Intervention de Guy Fischer

Réunion du 16 novembre 2009 à 14h30
Numérisation du livre — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Guy FischerGuy Fischer, président :

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 51 de M. Jack Ralite à M. le ministre de la culture et de la communication sur la numérisation du livre.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Jack Ralite rappelle à M. le ministre de la culture et de la communication que, depuis 2004, Google a engagé un programme international de numérisation de grandes bibliothèques qui atteint à ce jour des millions de livres. Ce projet arrive en France, via le récent accord au contenu toujours secret de la bibliothèque de Lyon avec le moteur de recherche américain et les discussions non publiques entamées avec lui par les ministères domiciliés à Bercy et par la Bibliothèque nationale de France.

« Nous souhaitons bien sûr saisir l’immense et heureuse possibilité, aujourd’hui concrète, de permettre à tous et à chacun le libre accès au “livre de la famille humaine”. Il ne faut pas prendre de “retard d’avenir”, mais pas à n’importe quel prix.

« Or si Google, devenu un géant, diversifiant toujours plus ses interventions sur le livre, notamment avec Google Édition, annonce offrir gracieusement aux institutions publiques les moyens de la numérisation, cette gratuité est illusoire et dangereuse. On a pu parler de “pacte faustien” nous mettant d’abord et avant tout sous la tutelle d’un véritable monopole, s’appropriant le patrimoine des bibliothèques publiques à des fins exclusivement commerciales, au mépris du droit d’auteur et du droit moral, du bien public, de ses animateurs et de ses destinataires. Les auteurs américains ont déjà dû recourir à la justice.

« L’enjeu est fondamental pour le devenir du “grenier à mémoire” de nos sociétés, pour le livre, la lecture, les lecteurs, la librairie, l’édition, les bibliothèques et les initiatives à développer vite et fort que sont Gallica, vivement encouragée par la francophonie, Europeana et la très récente bibliothèque numérique universelle créée par l’UNESCO.

« Quelles mesures nationales, quelles propositions au plan européen et international entend prendre le Gouvernement français face à cette grave perspective dominée par l’esprit des affaires contre les affaires de l’esprit ?

« Il lui demande quel est le plan de numérisation du livre dans notre pays, ses priorités et son coût. Quelles sont les possibilités industrielles existantes ou à créer en France ou en Europe pour la numérisation ? Quel est son avis sur la nécessité d’avoir un ou plusieurs “pôles de compétitivité” sur la numérisation, comprenant la recherche publique, la recherche privée et l’industrie ? Est-il admissible que l’entreprise Google exige le secret sur les accords qu’elle passe avec des services publics et sur la propriété des œuvres numériques qu’elle revendique pour un grand nombre d’années ? Que lui inspire l’incertitude sur la pérennité de la conservation numérique ? Quel montant du grand emprunt envisage-t-il de consacrer à la numérisation ?

« La magnifique bibliothèque du Sénat mène actuellement une numérisation de son fonds concernant d’abord les débats menés sous la Ve République dans le cadre d’un partenariat public-privé en France qui n’entache pas la responsabilité publique. Tout cela “bourdonne d’essentiel” dirait René Char.

« Beaucoup de grandes bibliothèques dans le monde s’étaient félicitées de la réaction française face à Google en 2004. Elles ne comprendraient pas que la France renonce à cette attitude en adoptant une politique d’impuissance démissionnaire.

« Comment dire non aux règles autoritaires du chiffre et de l’argent et oui à la liberté humaine de déchiffrer le monde ? “L’Histoire n’est pas ce qu’on subit mais ce qu’on agit”, dirait Boulez. »

La parole est à M. Jack Ralite, auteur de la question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion