Intervention de Jean Pierre Vogel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « sécurités » - programmes « gendarmerie nationale » « police nationale » et « sécurité et éducation routières » et compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et programme « sécurité civile »- examen des rapports spéciaux

Photo de Jean Pierre VogelJean Pierre Vogel, rapporteur spécial (programme « Sécurité civile ») :

En 2021, le programme 161 « Sécurité civile » est doté de 415 millions d'euros en autorisations d'engagement et 520 millions d'euros en crédits de paiement.

Les crédits sont donc stables, mais en apparence seulement, pour deux raisons. D'une part, leur ventilation par titre connaît des évolutions. Les dépenses de fonctionnement diminuent de 15 millions d'euros, et les dépenses d'investissement augmentent d'autant. Ces dernières atteignent ainsi leur plus haut niveau depuis 2015, soit 105 millions d'euros. Elles permettront de poursuivre la commande des avions Dash, deux d'entre eux devant être livrés en 2021. D'autre part, si on ajoute les crédits affectés à la sécurité civile et portés par le plan de relance, la dotation du programme « Sécurité civile » augmente d'environ 37,5 millions d'euros.

En effet, la mission « Plan de relance » prévoit des dépenses complémentaires, mais pas forcément supplémentaires. Une bonne partie de ces dépenses était en effet prévue bien avant la crise sanitaire, comme le maintien en condition opérationnelle (MCO) des avions de la sécurité civile. Ce MCO sera ainsi pris en charge pour à 75 % par le programme « Compétitivité » du plan de relance et 25% par le programme « Sécurité civile ».

Ce procédé quelque peu artificiel laisse songeur. Le financement de l'État en faveur de la sécurité civile devient de moins en moins lisible, puisqu'il repose désormais sur dix programmes, pilotés par six ministères différents : le programme 161 ne représentera plus que 43 % de l'effort financier de l'État pour la sécurité civile en 2021, contre la moitié ces dernières années.

La sécurité civile repose aussi - et surtout - sur un financement local, à travers le budget des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Leurs dépenses ont augmenté en 2019 et dépassent les 5 milliards d'euros. Les SDIS devraient également faire face à des charges supplémentaires dès 2020, avec le financement de la revalorisation de la prime de feu, soit 80 millions d'euros en année pleine. Les solutions pour alléger leurs charges doivent être recherchées. Il est ainsi satisfaisant que le Gouvernement ait répondu à leurs attentes en supprimant la surcotisation versée à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS pour 2021). Cette mesure leur fera économiser environ 40 millions d'euros.

Le soutien budgétaire de l'État, modeste comme chaque année, financera la poursuite du projet NexSIS 18-112, qui consiste à unifier les systèmes d'information des SDIS. Outre les perspectives de mutualisations et d'économies qu'il permet, NexSIS doit aussi renforcer l'interopérabilité entre les systèmes d'information du ministère de l'intérieur et du SAMU. La crise de la Covid-19 a révélé des marges de progression dans ce domaine. Les acteurs de sécurité civile demandent la mise en place d'un numéro unique pour les appels d'urgence, adossée à une généralisation des plateformes communes de traitement des appels. Le Président de la République l'avait souhaité dès 2017. Trois ans plus tard, il serait vivement souhaitable que le 112 devienne ce numéro unique, comme c'est déjà le cas dans douze autres États européens.

Nous n'avons pas fini d'entendre parler du 112, puisque ce PLF 2021 prévoit également le lancement du projet de « 112 inversé ». Il s'agit d'un projet en faveur duquel je m'étais déjà prononcé, depuis plusieurs années, à la suite de mon rapport d'information sur le Système d'alerte et d'information des populations (SAIP) de 2017 : mettre en place un vecteur d'alerte sur téléphone mobile via la technologie de diffusion de SMS géolocalisés (ou Cell Broadcast). Un an après l'incendie de Lubrizol à Rouen, le ministre Gérald Darmanin a en effet annoncé le déploiement de ce nouveau système d'alerte par téléphone. Non seulement indispensable, la mise en place d'un tel système a même été rendue obligatoire par la directive européenne de 2018, que la France doit transposer d'ici 2022 ; 50 millions d'euros sont donc budgétisés pour le « 112 inversé », dont 37 millions d'euros sont inscrits sur la mission « Plan de relance ». Là encore, il faut espérer que le ministère de l'intérieur et la direction générale de la sécurité civile et de gestion des crises suivent de près l'exécution de ce projet.

Le programme 161 finance également les moyens aériens de la sécurité civile, qui jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les feux de forêt. Cette année, la préparation de la saison des feux a suscité beaucoup d'inquiétudes. En février, les 7 avions Tracker, qui étaient jusqu'alors immobilisés à cause d'une défaillance technique, ont soudainement été retirés du service. La mise en oeuvre du guet aérien armé (le GAAr), n'a pu s'appuyer que sur quatre avions Dash et dans une moindre mesure les Canadair CL-415. La dernière saison estivale s'est heureusement révélée d'une moindre intensité qu'en 2019. Le ministère de l'intérieur a également loué deux hélicoptères bombardiers d'eau, pour un coût de 2,4 millions d'euros. Ce dispositif ayant rencontré un certain succès, il sera reconduit en 2021, avec 6 millions d'euros imputés sur le programme 161.

Je conclus sur un motif de satisfaction : comme je le recommandais dans mon rapport d'information sur la lutte contre les feux de forêt, le Gouvernement va utiliser dès cette année la possibilité de cofinancement de l'Union européenne pour acquérir des avions amphibies. Ainsi, deux nouveaux Canadair devraient être livrés en 2025 et seront intégrés à la réserve européenne de sécurité civile. La France sera néanmoins en pleine propriété de ces Canadair, qui pourront alors être engagés à des fins nationales. Cette perspective apporte ainsi une réponse au problème du vieillissement de nos douze Canadair. Il nous appartient toutefois de poursuivre notre attention sur nos moyens aériens, et de veiller à ce que nous soyons toujours en mesure de faire face à la multiplication des crises à venir.

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