Effectivement, le plan de relance modifie totalement la mission « Sécurités ». Notre collègue Éric Jeansannetas a parlé, à juste titre, de tour de passe-passe budgétaire : le ministre de l'intérieur obtient des crédits que le ministre des comptes publics avait refusés il y a quelques mois pour la mission « Sécurités ». Ainsi, des crédits d'équipement de la gendarmerie, pour des tasers par exemple, ne figurent pas dans la mission « Sécurités », parce qu'ils sont dans le plan de relance.
Le rapporteur général a signalé qu'il y avait aussi des contraintes dans le plan de relance, et notamment en matière de verdissement du parc automobile. Il y aura ainsi 700 bornes supplémentaires pour les véhicules électriques. Les véhicules électriques ne seront pas, évidemment, destinés aux unités opérationnelles de la police ou à la gendarmerie, mais à des fonctions de liaison ou d'administration. Nous verrons comment ils seront répartis entre les différentes administrations, tout en veillant à l'aspect opérationnel. Par le passé, le gain qu'avait trouvé l'État à privilégier de petits véhicules s'est trouvé remis en cause au moment où il a fallu, au contraire, pouvoir stocker beaucoup de matériel dans les coffres à cause de la lutte antiterroriste. Ce problème a été relevé par la Cour des comptes et par les forces de l'ordre elles-mêmes. On espère un effet d'aubaine dans le plan de relance.
Le rapporteur général a soulevé la question du vandalisme sur les radars. J'ai évoqué le nouveau radar qu'on appelle radar-tourelle, situé très en hauteur, et à usages multiples, puisqu'il peut prendre vingt véhicules à la fois sur une autoroute. Pour l'atteindre, il faudrait vraiment abattre le mât ! Sur certaines portions de route, il y aura cinq mâts : quatre fictifs et un opérationnel. Et les services de l'État iront de temps en temps déplacer le radar opérationnel qui sera dans un mât pour le mettre dans un autre. Nous n'en sommes cette année qu'à 500 acquisitions sur un objectif de 1 200 radars tourelles et même 6 000 cabines en tout si l'on compte les mâts fictifs.
Vous nous avez interrogés sur les primes et la problématique des effectifs. La masse salariale a augmenté de 23 % sur dix ans, et les effectifs de 5 %. On a essayé d'adapter le rythme de travail de nos policiers - vous savez qu'au cours des dernières années il y a eu des vagues de suicides. Des annonces faites à plusieurs reprises n'ont jamais pu se concrétiser. Mais on savait que le changement de rythme dans la police allait nécessiter un surplus d'effectifs supérieur aux augmentations d'effectifs annoncées année après année. Même si l'on respecte le plan de 10 000 recrutements sur le quinquennat, le changement de rythme, de conditions et d'horaires de travail, essentiellement dans la police nationale, fera qu'on aboutira à une diminution du nombre d'ETP effectivement disponibles.
En six ans, j'en suis à mon sixième ministre de l'intérieur - sans compter l'intérim effectué par Édouard Philippe lorsqu'il était Premier ministre - et à mon troisième directeur général de la police nationale. Le deuxième directeur général était celui qui devait mettre en place ce qu'on a appelé la vacation forte, c'est-à-dire un système qui devait permettre aux policiers de prendre un week-end sur deux de congés. Mais cette vacation forte n'a jamais pu être appliquée dans les départements à forte tension comme ceux de l'Île-de-France ou les Bouches-du-Rhône, en raison justement de son coût en effectifs. Un nouveau système est donc en expérimentation depuis quatre ans, pour améliorer le temps de travail des policiers. Il permettrait de faire des vacations longues, avec un temps de repos important. Mais une vacation longue dure douze heures et, en Île-de-France, si l'on compte le temps de transport, cela revient à quatorze ou quinze heures d'activité, ce qui n'est guère applicable. Voilà donc quatre ans que la police nationale essaye de trouver un rythme qui améliore les conditions de travail, avec des prises de week-ends ou de mercredis, sans trouver de solution dans les zones de forte tension.
