Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner deux propositions de loi organique tendant à clarifier et à conforter la compétence fiscale des collectivités d’outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Le sujet abordé aujourd’hui n’est pas inconnu à celles et ceux qui ont participé, au mois de juin dernier, au sein de cette assemblée, à l’examen du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte. En effet, certainement motivé par l’urgence liée aux difficultés financières auxquelles est confrontée l’île de Saint-Martin, notre collègue Louis-Constant Fleming avait déposé, avant même que le rapporteur ne dépose les siens, un amendement relatif aux règles fiscales applicables à Saint-Martin. Lors de l’examen de ce projet de loi par la commission des lois, vous aviez retiré cet amendement, mon cher collègue, après nous avoir précisé que vous aviez obtenu du Gouvernement l’assurance qu’un projet de loi organique spécifique à Saint-Martin serait déposé à la rentrée de 2009.
Non seulement le Gouvernement n’a pas tenu son engagement de déposer ce projet de loi, mais il est apparu que les aménagements envisagés par la proposition de loi organique relative à Saint-Martin intéressaient également la collectivité de Saint-Barthélemy : notre collègue Michel Magras vient d’en faire la démonstration. La passivité du Gouvernement a donc pour conséquence d’obliger le Sénat à examiner deux textes de rattrapage dans l’urgence et dans le cadre de la semaine d’initiative sénatoriale.
Cette situation appelle plusieurs observations de ma part. Le Gouvernement aurait pu et aurait dû réagir plus tôt, car il disposait de l’avis rendu par le Conseil d’État le 27 décembre 2007, sur saisine du ministre de l’économie, pour trancher la divergence d’interprétation entre les services fiscaux et les deux collectivités. Cet avis a donc été rendu voilà près de deux ans ! Après deux années d’attente, nous débattons ce soir selon la procédure accélérée : admirez la cohérence !
Il est donc apparu très vite que les deux nouvelles collectivités créées en juillet 2007 se trouvaient dans l’incapacité d’exercer leur compétence fiscale « de source ». L’inaction du Gouvernement me semble d’autant plus blâmable que la décision du Conseil d’État a eu pour conséquence seconde de retarder la conclusion des conventions fiscales entre chacune des collectivités et l’État, dès lors que celui-ci se trouvait dans l’impossibilité de rétrocéder aux collectivités les sommes qu’il n’avait pas prélevées.
M. le rapporteur affirme que la volonté du législateur était claire – il l’a répété tout à l’heure – et, en commission, il a qualifié ces propositions de loi organique d’« inutiles ». Il estime que l’avis du Conseil d’État résulte d’« une interprétation erronée » des dispositions de la loi organique statutaire. Pourquoi, mon cher collègue, n’avez-vous pas déposé, en toute logique, une motion tendant à décider qu’il n’y avait pas lieu d’engager la discussion du texte du fait de son caractère superflu ? Cela eût au moins été agréable à ceux de nos collègues qui vont discuter, dans des conditions absolument impossibles et inacceptables, le dernier texte inscrit à l’ordre du jour, à partir de 23 heures environ. L’avis du Conseil d’État n’ayant aucune force contraignante, le Sénat aurait pu faire l’économie de ce débat.
Si, en définitive, votre choix a été différent, monsieur le rapporteur, c’est sans doute que la volonté du législateur n’était pas exprimée dans des termes suffisamment explicites, puisque le Parlement se saisit à nouveau de la question pour y apporter des clarifications.
Ces deux propositions de loi organique venant combler la carence du Gouvernement, est démontrée, une fois encore, l’existence d’une « porosité » certaine entre l’initiative parlementaire et la volonté de l’exécutif d’user de tous voies et moyens pour faire adopter ses textes au pas de charge, d’où le recours à la procédure accélérée, deux ans après que le Conseil d’État eut rendu son avis. Il faut bien convenir, mes chers collègues, que la procédure accélérée tend nettement à devenir, dans notre assemblée, la procédure dominante – j’en prends à témoin M. le président de la commission des lois –, contrairement à la volonté affirmée par tous, lors de la révision constitutionnelle, de limiter le recours à l’urgence. Certes, l’urgence n’existe plus, mais nous constatons une floraison de procédures accélérées, ce qui met en question le fonctionnement du bicamérisme et le principe même de la navette parlementaire.