Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 mars dernier, le Président de la République annonçait pour la recherche un effort budgétaire inédit depuis la période de l’après-guerre. Pourtant, le CESE a émis, à l’unanimité, un avis négatif sur la présente loi de programmation.
Avec la même unanimité, les présidentes et présidents des 46 sections et commissions du Comité national de la recherche scientifique et des dix conseils scientifiques des instituts du CNRS ont déploré que « la programmation financière [de cette loi] ne [soit] pas à la hauteur des défis considérables auxquels notre pays doit faire face ».
Madame la ministre, plus de 22 000 chercheurs et enseignants-chercheurs vous demandent « la suspension du processus législatif ».
Enfin, les organisations syndicales nous ont toutes exprimé leur opposition à ce texte, y compris celles qui ont signé avec votre ministère le protocole d’accord sur les revalorisations.
Pourquoi une telle ingratitude alors qu’une manne, d’une générosité quasi biblique, viendrait secourir et revigorer la recherche publique comme jamais depuis la Libération ?
« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens », disait le cardinal de Retz. Les hyperboles amphigouriques passées, il reste la terrible réalité des chiffres. Notre commission des finances, à la suite d’un travail de déconstruction critique exemplaire, nous le montre : selon les projections réalisées, « sur le périmètre de la loi de programmation […], la trajectoire retenue se borne à stabiliser la part des dépenses de recherche dans le PIB ». Son rapporteur, Jean-François Rapin, dont je salue la qualité du travail, ajoute que « la France ne pourra conserver son rang de grande puissance scientifique qu’au prix d’un effort budgétaire sans précédent ».
Non seulement le gouvernement auquel vous appartenez abandonne l’objectif de porter notre effort de recherche à un niveau équivalent à celui de nos homologues européens, mais, de plus, la présente programmation consacre le renoncement à l’ambition ancienne et toujours réaffirmée d’atteindre le ratio mythique des 3 % du PIB pour la recherche.
Le 7 septembre dernier, sur le campus de l’Université Paris-Saclay, le Premier ministre déclarait : « Je vous mets au défi de trouver une période, depuis 1945, où l’État a décidé volontairement de dégager autant de moyens. » La chose est aisée ! Le 14 février 1959, à Toulouse, le général de Gaulle déclare : « L’État […] a le devoir d’entretenir dans la Nation un climat favorable à la Recherche et à l’Enseignement. » Son gouvernement met en œuvre rapidement cet engagement et le budget du CNRS, qui est de 8 milliards de francs en 1958, est porté à plus de 15 milliards en 1960, soit un quasi-doublement en deux ans.