Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Accélération et simplification de l'action publique — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant la dernière, je ne serai guère originale. Je reviendrai néanmoins sur l’histoire législative de ce texte, compte tenu de la forte inflation qu’il a connue et dont les orateurs précédents ont longuement parlé.

Si le Gouvernement avait déposé peu d’amendements au Sénat – 5 d’entre eux ont été adoptés –, il en a déposé 79 à l’Assemblée nationale, dont 18 seulement ne visaient pas à introduire des dispositions nouvelles dans le texte.

Heureusement pour notre commission mixte paritaire, 13 de ces amendements ont été retirés avant la discussion et 8 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 98 du règlement de l’Assemblée nationale. Nul doute que ces dispositions nous seront ultérieurement soumises.

Au final, ce sont 34 dispositions nouvelles qui ont été introduites par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, sans étude d’impact et sans avis du Conseil d’État préalable, sans lecture approfondie, bien évidemment, dans les deux chambres, le Sénat n’ayant pas eu à en discuter.

Au total, le Gouvernement aura fait croître son projet de loi de près de 80 % puisqu’il aura ajouté 39 articles aux 50 qu’il comptait initialement.

Certaines de ces dispositions ne sont pas sans conséquence, et j’y reviendrai plus tard, notamment en ce qui concerne la commande publique.

Le travail du Sénat s’est fait dans la précipitation. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer lors de la discussion générale, le texte a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 février, soit le jour même de sa présentation en conseil des ministres, puis adopté au Sénat le 5 mars. Notre rapporteur, Patricia Morhet-Richaud, pour qui nous avons tous une pensée cet après-midi, avait dû faire preuve alors d’une très grande célérité !

Ensuite, le texte s’est comme perdu. Je veux bien entendre que tout le monde a été bouleversé par la pandémie de covid, que l’agenda du Parlement a été chamboulé en raison de l’examen des différents dispositifs d’urgence sanitaire et de relance. Pour autant, il me semble qu’il aurait été possible d’inscrire ce texte à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale beaucoup plus tôt. Pourquoi ne l’a-t-elle pas examiné la dernière semaine du mois de juillet, laquelle a été consacrée à la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique, seul texte sur lequel le Gouvernement n’a pas engagé la procédure accélérée ? Cela aurait été beaucoup plus logique.

Je reconnais que cet intermède vous a permis de travailler et d’ajouter des dispositions au texte. Je note même que deux articles du projet de loi initial, les articles 38 et 43, ont été supprimés. Ils ont été adoptés dans un autre texte, à savoir la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes, ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

C’est de nouveau dans la précipitation que le Sénat a préparé la réunion de la commission mixte paritaire puisqu’il a disposé d’un délai de quinze jours, du 6 au 21 octobre. Je tiens d’ailleurs à saluer l’implication de Daniel Gremillet, qui a repris ce texte en cours de route.

Malgré tout, le Sénat a fait preuve d’une très grande collaboration pour parvenir aux conclusions que nous allons voter. En effet, il restait 141 articles à discuter lors de la CMP. Une centaine de ces articles ne posait pas de difficultés, le Sénat ayant même accepté de voter conforme 51 dispositions nouvelles, qui n’ont été débattues qu’à l’Assemblée nationale.

Je reviendrai maintenant très rapidement sur l’assurance emprunteur, sur laquelle Daniel Gremillet est déjà intervenu. Les dispositions qui resteront dans la loi s’inscrivent dans le droit-fil d’une proposition de loi qui avait été adoptée à l’unanimité par le Sénat en octobre 2019.

Je ferai une lecture un peu différente des dispositions concernant les expulsions des occupants sans titre à l’article 30 ter. Je pense qu’il était nécessaire d’aller plus loin, car, finalement, nous avons juste précisé les dispositions de la loi DALO (loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale). Le texte n’apporte pas de solution à l’ensemble des difficultés. Bien évidemment, il n’était pas possible d’aller plus loin en introduisant par voie d’amendement une disposition qui n’aurait été examinée que dans la seule seconde chambre.

Les demandes du Sénat en matière d’énergie ont été largement entendues. Cela tient beaucoup, me semble-t-il, à M. le rapporteur, qui connaît particulièrement bien ces sujets.

Ainsi, le biogaz bénéficiera des dispositions de l’article 25 bis F, relatives à la simplification des procédures relatives aux énergies renouvelables terrestres, de celles de l’article 28 quinquies, qui concerne la sécurité des canalisations, ou encore de celles de l’article 28 sexies, sur les réductions de tarifs. Les modalités d’utilisation du chèque énergie par une personne âgée résidant dans un établissement médico-social ont également été utilement précisées.

Les mesures relatives aux procédures administratives préalables à l’installation d’un parc éolien en mer introduites par l’Assemblée nationale à l’article 25 ter n’ont pas été remises en cause par le Sénat. Cependant, nous avons souhaité réaffirmer la prééminence des conclusions du débat public.