On essaie donc de résoudre le problème par des primes : primes de nuit, heures supplémentaires, primes renforçant l'attractivité du statut d'officier de police judiciaire (OPJ), prime de transports en commun, ou gratuité des transports en commun, qui existe dans la gendarmerie mais pas dans la police nationale - mais si on instaure la gratuité dans la police nationale, pourquoi ne pas la concéder aux personnels de santé, à ceux de l'éducation nationale ? Des primes de nuit ont été débloquées cette année, selon une convention qui date de 2016. Cette compensation par des primes explique le dérapage du titre II par rapport au plan triennal, que j'ai souligné à plusieurs reprises, année après année. Pour les heures supplémentaires, un plafond a été instauré : au bout d'un certain nombre d'heures, on oblige le fonctionnaire à les récupérer. Une deuxième dotation a été donnée cette année après celle de l'an dernier, qui était prévue pour arrêter l'expansion du stock d'heures supplémentaires. Le stock est stabilisé, et c'est un problème qui devrait être progressivement résolu.
Le temps de formation a été réduit, et un effort sera fait dans le plan de relance pour moderniser les écoles de la police et de la gendarmerie.
Vous avez évoqué les violences faites aux femmes. La ministre délégué est très sensible à ce sujet et fait en sorte qu'il y ait un accueil, un suivi, et une véritable mobilisation des forces de l'ordre sur cette priorité, qui est la seconde du ministère, après la drogue.
Sylvie Vermeillet a parlé des appels à projets. Beaucoup ont été déposés, de nature variable : l'hôtel de police de Nice, par exemple, devrait être adapté, pour 125 millions d'euros. La réponse sera donnée courant décembre.
Albéric de Montgolfier a évoqué la police municipale, comme plusieurs d'entre vous, et m'interroge sur le périmètre de la Préfecture de police de Paris, avec la hausse de la criminalité. Je suis élu à Paris depuis un certain temps, et j'ai connu un certain nombre de préfets de police. Voilà des décennies que les élus parisiens se demandent s'il faut une police municipale. Presque toutes les formations politiques sont désormais quasiment convaincues de cette nécessité. Un projet de loi sera débattu sur la question. Le Préfet de police est le seul haut fonctionnaire que je n'ai pas pu joindre à l'heure actuelle. Il ne semble guère intéressé par le budget, et nous a fait savoir que ce n'était pas tout à fait de sa compétence. Je ne l'ai pas encore rencontré depuis qu'il a pris ses fonctions, il y a pourtant déjà quelque temps. Nous avons du mal à comprendre ce fonctionnement de la Police nationale, avec la Préfecture de police qui une sorte d'État dans l'État, et qui est de plus en plus une administration plutôt qu'une force opérationnelle. Le périmètre de la Préfecture de police est un vaste sujet, qui concerne aussi tous les départements de la zone de police.
Le parc immobilier est une question très sensible, notamment pour la gendarmerie. Les communes ont fait des efforts pour les brigades. Le général Rodriguez est assez optimiste sur la performance de ses services pour obtenir des crédits dans le plan de relance.
Jean-Claude Requier souhaiterait réduire la complexité du CAS et a évoqué le débat entre 80 et 90 kilomètres par heure. Je n'entrerai pas dans ce débat, mais vous avez raison de souligner l'enchevêtrement financier du CAS, qui est effectivement une usine à gaz.
Quant au coût des radars embarqués, pour l'instant moins de 100 véhicules sont conduits par des sociétés privées sur un parc de 450 véhicules. À la suite de cette expérimentation, deux autres régions vont basculer dans ce système, et le but est d'arriver fin 2021 à 223 voitures à conduite externalisée. Le chauffeur n'a aucune possibilité de choisir une cible ou un itinéraire, et il est suivi par GPS. Autrement dit, il n'utilise absolument pas le matériel embarqué : c'est, en quelque sorte, un livreur. Pour l'instant le coût estimé est de 1,30 euro par kilomètre parcouru.
Il faut libérer nos forces de l'ordre de ce qu'on appelle les tâches indues. Nous avons satisfaction sur les procurations, pour les élections de 2021. Aussi, le fonctionnaire qui prend un citoyen en état d'ivresse doit l'amener à l'hôpital et le ramener : cela ne doit plus faire partie des tâches de la police.
Victorin Lurel a posé une question concernant l'outre-mer. Je l'avais posée à la déléguée à la sécurité routière, qui m'a parlé d'une part de l'accidentologie particulière de son département et, d'autre part, a démenti le nombre de radars. Je lui ferai parvenir avec précision les éléments dont je pourrais disposer sur les radars déployés en Guadeloupe.