Intervention de Éric Bocquet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « engagements financiers de l'état » compte d'affectation spéciale « participation de la france au désendettement de la grèce» et comptes de concours financiers « avances à divers services de l'état ou organismes gérant des services publics » et « accords monétaires internationaux » - examen du rapport spécial

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Vous avez souligné un paradoxe. Déjà, hier, vous aviez désigné la France comme l'homme malade de l'Europe. Ce sont les mots employés par Margaret Thatcher dans les années 1970 à propos du Royaume-Uni. L'Histoire se répète... Nous sommes peut-être un homme malade, avec des taux de prélèvements obligatoires stratosphériques, nous dit-on, une fiscalité délirante, un déficit qu'on ne maîtrise plus, etc. Mais on constate que, sur les marchés financiers mondiaux, les titres de dette française s'arrachent comme des petits pains. Et 50 % de nos financeurs sont des non-résidents, hors zone euro. On s'intéresse donc de près à la dette française. Comment expliquer que l'on accorde un prêt à un homme malade, et même à des taux négatifs ? Ce paradoxe m'interpelle.

La Banque centrale européenne (BCE) s'est affranchie de ses propres règles depuis quelque temps. Fin 2020, elle détenait 20 % de la dette des États. Cette proportion va monter à 30 % d'ici la fin d'année, ce qui est complètement contraire aux traités et à ses propres règles. Ce sont des mesures non conventionnelles, et nous n'avions pas d'autre choix. Peut-on imaginer que la BCE annule les créances qu'elle détient ? Aucun fardeau ne pèserait sur personne ni sur aucune génération. La BCE n'est pas une banque commerciale, son passif n'est exigible par personne. Elle peut avoir des fonds propres négatifs, elle ne peut pas faire faillite... Ne pouvons-nous pas imaginer, avec audace, dans la situation exceptionnelle que nous traversons, que la BCE poursuive dans cette voie pour outrepasser ses règles initiales et finance directement les États ?

Enfin, le niveau de l'épargne a explosé avec la pandémie. On parle de 100 milliards d'euros en fin d'année. L'État ne pourrait-il pas recourir à des emprunts directs auprès des ménages, comme le fait le Japon ? La dette japonaise est détenue à 90 % par le peuple japonais. Cela changerait la donne en nous dégageant de la tutelle des marchés financiers, qui nous imposent leur loi : c'est bien celui qui paye qui dit ce qu'il faut faire ! L'argent dégagé pourrait peut-être aller à des investissements utiles, sur les infrastructures ou la transition écologique par exemple.

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