Le temps perdu ne se rattrape pas !
Il n’est pas possible d’exporter la démocratie dans un pays étranger, a fortiori quand il s’agit d’un pays aussi différent des pays occidentaux que l’Afghanistan. On ne peut pas plaquer du dehors une constitution à l’occidentale pour imposer à l’Afghanistan nos conceptions en matière de gouvernance et d’État de droit.
C’est l’élection d’un nouveau président américain, Barack Obama, et la rupture qu’il a déclaré vouloir opérer dans les relations des États-Unis avec les pays musulmans qui autorisent aujourd’hui une réévaluation de la situation. L’objectif de l’ISAF ne peut être de s’installer durablement en Afghanistan, où la tête d’Al Qaïda ne se trouve vraisemblablement plus.
Sept ans après son accession au pouvoir, le président Karzaï ne dispose plus d’une légitimité suffisante. La restauration de l’État afghan est le préalable de tout, comme l’a d’ailleurs souligné M. Josselin de Rohan. Le retrait doit donc être affirmé comme l’objectif normal de l’intervention militaire, sous certaines conditions.
Pour cela, il faut redéfinir les objectifs politiques de la présence militaire de l’OTAN.
D’abord, il faut envisager le rejet par la révolte nationale pachtoune du terrorisme internationaliste d’Al Qaïda.
Ensuite, il faut prévoir la constitution d’un gouvernement d’union nationale n’excluant aucune composante du peuple afghan et ratifié par une Loya Jirga, conformément à la tradition du pays.
Enfin, il faut organiser la neutralisation de l’Afghanistan dans le cadre d’une conférence internationale incluant les pays voisins.
C’est seulement en attendant que ces conditions soient réunies qu’il est légitime de maintenir une pression militaire reposant sur un principe d’économie des forces, mais sans engagement de calendrier.
La définition des objectifs politiques ne doit pas être laissée aux militaires : ils demandent toujours des renforts ! L’OTAN doit choisir une stratégie soutenable à long terme, avec des moyens limités. L’opinion publique occidentale doit pouvoir, en effet, soutenir cette stratégie et ne pas être pour celle-ci un facteur d’affaiblissement.
Aucune stratégie en Afghanistan, enfin, ne peut faire l’économie de la coopération active du Pakistan, dont la communauté internationale doit soutenir la réorientation démocratique et la modernisation. Pour y parvenir, il faut rechercher la normalisation des rapports indo-pakistanais et sino-indiens. Les pays voisins doivent aider à la restauration de la paix en Afghanistan. C’est d’abord leur affaire, pas la nôtre !
Voilà, monsieur le ministre, la voix que la France devrait faire entendre au président Obama avant qu’il n’arrête sa décision !
La présence en Afghanistan de 3 500 soldats français, au courage et au stoïcisme desquels je veux rendre hommage, vous oblige à prendre, au nom de la France, une position raisonnée. Si elle l’est, et si le Président Sarkozy sait l’exprimer avec force, elle sera entendue.
Ne vous réfugiez pas derrière un papier « européen » qui ne dira rien, à supposer qu’il voie le jour, et dont les Américains, bien sûr, ne tiendront aucun compte !
Faites entendre la voix de la France, monsieur le ministre. C’est comme ça : il faut y croire !