Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du 28 octobre 2020 à 15h00
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 — Discussion générale

Frédérique Vidal :

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, cette discussion générale montre, une fois de plus, toutes les améliorations que le Sénat est capable d’apporter à un texte de loi. Nous ne serons pas d’accord sur tout, évidemment, mais il est bien normal que nous puissions débattre.

J’entends une forme d’accusation : les moyens ne seraient finalement pas à la hauteur des ambitions. Je rappelle que nous sommes les premiers à prévoir ces moyens sur les trente dernières années. Entre 2012 et 2017, le programme 172 a augmenté de 50 millions d’euros. En 2021, nous investirons donc cinq fois plus que ce qui a été investi en cinq ans entre 2012 et 2017.

L’OCDE estime que le budget de la recherche en France sur ces dix dernières années a oscillé entre 15 et 16 milliards d’euros. Il atteindra 20 milliards d’euros. Je ne sais pas, au regard de l’inflation, de la déflation ou de l’évolution du PIB, à quoi cela correspondra, mais c’est une progression incontestable, qui a le mérite d’exister. Si l’effet de ces financements supplémentaires est d’affaiblir ou d’appauvrir la recherche, alors je ne comprends plus rien…

Il me semble ensuite très important de maintenir et de renforcer l’attractivité du modèle de recherche à la française. Un point essentiel est notre capacité à donner du temps long à nos chercheurs en les recrutant sur des postes et des emplois pérennes. J’entends vos propos, madame Brulin, sur le fait que nos chercheurs seraient attirés par les États-Unis. Pour autant, je ne souhaite pas que notre pays se dote d’un modèle à l’anglo-saxonne, et je ne crois pas non plus que ce soit votre volonté. §Ou alors, là encore, je ne suis pas sûre de tout comprendre…

Quant au nombre très élevé de contractuels en France, qui a été rapporté, soyons clairs, il tient au fait que nos doctorants ont pour une grande majorité des contrats de travail, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays. Vous le savez aussi bien que moi. Enlevez les contrats de travail des doctorants, et vous verrez que le nombre de contractuels dans l’enseignement supérieur et la recherche en France se situe dans la moyenne des autres pays. Nous devons manier les chiffres avec sincérité.

La dépense intérieure de recherche et développement des administrations (Dirda) comprend évidemment tout le financement public, qu’il provienne du budget, du programme d’investissements d’avenir ou des contrats de plan État-région, et donc, de fait, des collectivités territoriales. Le 1 % du PIB pour la Dirda s’entend de l’ensemble des moyens alloués. Je le reconnais, nous sommes dans une situation particulière, mais c’est aussi une chance pour notre recherche. En plus de ce qui est inscrit dans cette loi de programmation, il faut compter les 6, 5 milliards d’euros du plan de relance consacrés à la recherche sur les deux prochaines années.

Le choc que vous appelez de vos vœux, et que vous avez voulu traduire en raccourcissant la durée de la programmation et en augmentant les premières marches, a d’ores et déjà été impulsé avec ces investissements de 6, 5 milliards d’euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, c’est un programme prioritaire de recherche, c’est-à-dire 30 à 50 millions d’euros pour un grand défi scientifique financé par mois sur les deux prochaines années.

Je dirai enfin un dernier mot sur le rapport Dirda-Dirde (dépense intérieure de recherche et développement des entreprises). Dans tous les pays, lorsque l’on augmente le financement de la recherche publique, on observe qu’il y a deux fois plus d’investissements en R&D privée que l’effort de financement consenti pour la recherche publique.

Là encore, les circonstances sont très particulières d’un point de vue économique, et nous en sommes pleinement conscients. C’est pourquoi 300 millions d’euros du plan de relance seront confiés au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et directement dédiés au soutien de la R&D effectuée en partenariat entre des laboratoires publics et des laboratoires privés. Pour préserver ce lien dans cette période de crise, l’État pourra prendre en charge les salaires des ingénieurs à hauteur de 80 % et offrir des contrats doctoraux et postdoctoraux supplémentaires dans les deux années qui viennent.

En outre, 6, 8 milliards d’euros du plan de relance seront consacrés, au travers du programme d’investissements d’avenir, au soutien à la recherche privée, hors plans aéronautique et automobile, qui disposent eux aussi d’un volet de soutien à la R&D.

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