Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 16 novembre 2009 à 14h30
Afghanistan — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Personne ne peut être péremptoire sur un sujet aussi complexe. J’affirmerai seulement que la porte de la paix ne peut être ouverte que par la clef de la confiance retrouvée du peuple afghan.

Les Afghans éprouvent un ressentiment haineux pour des tenants du régime dont les palais insultent leur misère et leur salaire de base de 30 dollars. On retrouve une atmosphère proche d’Apocalypse now. Des piliers du régime, membres de l’Agence centrale de renseignement américaine, la CIA, sont suspectés de trafic de drogue. Ainsi, le ministre chargé de la lutte contre la drogue, le général Khodaidad, a déclaré au début du mois que les troupes étrangères bénéficiaient de l’argent de la drogue en taxant l’opium produit dans les régions sous leur contrôle. Comment, avec un tel comportement, « gagner le cœur des Afghans » ?

On ne sait si cette guerre, qui comprend aujourd’hui le Pakistan, peut être gagnée, mais on n’a pas le droit de la perdre.

Cela signifierait une très grande fragilisation des pays d’Asie centrale, que les taliban m’avaient désignés comme cible pour les transformer en émirats.

Cela signifierait le triomphe de l’obscurantisme en Afghanistan avec son cortège de privation de libertés, allant de la possibilité d’écouter de la musique à l’égalité entre hommes et femmes.

Cela signifierait, dans les pays musulmans, une exploitation de l’aversion contre l’arrogance occidentale, pouvant dégénérer en violence aveugle.

Cela signifierait une très forte instabilité dans le monde musulman, recelant les deux tiers des hydrocarbures mondiaux.

Si les solutions au conflit sont très complexes, on peut néanmoins mettre en place de simples solutions de bon sens. Je n’aborderai pas l’aspect militaire. Mais je proposerai, 34 % des soldats désertant, le doublement de leur solde. Cela ne coûterait que 300 millions de dollars par an, comparés au milliard de dollars consacré chaque semaine à la guerre.

La culture du pavot finance les taliban et tue notre jeunesse. Elle doit être éradiquée en garantissant des revenus aux agriculteurs par d’autres cultures subventionnées, afin de ne pas générer une rancœur supplémentaire.

Depuis 2001, 25 milliards de dollars ont été promis et seulement 15 milliards de dollars ont été versés. De l’aide internationale, quelle part arrive réellement à la population ? Certaines organisations non gouvernementales font un travail formidable, mais nombreuses sont celles dont les frais de fonctionnement dépassent de très loin les investissements et dont les réalisations se font à des prix exorbitants. De surcroît, le déséquilibre entre les salaires des expatriés internationaux et ceux des fonctionnaires afghans est humiliant pour ces derniers.

Ce gâchis, cette iniquité exaspèrent et révoltent la population. Une surveillance doit impérativement être mise en place pour que l’argent devienne le « nerf de la paix », selon la belle formule de Winston Churchill.

L’action menée en Afghanistan l’est par les seules forces occidentales. Il s’agit non pas d’imposer nos valeurs, mais de faire participer aussi, entre autres États, les pays directement concernés par leur proximité : le Pakistan, trop longtemps pays refuge des taliban, sans réaction internationale forte ; le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan qui seraient les premiers à subir les assauts, les infiltrations et la déstabilisation par le fondamentalisme ; l’Iran dont le chiisme est insupportable aux wahhabites taliban. Il y a là une occasion pour tenter de renouer avec ce pays qui, au-delà d’un régime aux déclarations inacceptables, est essentiel à l’équilibre de toute la région.

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