La mission « Régimes sociaux et de retraite » couvre tout ou partie des besoins de financement de dix régimes spéciaux de retraite déficitaires du fait de leur déséquilibre démographique, rendant la contribution de l'État solidaire obligatoire. Pour 2021, cette contribution de l'État sera de 6,153 milliards d'euros, en baisse de 74,2 millions d'euros par rapport à 2020.
Les deux tiers des crédits sont consacrés à la SNCF, à la RATP et au financement du congé de fin d'activité des conducteurs routiers, soit 4,195 milliards d'euros. 810 millions d'euros sont prévus pour financer le régime des marins. Enfin, 1,149 milliard d'euros est alloué aux régimes fermés des mines, de la SEITA - Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes -, de l'ORTF - Office de radiodiffusion-télévision française - et des régies ferroviaires d'outre-mer.
Je rappelle que le projet de loi instituant un système universel de retraite a été voté, en première lecture à l'Assemblée nationale, le 5 mars 2020. Depuis, il a été mis en sommeil par le Président de la République. Toutefois, le 15 juillet 2020, le Premier ministre Jean Castex a rappelé que l'objectif était « de créer un système universel de retraite qui implique clairement la disparition à terme des régimes spéciaux, tout en prenant pleinement en considération la situation des bénéficiaires actuels de ces régimes ». Il a également insisté sur la nécessité d'améliorer le contenu et la lisibilité de la réforme via la reprise d'une concertation.
Les parlementaires seront-ils associés à cette étape ? Obtiendrons-nous tous les éléments chiffrés qui faisaient cruellement défaut dans le projet de loi initial, lequel nous renvoyait à de multiples ordonnances ? Je ne dispose à cet instant d'aucun élément supplémentaire, car les réponses à mes questionnaires sur le sujet sont vides. Je n'ai donc pas plus d'éléments concernant l'équité ou la soutenabilité de la réforme, ce qui nous pose pourtant bien des questions.
Enfin, je précise que les crises sanitaires en cours sont susceptibles d'avoir un impact sur les comptes de la mission.
Parmi mes constats, une surmortalité parmi les pensionnés des régimes des mines a été observée dans les régions Île-de-France et Grand Est ; le régime des marins doit faire face à une baisse de cotisations, et je m'inquiète toujours de l'impact du Brexit ; on n'observe pas de surmortalité significative à la SNCF et à la RATP : les cotisations ont été versées normalement, mais elles seront en partie remboursées par l'État, car celui-ci les a rendues éligibles au dispositif d'activité partielle, soit 78 millions d'euros pour la SNCF et 16 millions d'euros pour la RATP en l'état des estimations.
Depuis l'an dernier, la SNCF bénéficie d'un régime fermé, puisque les nouveaux entrants cotisent à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). En outre, une convention prévoyant la compensation des cotisations à la SNCF devait être signée en juillet 2020, mais on l'attend toujours, ce qui fragilise d'autant le financement du régime spécial. Par ailleurs, les pertes d'exploitation liées aux mouvements sociaux qu'a connus la SNCF sont estimées à 614 millions d'euros en 2019 et 330 millions d'euros en 2020, contre 150 millions d'euros à la RATP.
Le premier défi auquel doit faire face la SNCF, dans un contexte de crise et d'ouverture à la concurrence, est le maintien de son chiffre d'affaires et l'amélioration de sa rentabilité.
Concernant la performance de gestion des retraites, la caisse de retraite de la SNCF, qui a signé la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2021, doit réduire ses frais de 15 % sur quatre ans et réduire ses effectifs de gestion de 2 à 2,5 % par an. Résultat : de 2014 à 2017, au lieu de réaliser 2 millions d'euros d'économies, on constate un surcoût de 2,1 millions d'euros ; et pour 2020, encore de 1,5 million d'euros supplémentaires.
Dernier mot sur la contribution solidaire et nécessaire de l'État à l'ensemble de ces régimes spéciaux déficitaires : si son fondement est indiscutable, il se trouve quand même que l'État contribue au financement d'avantages spécifiques qui, eux, sont parfaitement discutables. Pour la SNCF et la RATP, le coût supporté par l'État serait de 970 millions d'euros annuels - 570 millions pour la SNCF et 400 millions pour la RATP selon la Cour des comptes. Une réforme sur ce point serait la bienvenue. C'est une grande partie de l'objet de la réforme projetée.
