Intervention de Jean Pierre Vogel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « sécurités » - programmes « gendarmerie nationale » « police nationale » et « sécurité et éducation routières » et compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et programme « sécurité civile »- examen des rapports spéciaux

Photo de Jean Pierre VogelJean Pierre Vogel, rapporteur spécial :

Pour répondre aux questions sur la contribution du plan de relance à la sécurité civile, il y a en effet une répartition des dépenses ordinaires du programme 161 sur ce même programme et sur le programme du plan de relance. Par exemple, trois-quarts des dépenses pour le marché de MCO sont imputés sur le plan de relance. Cela représente plus de 33 millions d'euros. Le ministère de l'intérieur le justifie en expliquant que le marché du MCO a un impact économique majeur pour Sabena, la société titulaire du marché depuis 2015. Mais on imagine bien qu'avec ou sans ce plan de relance, le MCO aurait été réalisé, toujours dans le cadre du même marché. D'autres crédits du plan de relance serviront également pour les restes à payer de l'acquisition d'hélicoptères. Il s'agit bien d'une mesure de relance, puisqu'elle s'inscrit dans le plan de soutien à la filière aéronautique, présenté en juin dernier. Mais cette mesure n'est pas nouvelle, l'essentiel des dépenses de cette commande a déjà été voté dans le troisième projet de loi de finances rectificative, sur les dépenses du programme 161. On aura donc une commande qui sera exécutée sur deux programmes différents, ce qui est peu lisible.

Je partage vos inquiétudes sur les moyens de lutte contre les incendies de forêts, qui sont de plus en plus nombreux et importants avec le réchauffement climatique. J'avais écrit un rapport dans lequel j'évoquais ce risque, qui s'étend au centre et au nord de notre territoire. Des moyens complémentaires me paraissaient nécessaires, puisque notre flotte d'avions est vieillissante, et les avions Tracker ont tous été retirés.

Antoine Lefèvre m'interroge sur la mutualisation au niveau européen, le réchauffement climatique et le déplacement des risques, et sur les locations d'hélicoptères.

En ce qui concerne la flotte d'avions, plus particulièrement les Dash, j'avais recommandé dans mon rapport de revoir les emplacements sur le territoire national des pélicandromes, qui sont les stations d'avitaillement pour ces avions, obligés de se poser pour être ravitaillés en eau - contrairement aux Canadair, qui vont écoper directement sur des plans d'eau. Il est ainsi prévu qu'un pélicandrome mobile soit installé sur l'aéroport d'Albert-Picardie pour la zone Nord. Les locations d'hélicoptères sont une solution de sauvegarde, liée à l'immobilisation des avions Tracker. Une commande d'hélicoptères bombardiers d'eau doit être faite avec l'Allemagne. Ces appareils seraient installés dans le nord de la France et leur acquisition serait cofinancée par l'Union européenne.

Vous avez évoqué la baisse des aides de l'État, qui transitaient par la dotation d'aide à l'investissement des SDIS. Elle a en effet fondu comme neige au soleil puisqu'elle a été réduite à 7 millions d'euros, et est exclusivement consacrée au développement du système NexSIS. Mais les SDIS pourront bénéficier du fléchage de certains crédits du plan de relance, notamment via la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

Michel Canevet m'interroge sur le MCO : la maintenance est-elle faite dans des conditions satisfaisantes ? Oui, je l'ai constaté il y a deux ans sur la base de Nîmes. Le problème est que notre flotte aéronautique est vieillissante, ce qui allonge les durées d'immobilisation : alors qu'un avion récent n'est immobilisé qu'une semaine dans l'année, un avion vieillissant nécessite une immobilisation d'un mois par an. Comme notre flotte est assez restreinte, cela pose la question de la disponibilité. Cela dit, pour les hélicoptères Dragon, le taux de disponibilité est de 95 %.

Toutefois, le parc est passé de 38 à 34 hélicoptères. Deux hélicoptères ont été commandés, mais ils auraient vocation à être surnuméraires. Les perspectives de mutualisation des hélicoptères font l'objet de discussions entre les différents ministères. Ce n'est pas si simple, d'après ce que nous a expliqué le directeur général de la sécurité civile, que nous avons entendu hier, car les missions diffèrent entre elles, depuis le transport de personnel jusqu'aux missions de secours en mer ou en montagne. Certains engins ont des spécificités particulières, et leurs équipages aussi : un pilote qui fait du secours à personnes en milieu périlleux, en montagne par exemple, ne fait pas la même chose qu'un autre qui pilote un avion pour du transport de personnes.

