Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 novembre 2020 à 8h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Examen du rapport

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny, rapporteur pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles :

Après sept années d'excédents, le solde de la branche accidents du travail-maladies professionnelles se dégrade brutalement en 2020 sous l'effet de la crise sanitaire, tout en restant à un niveau enviable en comparaison d'autres branches. La branche AT-MP serait ainsi déficitaire, pour la première fois depuis 2012, de 239 millions d'euros, essentiellement du fait de l'effondrement des recettes. Pour mémoire, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait un excédent de 1,4 milliard d'euros pour cette année.

Les excédents seront toutefois de retour dès l'an prochain, et les capitaux propres de la branche devraient tout de même se porter à 3,9 milliards d'euros fin 2021. La « cagnotte » de la branche ne s'est donc que légèrement érodée.

La crise sanitaire a eu peu d'effet sur les dépenses. En matière de prévention, il convient de mentionner le versement en 2020 d'une subvention « Prévention covid » aux TPE-PME, à hauteur de 50 millions d'euros au total.

Le dispositif de reconnaissance en maladie professionnelle et d'indemnisation des pathologies liées à la covid-19, aura, pour sa part, un impact très limité en dépenses. Ainsi, le coût du dispositif de reconnaissance automatique pour les personnels soignants ayant développé une affection respiratoire aiguë est estimé entre 10 et 15 millions d'euros par an au régime général.

Dans ce contexte, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est neutre pour la branche et ne contient aucune réforme modifiant son équilibre, que ce soit en recettes ou en dépenses. Ainsi, malgré un accident en 2020 que j'espère passager malgré le regain de l'épidémie, le calibrage des recettes de la branche AT-MP reste déconnecté à long terme de ses besoins de financement. Le ratio d'adéquation des recettes aux dépenses pour la branche serait en hausse de six points en 2021 pour s'établir à 104 %. Il atteindrait 113 % en 2024 en l'absence de mesure nouvelle.

Cela signifie que les prestations fournies par la branche ne sont structurellement pas au niveau de la contribution demandée aux employeurs.

Il paraît possible, dans ces conditions, d'envisager d'augmenter les dépenses de prévention - notamment à travers des aides et des incitations financières à destination des entreprises -, et de poursuivre dès que possible l'ajustement à la baisse des cotisations, en cohérence avec la tendance à la baisse de la sinistralité.

La branche AT-MP fait par ailleurs l'objet de transferts au bénéfice de fonds d'indemnisation, notamment pour les victimes de l'amiante, mais aussi à destination des branches maladie et vieillesse, qui représentent au total un poids important.

Le poids de ces transferts dans les dépenses de la branche continue de diminuer, globalement, de 2 % en 2020, ce que nous pouvons relever avec satisfaction. Mais cette baisse est essentiellement le résultat de la décrue des départs anticipés en retraite au titre de l'amiante. La dotation au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) a ainsi diminué de plus de 20 % en 2020, en lien avec la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires.

En 2021, le montant de cette dotation augmentera en revanche de 414 à 468 millions d'euros afin de ramener le résultat cumulé du fonds à l'équilibre, après le résultat déficitaire de 62 millions d'euros qui serait enregistré en 2020.

Le montant de la dotation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) baissera quant à lui de 260 millions à 220 millions d'euros. Cela n'est pas dû à une chute des demandes d'indemnisation - l'activité du fonds n'ayant que temporairement chuté pendant la période de confinement -, mais à une volonté de ramener le fonds de roulement du FIVA à un niveau prudentiel, jugé suffisant, correspondant à deux mois de dépenses d'indemnisation.

Le transfert à la branche vieillesse au titre du compte professionnel de prévention (C2P) augmentera, lui, d'un tiers en 2021 pour atteindre 111 millions d'euros, ce qui témoigne de la montée en charge du dispositif.

Le principal transfert pesant sur la branche AT-MP reste néanmoins constitué par le milliard d'euros reversé à la branche maladie du régime général au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles.

Tous les trois ans, un rapport évalue le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des AT-MP. L'estimation fournie sous la forme d'une fourchette par cette commission justifie la fixation du versement annuel à l'assurance maladie.

Or, l'article 46 du PLFSS propose le report à 2021 de la transmission du rapport qui était attendu au premier semestre 2020, au motif que la commission n'a pas pu mener à bien ses travaux en raison de la crise sanitaire : toute excuse est bonne à prendre ! Ainsi, pour la septième année consécutive, ce montant reste inchangé et se situe aux alentours du milieu de la fourchette de 800 millions à 1,5 milliard d'euros qui a été proposée par la commission de 2017. Pourtant, de nombreuses actions ont été menées par les deux branches maladie et AT-MP en matière de lutte contre la sous-déclaration, et plusieurs des recommandations du rapport de 2017 ont été mises en oeuvre ou sont en passe de l'être.

Le maintien de ce transfert à un niveau aussi élevé laisse entendre qu'aucun progrès n'a été accompli sur cette question, ce qui est faux. Depuis la mise en place du transfert en 1997, celui-ci n'a jamais diminué. Tout porte à croire que ce versement, dont le montant est pris en compte dans la détermination des éléments de calcul de la cotisation AT-MP, sert principalement à contribuer au rééquilibrage d'une branche maladie dont le déficit est désormais vertigineux. Or la cotisation AT-MP est censée responsabiliser les employeurs sur leur sinistralité, et non pallier les difficultés d'autres branches.

Ce montant interroge d'autant plus que la branche est déficitaire cette année. Je vous proposerai donc un amendement tendant à minorer le montant du versement pour 2021 à la branche maladie à hauteur du déficit de 2020 de la branche AT-MP.

En matière de déclaration et de reconnaissance des AT-MP comme sur le plan de la prévention, une réforme ambitieuse de la santé au travail est une voie d'amélioration qui me semble prioritaire. L'expérimentation prévue à l'article 34 donne une piste en ce sens en prévoyant des transferts de compétences aux infirmiers dans des services de santé au travail relevant de la mutualité sociale agricole.

Je dirai enfin un mot du Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) créé par la LFSS pour 2020. Nous avions salué cette initiative, tout en regrettant que le dispositif ne soit pas plus ambitieux. Un an plus tard, on ne peut que déplorer que le décret d'application n'ait toujours pas été publié - il devrait l'être prochainement. Sur ces entrefaites, 160 demandes de reconnaissance de maladie professionnelle ont été déposées sur la base de cette disposition, dont 80 % formées par des non-salariés agricoles.

Sous ces réserves, je vous invite à vous prononcer en faveur de l'objectif de dépenses de la branche, fixé à 14,1 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base pour 2021.

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