À titre personnel, je relève que le régime de la SNCF est fermé, ce qui fait que l'un des régimes spéciaux les plus importants est de toute façon voué à disparaître.
Je vous présente maintenant les crédits du compte d'affection spéciale (CAS) « Pensions ». Celui-ci retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État : 60,2 milliards d'euros sont prévus pour 2021, dont 56,7 milliards d'euros pour les seules pensions civiles et militaires, 1,94 milliard d'euros pour les ouvriers des établissements industriels de l'État, et 1,54 milliard d'euros pour les pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre.
Le CAS « Pensions » devrait générer des excédents - c'est une bonne nouvelle ! - grâce à la contribution employeur de l'État toujours supérieure aux dépenses. Pour mémoire, le taux de la cotisation patronale est de 74,28 % pour les civils et de 126,07 % pour les militaires. Ces taux sont appliqués à la masse salariale cotisable de chaque ministère, puis imputés sur les programmes des ministères employeurs.
L'excédent prévisionnel est de 759 millions d'euros en 2021, soit un peu moins qu'en 2020, exercice lors duquel celui-ci atteindrait 1,2 milliard d'euros après révision de la prévision initiale. Le solde cumulé du CAS « Pensions » atteindrait donc 9,9 milliards d'euros fin 2021. Notez la substantielle contribution du CAS à l'équilibre général du système de retraite, puisque le déficit de la branche vieillesse s'élèverait à 25,4 milliards d'euros !
Le solde cumulé du compte d'affection spéciale devrait continuer de croître jusqu'en 2027, puis devenir légèrement négatif jusqu'en 2050, puis 2063, ce qui correspond à la fin de la génération du papy-boom.
Notons cependant que l'État emploie de plus en plus de contractuels, qui n'alimentent pas le CAS « Pensions », mais la CNAV, ce qui se traduit par une baisse de recettes immédiate, mais par des économies sur le long terme, puisque les pensions seront moins nombreuses.
Je ferai un point sur le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) du 15 octobre 2020 concernant l'impact de la crise sanitaire. Nous ne disposons pour l'instant que des effets de la crise d'ici 2024.
Selon Santé publique France, la surmortalité entre le 1er mars et le 31 juillet dernier a été de 30 224 morts, dont 19 750 en hôpital et 10 474 dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Pour la population générale, on constate 88,5 % de surmortalité chez les plus de soixante-cinq ans. Si, entre 2013 et 2019, l'espérance de vie a augmenté de un mois par an, la crise sanitaire induirait une baisse de l'espérance de vie à soixante ans de 0,3 an.
Mais, en l'absence de résurgence significative en 2021 - je crains d'être très optimiste -, l'espérance de vie devrait reprendre sa hausse tendancielle. Il pourrait même y avoir un rebond en 2021 s'expliquant par le fait que l'épidémie a accéléré le décès de certaines personnes âgées qui, sans le virus, seraient peut-être décédées en 2021.
L'effectif des retraités baisserait de 22 500 en 2020 soit 0,15 %. Celui des agents hospitaliers devrait progresser de 15 000 selon le Ségur de la santé. D'après les projections, le déficit du système de retraite augmenterait de 1 % du PIB en 2020, puis baisserait jusqu'à 0,2% du PIB en 2024.
Je parle là de l'ensemble du système de retraite et non spécifiquement des régimes des fonctionnaires pour lesquels l'équilibre pour l'année 2021 est marqué par des caractéristiques intéressantes : la baisse de l'excédent dans un contexte de progression - faible - des dépenses prévues, mais de légères baisses des recettes. La progression des dépenses aurait été plus significative que prévu si les taux de liquidation effectifs ne baissaient pas dans un contexte pourtant marqué par un faible effet volume et une faible indexation. Dans ces conditions, à taux de cotisation salariale inchangé, le solde du compte ne reste positif que grâce à la réduction du taux de liquidation des pensions.
Pour conclure, je réaffirme être très impatiente qu'une réforme des retraites puisse être engagée. Toutefois, en attendant qu'elle voie le jour, il faut bien verser les pensions. Je préconise donc l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».