Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 octobre 2020 à 16h40
Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères sur la situation internationale en téléconférence

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Je salue mes collègues qui nous suivent en visioconférence, pour le respect des règles sanitaires.

Depuis la dernière fois que nous vous avons reçu, au mois de juillet dernier, monsieur le ministre, les crises se sont succédé. Vous nous aviez dit au printemps dernier : « Le monde d'après sera pire que le monde d'avant. » Vos propos étaient particulièrement prémonitoires.

Commençons par la Turquie, allié incontrôlé au sein de l'OTAN, dont on ne sait plus où son nationalisme hégémonique de reconstruction de l'empire va le conduire. Après les forages à Chypre, après les incursions en territoires syrien et irakien, après l'incident avec la frégate Courbet, la récente élection d'un gouvernement pro-turc dans la partie turque de Chypre va encore accentuer le désordre régional. Athènes demande à l'Union européenne d'examiner la suspension de l'union douanière avec Ankara : quelle est la position française, quelles initiatives souhaitent prendre le Président de la République et le Gouvernement pour montrer que la Turquie ne peut indéfiniment poursuivre cette politique agressive ?

Le Liban aussi nous préoccupe. Après tant d'épreuves, la résilience de la population force notre admiration ; mais au risque d'un effondrement économique et financier qui paraît inéluctable si les réformes indispensables ne sont pas mises en oeuvre, s'ajoute le spectre d'une faillite politique d'après les mots forts du président de la république. Vous nous direz comment la France peut soutenir le Liban, à quelles conditions, et quels effets ont les récentes interventions plutôt toniques du Président de la République. Comment ce message est-il passé auprès de nos amis libanais ?

Venons-en au conflit israélo-palestinien. La pandémie semble heureusement avoir gelé la mise en oeuvre de l'annexion de la vallée du Jourdain. En cas de changement de l'administration américaine, verra-t-on pour autant un retour au processus d'Oslo ? Le candidat Joe Biden a déclaré qu'il maintiendrait l'ambassade américaine à Jérusalem. Que répondez-vous à ceux qui jugent la position de la France de plus en plus hors-sol, à mesure que s'éloignent les possibilités de mise en oeuvre de la solution à deux États ? Jordanie mise à part, quels sont aujourd'hui les réels soutiens des Palestiniens dans un monde arabe obnubilé par la menace iranienne et prêt à coopérer avec Israël ? Les récents échanges entre Israël et les Émirats arabes unis vont dans ce sens.

J'en arrive enfin au Sahel, et la récente libération des djihadistes que nous évoquions avec le chef d'état-major des armées la semaine dernière, nous pose question. Si la France, qui a 5 100 soldats sur place dans le cadre de Barkhane, n'était pas au courant des tractations entre la junte malienne et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), cela pose de vraies questions ! Vous nous éclairerez sur la manière dont vous avez vécu cet épisode. Nous pensons à ce qu'ont ressenti nos soldats, leurs familles, leurs frères d'armes blessés en luttant contre ces terroristes lorsqu'elles ont vu les images du terroriste en chef Iyad Ag Ghali festoyant autour de chèvres rôties pour fêter la libération des terroristes...Ces images nous ont marqués. Cinquante soldats français sont morts au Sahel en poursuivant ces mêmes terroristes !

Le processus enclenché à Pau n'est-il déjà plus qu'un lointain souvenir ? Quelle confiance accorder à une junte malienne qui relâche nos ennemis ? Je m'arrêterais là si le Canard Enchaîné n'avait pas publié, ce matin, un article intitulé « Réconciliation prévue à Bamako entre militaires et djihadistes d'al-Qaïda ». Vous vous êtes rendu à Alger, et il semble que vous vous apprêtiez à partir pour le Mali pour vérifier cette hypothèse : que le gouvernement malien discute avec ceux-là mêmes que nous poursuivons remettrait en cause notre présence au Sahel. Votre audition sera importante pour dissiper les doutes face à ces informations inquiétantes.

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