Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, il existe un lien étroit et fort entre notre République et la recherche. Souvenons-nous des nombreux savants qui ont participé à la Révolution française, animés par une vision universaliste : l’Assemblée constituante décréta en effet trois jours de deuil national à la mort de Benjamin Franklin, lequel avait des liens particuliers avec notre pays.
Sous la IIIe République, beaucoup d’élus venaient du monde scientifique ou de la recherche, avec in fine la création du CNRS.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, sous la IVe République, ont été lancés de grands programmes de recherche.
Il ne faut pas oublier non plus le général de Gaulle, qui a lancé des programmes de recherche, ce qui a aussi fait la grandeur de la France.
Enfin, il faut citer Jean-Pierre Chevènement, qui fut reconnu comme un grand ministre de la recherche, avant de partir vers d’autres horizons.
Ainsi le lien entre la recherche et la République est-il très étroit. Néanmoins, nous notons tous le décrochage qui existe depuis deux décennies, notamment marqué par la baisse de la part du PIB consacrée à l’effort de recherche – cet indicateur est le plus utilisé, mais on pourrait en trouver d’autres. Nous nous souvenons de cet âge d’or qu’a constitué le début du XXe siècle, lorsque huit des onze prix Nobel décernés entre 1901 et 1920 étaient français.
En contrepoint de ces moments forts de notre histoire, on évoque le cas d’Emmanuelle Charpentier, une illustration de ce paradoxe qui conduit nos talents, malgré l’excellence de leur formation, à accomplir leur carrière à l’étranger – dans son cas, aux États-Unis, en Suède et en Allemagne. Nous devons inverser ce processus et donner des moyens et des équipes aux chercheurs, dont il faut reconnaître le statut social, le rôle dans la société.
Ce décrochage a des conséquences en termes de souveraineté – toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la souveraineté industrielle et économique de la France savent l’importance de la recherche –, mais également en termes d’innovation. Nous l’avons vu malheureusement dans le cadre de la crise de la covid, qui peut nous conduire à penser que nous avons peut-être là raté une occasion. Pour être plus positif ou optimiste, l’investissement dans les batteries incarne bien à la fois la nécessité d’innover et celle de construire une souveraineté économique européenne à partir, notamment, de la souveraineté française.
Ce projet de loi vise à apporter une solution aux sujets que je viens d’évoquer. Il est rare qu’une loi de programmation aussi ambitieuse concerne la recherche – il y en avait eu une précédemment, mais qui portait sur une durée beaucoup plus courte. La rémunération des enseignants-chercheurs en France est inférieure de 37 % à la moyenne de l’OCDE, et les crédits de l’ANR ont baissé de 40 % entre 2010 et 2015 : voilà ce que nous devons réparer ensemble.
Nous aurons des discussions, notamment, sur la durée de la programmation : dix ou sept ans ? Il me semble qu’une décennie correspond – cela a été dit – à la durée de vie d’un projet de recherche, qui est très long à mettre en œuvre entre le lancement, le travail et les retours parfois tardifs.
Nous discuterons aussi de l’inflation. Soyons honnêtes entre nous : tous les projets de programmation, quel que soit le secteur, ne la prennent jamais en compte, car, même en s’appuyant sur les chiffres de Bercy, il est impossible de dire quelle sera l’inflation dans dix ans, en 2030.
Nous aurons un débat sur la précarisation, que nous connaissons actuellement et que ce texte vise à réduire, car certaines situations sont scandaleuses, ainsi que sur la conception de la recherche, sur son modèle, entre appel à projets et soutien à des structures sur un plus long terme. Ces débats sont intéressants.
Je pense aussi à la liberté académique, qu’il faut réaffirmer et porter, dans le respect des principes et des valeurs de la République. Rappelons qu’il faut enseigner, faire de la recherche, à partir de l’état des savoirs et des connaissances, et non pour divulguer telle ou telle idéologie, quelle qu’elle soit.
Enfin, nous aurons un débat sur les territoires – la commission a fait un travail intéressant – ou sur ce qu’est l’excellence à la française.
Notre groupe aborde ces débats dans un esprit d’ouverture et de franchise, et avec l’envie d’avancer par consensus. Si j’ai relevé les points de débat, j’ai tout de même relevé des points d’accord. Peu de remarques ont ainsi été faites sur l’amélioration des carrières et de la gestion des ressources humaines figurant dans l’un des volets du texte, peut-être parce qu’elle recueille l’assentiment, y compris d’ailleurs de la communauté des chercheurs.
On constate également un accord sur l’idée de corriger la carrière postdoctorale – des exemples ont été cités.
Nous avons la possibilité de trouver une base de consensus, même si quelques éléments restent en discussion, notamment en ce qui concerne les apports de la commission.
Notre groupe approuve un certain nombre de ces apports, et en rejette d’autres. Néanmoins, j’espère que la recherche aura, à la fois, le texte – c’est le cas avec les piliers présentés par Mme la ministre –, le débat et l’issue qu’elle mérite, c’est-à-dire l’accord le plus large possible de la représentation nationale sur ce qui est – l’histoire nous l’a montré – un enjeu fort et majeur pour notre République.