Intervention de Philippe Mouiller

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 novembre 2020 à 8h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 — Examen du rapport

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller, rapporteur de la branche autonomie :

Il me revient de vous parler de la branche autonomie, qui a été greffée à la sécurité sociale par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

Certains d'entre nous, souvenez-vous, étaient alors sceptiques à l'idée de jouer aux apprentis jardiniers. Faut-il vraiment une nouvelle branche pour produire de meilleurs fruits ? Quels moyens de croître lui donnerait-on à long terme ? Ne fera-t-elle pas trop d'ombre aux autres branches ?

Pour vous dire mon sentiment d'un mot, et en finir avec la métaphore végétale, je dirais que la branche autonomie ne ressemble pour l'instant, à lire ce projet de loi de financement, qu'à un rameau.

D'abord, son périmètre n'est pas stabilisé. Le chantier d'une nouvelle branche de sécurité sociale ne pouvait certes s'achever en trois mois. Mais on nous dit qu'il peut encore évoluer en fonction des concertations menées dans le cadre du Laroque de l'autonomie. Nous aimerions y voir plus clair.

Ensuite, il faut se réjouir que le Parlement vote cette année sur un objectif de dépense intégrant, au-delà de l'Ondam médico-social, toutes les dépenses de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), mais ce périmètre peut tout de même être qualifié de minimal. Le rapport de préfiguration de M. Vachey faisait pourtant des propositions qui auraient pu conduire à loger dans la branche autonomie une bonne douzaine d'autres dispositifs - les unités de soins de longue durée, l'allocation supplémentaire d'invalidité, l'aide au poste des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), l'allocation aux adultes handicapés, etc. - pour un total d'une quarantaine de milliards d'euros.

Le Gouvernement a fait un choix prudent, en n'élargissant le périmètre de la branche au-delà des dépenses déjà gérées par la CNSA qu'à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui représente une dépense de 1,2 milliard d'euros.

L'objectif de dépense de la branche s'élève donc à 31,6 milliards d'euros. Cela représente un objectif global de dépense des établissements sociaux et médico-sociaux inférieur à celui de 2020, en raison de la disparition des mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Mais il faut ajouter à ce montant celui de l'AEEH ; des concours aux départements en légère hausse ; et enfin les mesures de rattrapage salarial issues du Ségur de la santé. Quant aux mesures d'investissement, Mme Imbert a dit ce qu'il fallait en penser.

Déplorons enfin que l'équilibre à court terme de la branche ne soit même pas assuré. Le texte initial misait pour y parvenir sur la contribution des crédits communautaires au volet médico-social du plan de relance par l'investissement. La branche sort finalement de l'Assemblée nationale en déficit de 300 millions d'euros, et ce jusqu'au nouveau transfert de 0,15 point de CSG, qui ne sera effectif qu'en 2024.

J'en viens aux articles du texte relatif au secteur médico-social. Ce sera rapide, car il n'y en a que deux.

D'abord, l'article 16, qui porte sur le rôle et les modalités d'intervention de la CNSA. Cet article tire les conséquences de la loi du 7 août dernier, qui confiait la gestion de la branche autonomie à la CNSA. Il clarifie les missions de la caisse, il l'intègre pour sa gestion courante au patrimoine commun de la sécurité sociale, et il assouplit grandement son architecture budgétaire. Surtout, l'article 16 dote la CNSA de ressources entièrement propres : alors qu'elle était financée pour l'essentiel par des crédits de l'assurance maladie, elle le sera désormais, pour l'essentiel, par des recettes de CSG.

Le second article relevant du médico-social est l'article 25 A, qui porte sur les services d'aide et d'accompagnement à domicile. Cet article, dont la ministre Mme Brigitte Bourguignon nous a parlé la semaine dernière, laisse un sentiment mitigé. Il confie à la CNSA le soin de distribuer une enveloppe de 150 millions d'euros - 200 millions en année pleine - pour aider à restructurer l'offre des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), sous réserve que les départements contribuent pour un montant équivalent à celui qui leur serait alloué. Certes, le montant est plus élevé que les années précédentes. Mais précisément, voilà bientôt dix ans que, quasiment chaque année, le Gouvernement dégaine en première lecture à l'Assemblée nationale un amendement demandant à la CNSA d'abonder un fonds de restructuration des services d'aide à domicile. En matière d'organisation d'une offre de services essentielle à une population qui n'a jamais souhaité autre chose que de vieillir à domicile, on peut imaginer une meilleure stratégie.

Vous l'avez compris, la création de la branche autonomie ne s'accompagne pour l'heure d'aucune amélioration substantielle de la prise en charge des personnes âgées et handicapées. Les dépenses de la CNSA suivent leur rythme d'évolution fixé pour l'essentiel par les chantiers en cours - convergence tarifaire en Ehpad, plans nationaux et solutions d'accompagnement dans le secteur du handicap, etc. - et l'essentiel est encore renvoyé à une future loi grand âge et autonomie, dont le financement est rien moins qu'assuré.

La situation sanitaire occupe certes légitimement les esprits, mais nous ne pouvons rester passivement à attendre que l'on daigne nous saisir de la réforme promise depuis 2018. C'est pourquoi je vous proposerai deux amendements visant à maintenir le sujet à l'ordre du jour.

Le premier vise à catalyser la prise de décision sur le financement de l'autonomie. Le rapport Vachey a lancé des pistes. Il reste à prendre des décisions. Je propose qu'une conférence des financeurs de cette politique - État, sécurité sociale, collectivités - se réunisse sous l'égide de la CNSA pour que nous progressions vers une solution.

Le second amendement vise à assouplir la gouvernance du secteur sur le terrain. Il propose qu'une convention rende possible la délégation de compétence de tarification des Ehpad à l'échelon départemental, comme nous l'avions fait il y a deux ans pour les établissements accueillant des personnes handicapées. N'attendons pas la grande réforme promise, expérimentons !

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