milliards d'euros par an.
Toutefois, le pessimisme n'est pas encore totalement à l'ordre du jour, puisque le Conseil européen a fait de l'introduction de nouvelles ressources propres une priorité. Ainsi, dès 2021, sera introduite une nouvelle ressource fondée sur le taux de recyclage de déchets plastiques. La Commission européenne devra également présenter des propositions relatives à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, à une taxe numérique, un système révisé d'échange de quotas carbone, et éventuellement une taxe sur les transactions financières. Dans ces conditions, l'accord du 21 juillet a apporté, dans l'urgence, une réponse budgétaire novatrice, mais qui occulte de façon préoccupante la question du financement du plan de relance. Le coût in fine pour la France dépendra de la nature des nouvelles ressources qui seront mises en oeuvre. Il faudra être particulièrement vigilant à ce qu'elles ne soient pas vécues comme la création d'un impôt supplémentaire par nos concitoyens.
Ces négociations viennent percuter la procédure d'examen du projet de budget européen pour 2021, qui suit son cours, mais dépend de l'issue des négociations du règlement du CFP. Dans ce contexte, l'évaluation du montant de la contribution de la France pour 2021 constitue un exercice de haute voltige.
Pour 2021, l'article 31 du projet de loi de finances évalue à 26,9 milliards d'euros le montant du PSRUE, soit une hausse de 15 % par rapport à la dernière prévision d'exécution pour 2020. Pour rappel, le montant de ce prélèvement est évalué à partir, d'une part, du besoin de financement de l'Union européenne pour 2021, qui dépend du budget pour cet exercice, qui lui-même dépend de l'adoption du nouveau CFP et du solde de 2020 qui sera reporté sur 2021 ; et, d'autre part, à partir des données prévisionnelles des ressources propres de l'Union assises sur la TVA, le RNB, et les droits de douane.
Compte tenu de ces hypothèses, l'évaluation de ce montant est très incertaine cette année. En effet, les perspectives économiques dégradées rendent les ressources propres de l'Union volatiles, et le règlement sur le CFP n'a pas encore été formellement adopté.
La hausse du PSRUE anticipée en 2021 résulte essentiellement de quatre facteurs : le retrait du Royaume-Uni du budget européen, alors qu'il faisait partie des contributeurs nets ; le niveau de dépenses de l'Union pour 2021 qui devrait être supérieur avec l'entrée en vigueur du nouveau CFP ; les conséquences économiques de la crise sanitaire, qui réduisent les ressources propres de l'Union européenne ; et les modifications des règles de calcul des contributions nationales pour le prochain CFP.
Sur ce dernier point, il convient de souligner que l'accord du 21 juillet dernier constitue un renoncement de la France sur la question des rabais. La France, comme la Commission européenne, défendait la suppression des rabais dans le prochain CFP, à la faveur du départ du Royaume-Uni. Or, non seulement les rabais forfaitaires ont été maintenus, mais ils ont également été augmentés. Un rabais a également été introduit sur la nouvelle ressource « plastique ». Par ailleurs, contrairement à la position de la Commission européenne et de la France, le taux de retenue pour frais de perception appliqué aux droits de douane a été augmenté de 20 % à 25 %.
Ainsi, la nécessité de parvenir à un accord a constitué une priorité supérieure à la préservation d'une partie des intérêts budgétaires de la France. Toutefois, si le coût budgétaire aurait pu être mieux maîtrisé, il est certain que le coût politique d'une absence d'accord aurait été beaucoup plus élevé.
En outre, la France a quand même réussi à faire prévaloir certaines de ses positions sur le plan des dépenses, notamment en matière de politique agricole commune (PAC).
Concernant le prélèvement sur recettes, en l'état actuel des données disponibles, je recommande donc à la commission l'adoption sans modification, de l'article 31 du projet de loi de finances pour 2021.