Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, chaque fois qu’un soldat tombe en Afghanistan, les mêmes questions nous sont posées de manière récurrente. Pourquoi sommes-nous en Afghanistan ? Quels sont nos objectifs ? Pour combien de temps y sommes-nous ? Quelle sera l’issue du conflit ? Et, chaque fois, nous nous heurtons à plusieurs réalités.
Sur le plan sécuritaire, la situation s’est dégradée depuis huit ans. Pour reprendre les termes utilisés par le général Stanley McChrystal, commandant la Force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, dans son rapport au secrétaire d’État à la défense américain Robert Gates : « La menace a crû régulièrement et subtilement, non compensée par une riposte équivalente. »
L’insurrection contrôle des zones entières dans l’ouest, le sud et l’est du pays. Les attentats à Kaboul se sont multipliés. Les forces américaines et celles de la FIAS ont subi des pertes croissantes. Un expert qui a assisté le général McChrystal dans l’élaboration de son rapport constate : « Ce qui devrait être un effort intégré civilo-militaire avec pour priorité de gagner sur le terrain est une gabegie dysfonctionnelle centrée sur Kaboul et handicapée par des visions bureaucratiques auxquelles s’ajoutent la corruption afghane, les tensions entre membres de l’OTAN et la FIAS, et les caveat des États membres. »
Miné par la corruption, le trafic de l’opium et le tribalisme, l’État afghan peine à se construire. L’autorité du président Hamid Karzaï ne s’est guère affirmée depuis son élection et ne s’étend que sur une faible partie du territoire. Les seigneurs de la guerre ont conservé tous leurs pouvoirs, et les talibans, dans les zones qu’ils dominent, ont créé des contre-pouvoirs. La corruption de la police est notoire, d’autant qu’elle est sous-payée, tout comme l’Armée nationale afghane. Les trafiquants de drogue sont présents dans les plus hautes instances de l’État et 90 % de l’opium mondial est produit en Afghanistan. Quant à l’autorité morale du président Karzaï, elle a été durement affectée par la fraude massive qui a entaché l’élection présidentielle.
Enfin, les sommes pourtant très importantes consenties pour l’aide au développement par divers États ou organisations, en dépit des efforts prodigués par les missions d’assistance ou les ONG, ont très souvent été mal employées ou détournées de leur objet et n’ont pu être utilisées aux fins qui leur étaient assignées.
Au sommet de Bucarest, en avril 2008, les buts de la coalition en Afghanistan ont été réaffirmés. Il s’agit de faire en sorte « que l’extrémisme et le terrorisme ne constituent plus une menace pour la stabilité, que les forces de sécurité nationales afghanes aient la direction des opérations et soient autonomes, et que le gouvernement afghan puisse faire bénéficier tous ses citoyens, dans l’ensemble du pays, de la bonne gouvernance, de la reconstruction et du développement ».
Ces ambitions nécessitent tout d’abord un changement de stratégie dans la conduite de la guerre. Fondée sur les principes de la contre-insurrection, la nouvelle stratégie proposée par le général McChrystal vise à reprendre l’initiative en agissant sur le rétablissement de la confiance des Afghans dans les instances dirigeantes. Cela suppose d’abandonner la logique de coercition et de donner la priorité aux actions de développement et à l’instauration d’un partenariat étroit avec l’Armée nationale afghane.
Il faut souligner, pour s’en féliciter, que les troupes françaises sur le terrain ont anticipé la stratégie proposée par le général McChrystal en obtenant des résultats significatifs.