Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos concitoyens suivent régulièrement, notamment au travers des médias, l’évolution de la situation en Afghanistan et l’engagement de nos soldats dans un environnement difficile.
Les deux déplacements organisés par le président du Sénat, M. Gérard Larcher, et par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Josselin de Rohan, ainsi que ce débat, nous permettent de dépasser cette simple vision, parfois tragique mais naturellement réductrice, et d’essayer de faire, ensemble, un point le plus objectif possible sur l’état du pays, l’action de nos troupes et les perspectives qui s’offrent, notamment, à la communauté internationale.
Après plus de dix années d’invasion soviétique, de combats particulièrement meurtriers et destructeurs, l’Afghanistan a connu la chape de plomb du régime taliban et s’est transformé en base arrière et en camp de formation des terroristes d’Al Qaïda.
Après les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis sont intervenus militairement, chassant les talibans de Kaboul, les repoussant dans les montagnes et au Pakistan, et traquant les groupes terroristes d’Al Qaïda.
Une force internationale d’assistance à la sécurité, appelée FIAS ou, en anglais, ISAF, a été mandatée par la résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations unies pour stabiliser le pays et créer les conditions d’une paix durable. Cette sécurisation, on le comprend, est le fondement de toute perspective crédible de reconstruction et de développement.
Aujourd’hui, les observateurs internationaux comme les pays engagés relèvent des progrès en matière d’infrastructures, de développement économique, d’éducation – notamment pour ce qui concerne les filles, mes chers collègues – et de santé, ainsi que dans la mise en place des institutions.
Cependant, face à la dégradation de la sécurité et au net durcissement des actions des talibans, ils constatent aussi les limites et les échecs de la stratégie passée ainsi que, reconnaissons-le, l’inadaptation du modèle démocratique occidental à un pays en guerre depuis trente ans, aux ethnies multiples, parfois antagonistes, aux traditions tribales fortes.
Les raisons de ces échecs sont multiples. J’en soulignerai quatre.
Premièrement, l’effort sécuritaire que nous avons réalisé dès 2003 était insuffisant, notamment en raison de l’intervention américaine en Irak, et inadapté, car essentiellement militaire.
Deuxièmement, l’aide internationale, pourtant très importante, n’a pas bénéficié d’une stratégie claire et aucun responsable n’a été désigné par l’ONU pour définir les priorités et piloter ces actions. Les errements dans ce domaine, mes chers collègues, mériteraient à eux seuls un débat !
Troisièmement, la reconstruction de l’appareil de l’État n’a pas suffisamment été considérée comme faisant partie des priorités.
Quatrièmement, cela a déjà été indiqué par les orateurs qui m’ont précédé, la dimension régionale de la crise afghane a été sous-estimée.
La volonté de tirer les enseignements de ces erreurs et de modifier radicalement notre action se dessine au niveau tant politique que militaire. Le sommet de l’OTAN de Bucarest, en avril 2008, a arrêté des principes majeurs : détermination partagée de maintenir un engagement dans la durée ; soutien aux autorités afghanes pour leur permettre de prendre en charge, progressivement, leur sécurité ; approche globale internationale tant militaire que civile, puisque la sécurité et la reconstruction sont les deux piliers indispensables ; accroissement de la coopération régionale avec les pays voisins.
Le rapport du général McChrystal, qui commande tout à la fois les troupes américaines de l’opération Enduring Freedom et les soldats des quarante-deux pays alliés au sein de l’ISAF, va dans le même sens, même si les médias n’ont souvent retenu que la demande d’un renfort de 40 000 hommes qu’il a adressée au président Obama.
Je tiens à souligner, comme M. Josselin de Rohan avant moi, que le volet civilo-militaire du rapport du général McChrystal est déjà décliné par le contingent français, qui, après avoir préparé cette transition en amont, vient de remettre le commandement et la responsabilité de la région de Kaboul à l’autorité militaire afghane, en liaison avec les Turcs.
Quelle est donc la situation réelle des troupes françaises en Afghanistan ?
Notre dispositif est divers et en cours d’évolution. Il comporte un contingent air, soit 450 hommes environ, à Kandahar et à Douchanbé, au Tadjikistan ; une centaine de personnels de la mission Héraclès mer ; 3 100 soldats, très majoritairement de l’armée de terre, qui assurent des missions de sécurisation. Celles-ci, d’abord concentrées dans la région de Kaboul, ont été progressivement étendues à l’est de la capitale, dans la province de Kapisa et le district de Surobi, secteur dans lequel nous recentrerons notre action, au début du mois de décembre, grâce à la mise en place de la brigade La Fayette.
Par ailleurs, et c’est essentiel, nous assurons la formation d’éléments de l’Armée nationale afghane, qui est passée de 3 000 hommes en 2002 à près de 96 000 hommes aujourd’hui. Nous avons formé durant cette période 6 000 cadres militaires et 3 000 commandos, et nous accueillons maintenant 4 700 soldats afghans pour des périodes de formation accélérée de deux mois.