Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Éloge funèbre de colette giudicelli sénateur des alpes-maritimes

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, cher Jean-Claude Guibal, chères Géraldine et Céline, c’est avec une profonde tristesse que nous avons appris, le 24 septembre dernier, la disparition de notre collègue Colette Giudicelli, sénateur des Alpes-Maritimes depuis 2008.

Mme Dominique Estrosi Sassone, elle-même sénateur des Alpes-Maritimes, a représenté le Sénat aux obsèques, célébrées le 28 septembre en la basilique Saint-Michel-Archange de Menton, en présence du Prince souverain de Monaco, du préfet des Alpes-Maritimes et de nombreux collègues élus du département, obsèques qui ont rassemblé une foule de Mentonnais, venus témoigner de leur gratitude et de leur attachement à une femme dynamique et passionnée, qui a consacré une grande partie de sa vie à ses concitoyens et à la ville de son cœur.

Première femme dans l’histoire parlementaire à être élue sénateur des Alpes-Maritimes en 2008, réélue en 2014, elle siégeait dans notre hémicycle depuis près de douze ans.

Nous garderons d’elle le souvenir d’une collègue fortement impliquée dans les travaux parlementaires concernant, notamment, les questions sociales et la santé, mais aussi l’image d’une élue de terrain devenue une figure emblématique du pays mentonnais, une personnalité attachante au caractère bien trempé.

Colette Giudicelli fut, dès sa jeunesse et tout au long de sa vie, une femme de convictions, fidèle à ses engagements pour défendre ses idées et ce qu’elle croyait juste.

Née le 24 novembre 1943 à Alger, elle était issue d’un milieu modeste : son père était ouvrier et président de l’Association des Corses d’Alger ; sa mère était femme au foyer. Ses grands-parents paternels, agriculteurs originaires de Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio, étaient venus s’installer en Algérie.

À Alger, Colette Giudicelli résidait dans le quartier de Belcourt, où toutes les communautés se mélangeaient, chrétiens, musulmans et juifs vivant alors dans une réelle harmonie. Elle garda toujours un merveilleux souvenir de cette convivialité.

À l’issue de ses études secondaires au lycée Delacroix, elle poursuivit des études de philosophie et de pharmacie. Amoureuse de la langue russe, elle apprit à la parler.

Après l’indépendance de l’Algérie, sa famille vint s’établir à Lyon, puis Colette Giudicelli finit par trouver à Menton un peu de l’atmosphère méditerranéenne qui lui manquait tant.

Animée par l’envie de se mettre au service des autres, elle s’engagea très tôt au sein du secteur associatif, tant éducatif que social.

Ainsi, elle devint représentante des parents d’élèves de l’institution Saint-Joseph, établissement d’enseignement accueillant les enfants de la maternelle à la terminale, puis, pendant de nombreuses années, cette femme de cœur assura avec une attention sans faille sa fonction de présidente du conseil d’administration de l’institut médico-éducatif Bariquand-Alphand, qui accueille des enfants souffrant de handicaps mentaux. Elle s’est également beaucoup impliquée dans l’association caritative mentonnaise Les Cœurs de Campanin, qui fournit une aide alimentaire aux personnes en difficulté.

C’est en suivant Jean-Claude Guibal, qui allait devenir son époux et dont elle a été la première adjointe à la mairie de Menton pendant vingt ans, que Colette s’était engagée en politique, alors que rien, dans ses goûts et ses affinités, ne la prédestinait a priori à cet engagement.

Elle accéda ainsi pour la première fois à des fonctions politiques en étant élue conseillère municipale de Menton en 1989, auprès de celui qui est resté à ses côtés jusque dans les dernières épreuves. Ils formèrent ensuite, pendant des années, un « couple » de parlementaires, elle comme sénateur et lui comme député.

Quelques mois seulement après son élection au conseil municipal de Menton, Colette Giudicelli devint première adjointe au maire, chargée de l’administration générale, des finances et du personnel, fonction qu’elle exerça avec ténacité et dévouement durant deux décennies.

Après avoir siégé au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur de 1998 à 2001, elle fut élue conseillère générale du canton de Menton-Est à partir de 2001, puis élue départementale du canton de Menton tout entier après 2015. Là encore, elle exerça des responsabilités exécutives : comme vice-présidente du conseil général, puis du conseil départemental, et ce de 2001 à 2017, elle défendit avec compétence et pugnacité les dossiers concernant les finances, l’administration générale et le personnel. Depuis 2002, elle était également devenue vice-présidente de la communauté d’agglomération de la Riviera française.

Lorsqu’elle fit son entrée au Sénat en 2008, Colette Giudicelli, fidèle à l’engagement social qui avait toujours été le sien, souhaita tout naturellement rejoindre la commission des affaires sociales. Aspirant à contribuer à ce « que la législation améliore le sort des plus démunis », elle consacra son ardeur au travail et sa force de caractère aux travaux parlementaires dans les secteurs de la santé, du handicap et du logement.

Dès 2010, elle s’investit tout particulièrement dans une mission de contrôle budgétaire sur la mise en place du revenu de solidarité active.

Animée par le souci de favoriser plus de justice et d’équité, elle prit l’initiative de déposer, en 2014, une proposition de loi visant à modifier les conditions d’attribution des logements sociaux, afin de promouvoir la mobilité au sein du parc locatif social.

Son souhait de libérer la parole des médecins pour faciliter le secours aux enfants maltraités fut à l’origine de l’adoption de la loi du 5 novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé. La proposition de loi qu’elle avait déposée pour protéger l’ensemble des médecins des poursuites qui pourraient leur être intentées en cas de signalement et, partant, renforcer et encourager leur mission de protection des mineurs fut en effet adoptée à l’unanimité de tous les groupes, au Sénat puis à l’Assemblée nationale.

Colette Giudicelli apporta également une contribution aux travaux législatifs de la commission des affaires sociales, comme rapporteur d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne, notamment en matière de santé, en 2011, puis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour le secteur médico-social, en 2015. Toujours dans le domaine de la santé, elle fut en outre l’auteur d’un rapport d’information sur la prévention du suicide.

Son engagement en faveur des handicapés fut consacré par sa nomination, en 2014, comme membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Sa curiosité d’esprit la conduisit par ailleurs à participer à de très nombreuses structures sénatoriales temporaires, essentiellement dans le domaine social.

Comme présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Monaco, Colette Giudicelli s’est attachée à développer les relations avec la Principauté monégasque, si proche et si chère à son cœur. J’ai le souvenir de ma visite officielle, les 15 et 16 mars 2019, à la Principauté de Monaco, en présence du Prince souverain Albert II. Colette était là, bien que souffrante, lorsque j’ai remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur au président du Conseil national monégasque, et j’étais heureux de cette rencontre entre les deux chambres et le Prince souverain de Monaco. Elle l’avait tellement souhaitée, venant me rencontrer dans mon bureau pour préparer ce déplacement. Christophe-André Frassa, je le sais, s’en souvient particulièrement.

Je célébrais alors la communauté de destin unissant nos deux pays, reposant sur une coopération étroite dans les domaines économique, fiscal, scientifique et culturel. Colette y est restée fidèle tout au long de son engagement.

Sa dernière intervention en séance publique, avant que l’évolution de son état de santé la contraigne malheureusement à devoir renoncer à se rendre au Sénat, fut une ultime démonstration de son attention permanente aux questions de santé : elle tenait ce jour-là, monsieur le ministre, à alerter le Gouvernement au sujet des émanations dangereuses provenant d’huiles de moteur qui peuvent contaminer le système d’alimentation en air des avions, au risque de provoquer de graves perturbations neurologiques.

Je me souviens aussi d’avoir accueilli Colette Giudicelli, dans les salons de la présidence du Sénat, lors de la cérémonie au cours de laquelle Christian Estrosi, alors ministre de l’industrie et maire de Nice, lui avait remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur. Il avait à cette occasion salué une femme pour qui « le sens du devoir [était] toujours passé avant le goût des honneurs ». En réponse, elle s’était alors dite « fière de pouvoir affirmer avoir toujours eu pour seul objectif le bien public et la volonté d’être au service de ses concitoyens ».

Elle maîtrisait ses dossiers et avait à cœur de poursuivre ses engagements. Reconnue pour son dévouement, notamment auprès des personnes en difficulté sociale, c’était cette élue de terrain que j’ai décrite. Elle avait aussi réussi à conjuguer son action au service du bien commun avec une attention particulière à l’égard de ses enfants et de ses petits-enfants.

Je tiens à rendre hommage à ses qualités humaines : courage et force de caractère, alliés à la bienveillance, la générosité et la gentillesse.

À ses anciens collègues de la commission des affaires sociales – cher Alain Milon, vous l’avez bien connue lorsque vous présidiez cette commission –, à ses collègues des délégations aux droits des femmes et à la prospective – chère présidente et cher président qui êtes présents aujourd’hui –, j’exprime ma sympathie, comme je le fais à l’égard de ses amis du groupe Les Républicains, qui l’ont vue partir quelques jours avant le renouvellement sénatorial.

À Jean-Claude Guibal, maire de Menton, que je salue tout particulièrement, à ses filles Céline et Géraldine, ici présentes, à l’ensemble de sa famille et de ses proches, à tous ceux qui ont partagé ses engagements, à Menton, dans la vie, et ici, au Sénat, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur deuil.

La parole est à M. le ministre délégué.

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