Plusieurs leviers au service de la transition énergétique, en particulier s’agissant du démantèlement des installations nucléaires, du développement des installations du biogaz et de la promotion des énergies renouvelables outre-mer, ont été confortés.

L’agriculture a également déjà été largement abordée. L’article 33 revenait sur les fonctions des agents de l’Office national des forêts (ONF) et sur le fonctionnement des chambres d’agriculture. Le Sénat a fini par se ranger à la position de l’Assemblée nationale, peut-être avec quelques regrets sur le volet forestier. Nous n’en serons pas moins très vigilants dans le cadre de nos futurs travaux de contrôle. Le Sénat a obtenu satisfaction sur les chambres d’agriculture avec la constitution d’une minorité de blocage des deux tiers des chambres infrarégionales.

L’article 44, qui revient sur le texte Égalim, remplace l’ordonnance initiale par une prorogation sous conditions de l’expérimentation. La commission mixte paritaire a donc conservé le texte de l’Assemblée nationale en ajoutant deux rapports d’évaluation des expérimentations.

M. Sueur a évoqué la santé. Nous sommes favorables aux mesures relatives aux pharmacies. Nous avons quelques regrets sur le certificat médical. Le dispositif retenu nous semble très optimiste s’agissant, notamment, de la santé en milieu scolaire. J’ai bien entendu l’argument du député Kasbarian selon lequel il y a vingt visites médicales dans la vie de l’enfant. Mais ces vingt visites sont tout de même très concentrées sur les premiers mois de vie, qui ne sont pas précisément ceux où l’on pratique une activité sportive ! Vous semblez penser que la médecine scolaire voit les enfants chaque année. J’aimerais bien vous croire, mais je ne suis pas certaine que votre opinion soit corroborée par les faits. À mon sens, sur les certificats médicaux, il y aurait beaucoup à faire en matière de simplification pour les majeurs ; la ministre était là quand j’ai évoqué le sujet. Malheureusement, l’Assemblée nationale ne s’est pas saisie de l’occasion.

Nous débattons de la petite enfance depuis la loi Essoc, qui a été promulguée au mois d’août 2018. Nous nous étions montrés défavorables à votre demande d’habilitation. Selon nous, les modalités d’accueil des jeunes enfants doivent faire l’objet d’un texte législatif débattu par le Parlement, et non d’une habilitation donnée au Gouvernement pour légiférer par ordonnance. Vous revenez à la charge avec une demande d’habilitation de douze mois. Honnêtement, six mois doivent bien vous suffire : soit les dispositions sont prêtes, et, dans ce cas, vous pourrez les présenter rapidement ; soit elles ne le sont pas, et, dans ce cas, donnons-nous le temps de délibérer avec une vraie loi.

Ne s’est-on pas éloigné de la philosophie initiale du texte, qui consistait à adopter des mesures de simplification administrative pour les particuliers, les entreprises et les collectivités territoriales ? Je pense que cet esprit était globalement préservé à l’issue de l’examen du projet de loi par le Sénat.

Désormais, l’article 40 bis diversifie les missions de l’établissement public de la Monnaie de Paris, notamment en l’autorisant à valoriser son patrimoine privé. À mon sens, on s’éloigne de la simplification.

L’article 43 ter autorise la prolongation jusqu’au 31 décembre 2021 des mesures permettant aux entreprises et aux exploitations en difficulté de faire face aux conséquences économiques de la pandémie de covid-19. C’est d’ailleurs ainsi que le Gouvernement justifie la présence dans le texte d’un certain nombre de nouvelles dispositions. Dans ce cas, pourquoi ne pas les avoir introduites dans le quatrième projet de loi de finances rectificative ? Nous aurions alors pu disposer d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État, et avoir un véritable débat dans les deux chambres. Je songe notamment à un certain nombre de dispositifs relatifs à la commande publique.

Je souhaite revenir sur la Société du Grand Paris. Tandis que le présent projet de loi était en navette, la commission des finances du Sénat avait mis en place un groupe de travail pour évaluer l’évolution, la soutenabilité financière et le coût du projet. Nous avons auditionné les trois tutelles et la Société du Grand Paris. À aucun moment une telle disposition n’a été évoquée devant les sénateurs. Nous l’avons découverte en commission mixte paritaire. Je remercie M. le rapporteur d’avoir prévu une communication aux collectivités locales. Malheureusement, il n’était pas été possible de la porter à trois mois. Pourtant, cela aurait été beaucoup plus cohérent avec le fonctionnement de l’EPCI concerné, c’est-à-dire la métropole du Grand Paris.

Au final, nous voterons le projet de loi dans la rédaction résultant des travaux de la commission mixte paritaire, mais, vous l’aurez compris, avec quelques réserves. Nous serons extrêmement vigilants quant à la mise en œuvre des différentes mesures.

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