Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 16 novembre 2009 à 14h30
Afghanistan — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Je n’ai pas l’illusion de croire, mesdames, messieurs, que l’une ou l’autre de nos interventions serait en effet de nature à convaincre le Président de la République, sinon de changer d’avis, du moins de regarder la situation d’un œil neuf.

Je suis pourtant persuadée, plus que jamais, qu’un examen approfondi et contradictoire de la situation afghane est indispensable si nous voulons nous extraire du bourbier actuel.

Examinons donc, sérieusement et sans trop d’idées préconçues, la situation.

Je ne suis évidemment pas spécialiste de l’Afghanistan. Je pense que sur ces travées peu d’entre nous le sont, y compris parmi ceux qui y sont allés quelques jours ou quelques semaines et qui en reviennent avec plus de questions que de réponses. Nous devons donc fonder nos choix et nos décisions sur les informations et les analyses que nous recueillons, les uns et les autres, aussi bien auprès de spécialistes civils de la région qu’auprès des officiers d’état-major qui, depuis 2001, ont appris à connaître l’extraordinaire complexité de la situation régionale.

Ce que nous savons, donc, pourrait se résumer dans une hypothèse du journaliste Jean-Dominique Merchet : « Imaginez un instant que vous soyez né en Afghanistan en 1960 ». Vous avez survécu, au sortir de l’enfance, à une famine qui a provoqué des dizaines de milliers de morts ; l’année suivante, à un coup d’état appuyé par des officiers communistes ; puis à la prise du pouvoir par les communistes seuls au terme d’un nouveau coup d’état, débouchant lui-même sur une guerre civile qui amènera elle-même l’intervention soviétique. Dans les douze années qui suivirent, vous avez vécu l’occupation des Soviétiques et le maintien d’un pouvoir qui leur était acquis ; une guerre civile qui a opposé le pouvoir pro-soviétique aux moudjahidin du commandant Massoud ; le retrait des troupes soviétiques, puis la victoire de Massoud, entrant dans Kaboul en 1992. Quatre ans plus tard, il est lui-même chassé par les talibans et assassiné le 9 septembre 2001, deux jours avant les attentats du World Trade Center, qui allaient précipiter l’intervention armée des Américains et de leurs alliés.

C’était il y a sept ans. Et si l’on s’attarde sur ces sept années, il est malaisé de mesurer ce que nous avons gagné, et même de dire si nous avons gagné quelque chose.

Les talibans ont été chassés du pouvoir très vite, mais ils se sont redoutablement renforcés depuis. Les forces alliées qui, en 2001, étaient vécues comme des forces de libération se sont peu à peu muées, pour les Afghans eux-mêmes, en armée d’occupation étrangère.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion