Intervention de Philippe Dominati

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « sécurités » - programmes « gendarmerie nationale » « police nationale » et « sécurité et éducation routières » et compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et programme « sécurité civile »- examen des rapports spéciaux

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, rapporteur spécial (programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité routière » de la mission « Sécurités ») :

Je témoigne, comme chaque année, de notre solidarité à nos forces de l'ordre, qui sont particulièrement éprouvées par la crise sanitaire mais aussi, chacun le sait, par les événements dramatiques des derniers jours.

Depuis quatre ans, je dénonce le décalage budgétaire entre les annonces et les moyens, et le fait que des investissements nécessaires se trouvent empêchés ou reportés, de façon chaque année plus alarmante. Depuis 2011, les crédits de personnel ont progressé de 23 %, les effectifs de 5 %, alors que les crédits d'investissement et de fonctionnement ont baissé de 0,94 %.

Les crédits de la mission sont stables. Cela revient à dire que le problème est reconduit : les dépenses de personnel ne sont pas bien maîtrisées, ces dépenses dépassent le plan triennal de plus de 23 millions d'euros du fait essentiellement des mesures de revalorisation indiciaires, comme la Cour des comptes l'a souligné déjà l'an passé. Ces dépenses ne devraient pas diminuer dans les années à venir, à titre d'exemple, la revendication d'une gratuité des transports en Île-de-France pour les forces de l'ordre, à laquelle le ministre de l'intérieur a dit être ouvert, représenterait un surcoût annuel de 60 millions d'euros. Comme les années précédentes, et donc sans tenir compte du plan de relance, les crédits de la mission ne permettent guère d'investir pour la police et la gendarmerie nationales - ce qui en fait un budget largement sous-dimensionné, insuffisant. Ainsi, les crédits du programme gendarmerie ne comportent aucun achat d'arme - c'est seulement au titre du plan de relance, et pour 5 millions d'euros, que la gendarmerie pourra s'en procurer l'an prochain.

Selon les annonces du Gouvernement aux syndicats, le plan de relance fait augmenter de plus de 20 % les crédits de paiement en 2021 et permet en particulier un effort exceptionnel sur le parc immobilier et le parc de voitures. Le parc de voitures, nous le disons chaque année, est vieillissant depuis longtemps. Le Gouvernement annonce qu'un véhicule sur quatre sera renouvelé dans les deux ans, sachant qu'un véhicule est utilisé environ six ans ; cet effort, qui rappelle celui que Patrick Devedjian avait fait réaliser après la crise financière de 2008 pour aider nos constructeurs automobiles, concerne toutes les administrations de l'État. Quant au parc immobilier, dont nous déplorons aussi chaque année la vétusté, le Gouvernement annonce des appels à projets pour la gendarmerie et la police nationales, pour un montant qui pourrait aller jusqu'à 1,2 milliard d'euros et des projets qui ne seront pas connus avant quelques mois.

Le plan de relance change donc complètement l'appréciation que l'on peut avoir de cette mission. En elle-même, elle est décevante, l'augmentation programmée de 1,7 % des crédits étant bien trop faible pour faire face aux besoins. Cependant, les annonces du Gouvernement ont apparemment donné satisfaction aux syndicats de policiers, qui ont paru confiants. Nous ne pourrons donc nous faire un avis précis qu'après avoir pris connaissance de ces crédits exceptionnels et nous devrons tâcher de les pérenniser, pour éviter l'effet de stop and go qu'on a connu après d'autres programmes d'investissement où les moyens exceptionnels n'ont eu qu'un effet de rattrapage ponctuel, sans rien changer au problème de fond.

Concernant la sécurité routière, les chiffres 2019 de l'accidentalité s'inscrivent dans la dynamique positive de l'année 2018, avec 3 498 tués sur nos routes ; ce nombre encore trop élevé témoigne de l'amélioration de la sécurité sur nos routes puisqu'on comptait encore plus de 7 000 morts au début des années 2000.

Les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières » diminuent de 3 % par rapport à 2020 pour s'établir à 41,18 millions d'euros. L'action principale de ce programme concerne le permis de conduire, qui absorbe la moitié des crédits. Cet examen important - il concerne chaque année un million et demi de nos concitoyens - a été fortement impacté par la crise sanitaire, la période de confinement a empêché plus de 400 000 examens de se tenir et l'impact sur le délai d'attente a été immédiat, passant de 42 à 70 jours. Cet indicateur n'est pas très bon, car il vise le délai entre le premier passage et le second passage, et non le délai global. Limitée dans son plafond d'emploi, la délégation à la sécurité routière s'efforce de ramener ce délai à sa cible de 42 jours pour l'an prochain, grâce à des heures supplémentaires pour les inspecteurs du permis de conduire, mais sa tâche est étroitement liée à l'évolution de la situation sanitaire et varie selon les régions.

S'agissant du compte d'affectation « Radars », l'estimation du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement se situe à un niveau inédit de près de 2 milliards d'euros, dont la moitié environ de recettes de radars forfaitaires ou majorées. Comme nous l'a confié la déléguée à la sécurité routière lors de son audition, il s'agit d'une estimation optimiste : pour ne citer que les amendes forfaitaires radars, le montant du produit réalisé en 2020 devrait se situer à environ 600 millions d'euros contre 729 millions d'euros prévus. Cela tient à la fois à la dégradation du parc suite à au mouvement des gilets jaunes et à la baisse du trafic pendant et à la suite du confinement.

Or, ces recettes financent le dispositif de contrôle automatisé à hauteur de 335 millions d'euros en 2021, soit un montant stable par rapport à 2020. L'objectif est de déployer 4 700 radars d'ici la fin de l'année prochaine, tout en modernisant les équipements, avec 500 radars tourelles et urbains supplémentaires et un peu plus de 200 voitures à conduite dite externalisée - des conducteurs extérieurs aux forces de l'ordre, désignés après un appel d'offres, seront chargés d'effectuer des trajets précis et n'auront aucune action possible sur les matériels d'enregistrement des infractions, qu'ils embarqueront dans leur véhicule et qui seront automatisés. Enfin, les autres recettes seront redistribuées aux collectivités territoriales et à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) pour contribuer à l'entretien du réseau routier, et à l'État au titre de son désendettement.

Au total, et s'agissant notamment de la police et de la gendarmerie, le plan de relance, en apportant des moyens exceptionnels, permet au Gouvernement d'annoncer des investissements qui correspondent à ceux que nous demandons depuis des années, en particulier pour le parc immobilier et le parc automobile des forces de l'ordre. L'impact du plan de relance sur cette mission est tel que je vous propose de réserver notre vote, le temps de nous assurer que les crédits sont bien fléchés et qu'ils correspondent bien aux annonces gouvernementales. Je n'ai, à l'heure actuelle, nulle certitude : les orientations m'ont bien été confirmées, mais les actes administratifs n'ont pas encore été pris ; l'inscription d'un milliard et demi d'euros supplémentaires, comme annoncé, nous ferait voter ces crédits, nous attendrons donc d'être certains qu'ils le soient - d'ici là, je vous propose donc de reporter notre vote.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion