Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face aux incommensurables défis que notre monde complexe soumet jour après jour à l’esprit humain, face en particulier aux périls qui nous menacent aujourd’hui, sans recherche, point de salut !
Point de salut économique, puisque seule l’innovation peut nous permettre de survivre dans un monde régi par le numérique et les biotechnologies. Point de salut environnemental non plus pour réussir la transition énergétique.
Nous ne pouvons donc que souscrire à l’objectif de la présente loi de programmation. Il faut augmenter l’effort de recherche de la Nation. Les 3 % du PIB, correspondant à l’engagement de Lisbonne, ne sont pas un fétiche ; ils constituent notre balise.
La présente loi de programmation permettra-t-elle d’atteindre cet objectif ?
C’est là que les choses se compliquent, car on ne peut pas vraiment le savoir. Ce texte est trop ciblé pour nous permettre d’en avoir le cœur net. Il ne porte en effet que sur une partie de l’effort public.
La recherche privée est exclue du champ de cette loi de programmation. C’est un vrai problème pour avoir une vue d’ensemble du dispositif, puisque la recherche privée représente les deux tiers de l’effort de recherche du pays.
C’est sur elle que repose principalement l’objectif des 3 % du PIB, puisqu’elle est censée atteindre 2 % de celui-ci d’ici à 2030.
La recherche privée se fonde pour sa plus grande part sur le crédit d’impôt recherche, le CIR, qui n’est malheureusement pas traité dans le présent texte. Techniquement, le CIR étant un dispositif fiscal, il ne peut être réformé que dans le budget.
Mais il nous manque au moins un schéma d’évolution prospective de son impact sur l’effort de recherche privée. La présente loi est en effet basée sur l’idée qu’un euro de dépense publique pour la recherche engendre deux euros dans le privé.
Qu’est-ce qui garantit que la relation soit à l’avenir si mécanique ?
L’effet de levier paraît d’autant plus hypothétique et compromis que, parallèlement à la loi de programmation pour la recherche, le projet de loi de finances pour 2021 réduit la voilure du CIR.
Dans ces conditions, l’objectif des 3 % n’est-il pas d’emblée inatteignable ?
On ne peut pas prétendre relancer l’effort de recherche sans s’interroger sur le CIR, en particulier sur le décalage entre sa générosité et son impact sur le niveau de recherche privée.
En comptant sur l’effet de levier entre le public et le privé, la LPPR se concentre donc sur la dépense publique, ou plutôt sur la seule dépense publique d’État – et encore, pas totalement. À ce chapitre, je ne peux que renvoyer au rapport de notre collègue Jean-Pierre Moga, en le félicitant au passage de son travail.
La LPPR ne porte pas sur les crédits de toute la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances. Seuls les crédits du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sont concernés.
Exeunt donc les crédits des établissements de recherche rattachés aux ministères de l’économie, de la transition écologique et de l’agriculture. La recherche et développement de la défense ne figure pas non plus dans la trajectoire. Un cinquième des crédits publics d’État sont donc hors LPPR.
Par ailleurs, ni les crédits de recherche des collectivités, ni les crédits européens, ni ceux du plan de relance et du programme d’investissement d’avenir ne sont pris en compte. Nous défendrons un amendement pour qu’ils le soient. Car, en l’état actuel des choses, l’ensemble de l’effort public de recherche n’apparaît pas clairement.
Il était par ailleurs compromis par la longueur de la programmation envisagée par le Gouvernement. Sur dix ans, l’inflation conduit à absorber la quasi-totalité de l’augmentation prévisionnelle des crédits.
Nous nous réjouissons donc que notre commission, sous la houlette de notre excellente rapporteure, Laure Darcos, ait réduit la durée de la programmation à sept ans. L’effort est désormais plus tangible.
Il faut cependant se garder de réduire le débat à l’aspect quantitatif des choses. La répartition des crédits sur le territoire compte aussi. Pour éviter d’accentuer la concentration des crédits, le Gouvernement a choisi de les faire passer par l’Agence nationale de la recherche plutôt que de les allouer directement aux pôles universitaires. Nous comprenons bien la stratégie, mais quelle garantie que cela porte ses fruits ?
Comme vous le savez, madame la ministre, nous avons été destinataires de nombre de remontées de terrain faisant état de la crainte inverse, qui ne semble pas infondée.
En effet, pour répondre à un appel d’offres de l’Agence nationale de la recherche, il est évident que les grands pôles universitaires sont mieux équipés. Pour éviter cet écueil, nous défendrons un amendement imposant à l’Agence nationale de la recherche de prendre en compte la dimension territoriale de la répartition de ces crédits.
Ce n’est pas non plus un texte sur l’université et, là encore, c’est bien dommage, parce qu’il est assez artificiel de séparer les laboratoires de l’ensemble de l’écosystème de l’enseignement supérieur.
L’université doit être réformée, madame la ministre. Elle ne l’a pas été depuis la loi Pécresse de 2008. Il faut, par exemple, briser le tabou de la sélection pour l’entrée en licence.
Cette problématique de l’excellence de l’université est directement liée à celle de la recherche, car une université plus performante est aussi une université qui coûtera moins cher et dont les crédits économisés pourront être affectés aux laboratoires de recherche. C’est une question de philosophie générale, qui traduit à nos yeux l’étroitesse du périmètre de la LPPR.
Sous réserve de ces observations, et compte tenu des modifications apportées au texte en commission, vous l’aurez compris, madame la ministre, le groupe centriste aborde cette discussion sans opposition de principe. Nous espérons juste que certains amendements fermes et courageux seront pris en compte dans les débats qui vont suivre.