Vous m'interrogez aussi sur la continuité du service, et notamment des moyens de communication, en cas de crise majeure. Il y a des réseaux sécurisés. Le Cell Broadcast est une technologie qui permettrait de prévenir la population des difficultés qu'il peut y avoir sur tel ou tel territoire, avec des SMS géolocalisés. L'ancien système SAIP qui avait été développé par le ministère pouvait être complètement encombré par les réseaux en cas d'attentat ou d'événement majeur. La technologie du Cell Broadcast élimine cette problématique.

Dominique de Legge s'inquiète de la faiblesse des moyens consacré par l'État à la sécurité civile, par rapport aux SDIS. Il est vrai que ceux-ci dépensent plus de 5 milliards d'euros, ce qui est sans commune mesure par rapport au budget du programme 161... Il est difficile de vous répondre sur l'impact exact de la crise pour les SDIS, du fait de carences de l'État. Je sais en tous cas qu'il y a eu moins d'activités opérationnelles du fait du confinement, qui a considérablement réduit le nombre d'accidents de la route et celui des interventions de secours à personne.

Vincent Segouin m'interroge sur le numéro 112 et les plateformes communes que nous appelons de nos voeux. Les services du SAMU étaient complètement débordés d'appels, alors que les centres d'appel des SDIS étaient même moins sollicités que d'habitude. Les éventuels surcoûts constatés sont peut-être liés à du transport sanitaire réalisé par les SDIS et les hélicoptères de la Sécurité civile.

Didier Rambaud évoque les voies d'allégement des charges du SDIS. Tous les SDIS ont déjà bien exploré les pistes d'économies qu'ils pouvaient faire. Des plateformes communes d'appel permettraient sans doute de mieux mutualiser des moyens avec le SAMU et de réaliser des économies. Cela ne dépend pas uniquement des SDIS. Vous avez bien relevé la dichotomie liée au fait que le directeur du SDIS a deux patrons : le préfet pour la responsabilité opérationnelle, et le conseil d'administration du SDIS pour la responsabilité administrative et financière. Pour installer des plateformes communes avec un numéro unique, il faut une volonté partagée entre le préfet, l'ARS et le conseil d'administration du SDIS. Une autre piste d'économie, qui ne dépend pas uniquement, non plus, du conseil d'administration du SDIS, concerne les charges engagées par le SDIS pour faire du transport sanitaire, ce qui ne relève pas de sa compétence mais pallie la défaillance des ambulanciers privés. Les charges correspondantes sont importantes et ne sont pas indemnisées au coût réel. Le projet NexSIS va également contribuer à alléger certaines charges. Selon les prévisions, son coût de gestion serait de 193 millions d'euros sur dix ans, contre 587 millions d'euros en l'absence de la mutualisation permise par ce projet.

Pour revenir au numéro unique sur lequel Vincent Segouin m'a interrogé, le président de la République a repris hier matin, devant la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, un engagement datant de 2017, et a indiqué qu'une doctrine commune devait être définie entre les services publics chargés des urgences préhospitalières, avec comme pilier la création du 112 comme numéro unique d'appel d'urgence. Deux modèles organisationnels avaient été proposés. Le premier reposerait sur un numéro unique de santé, pour les soins urgents comme non urgents, le 113, et un numéro unique secours-sécurité, le 112. Le deuxième modèle, qui emporterait plutôt l'adhésion des acteurs de la sécurité civile, ferait coexister un numéro unique, le 112, avec la fusion du 15, du 18, du 112, du 17 et d'un numéro 116-117 pour les soins non urgents - ce dernier étant déjà en expérimentation. Ce second modèle offrirait un système simplifié, lisible, avec une prise en charge plus rapide et homogène des appelants. Il qualifierait plus rapidement la nature des appels et permettait d'y apporter une réponse plus adaptée. Pour les opérateurs concernés, il favoriserait aussi leur recentrage sur les cas d'urgence et améliorerait la coordination des interventions des services d'urgence. Certaines situations, et notamment des accidents de la circulation, peuvent mobiliser simultanément les forces de police, le SAMU et les pompiers. Cela permettrait aussi de contrer la sur-sollicitation croissante des services d'urgence et des SDIS.

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