Intervention de Annick Girardin

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 3 novembre 2020 à 17h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de Mme Annick Girardin ministre de la mer

Annick Girardin, ministre de la mer :

Je suis heureuse d'être au Sénat en tant que ministre de la mer. Vous l'avez souligné, la mer n'était plus un ministère depuis trente ans. Je travaillerai en lien étroit avec d'autres ministères. Ayant passé trois ans à la tête du ministère des outre-mer, j'ai l'habitude de l'interministérialité.

Une politique maritime nécessite des moyens à la hauteur des ambitions. Le ministère de la mer, créé en juillet dernier, n'a pas révolutionné le budget pour 2021, qui n'est pas modifié dans ses grands équilibres : nous parlons toujours des programmes 205 et 203. Toutefois, avec Jean-Baptiste Djebbari, nous nous sommes saisis de la question des ferries, durement touchés par la crise et, pour la Manche, par le Brexit.

Nous avons obtenu deux lignes dédiées dans le plan de relance : une de 200 millions d'euros sur les ports et la flotte des affaires maritimes, et l'autre de 50 millions d'euros sur la pêche. Je mène par ailleurs un travail de fond pour que le plan de relance bénéficie pleinement aux acteurs publics et privés du maritime. Nous pouvons émarger à au moins 650 millions d'euros dans l'ensemble de ce plan de relance. J'ai proposé des mesures de nature fiscale, dont certaines, comme l'externalisation du permis de plaisance, ont été votées en première lecture à l'Assemblée nationale. D'autres, comme la modernisation du droit annuel de francisation et de navigation et le prolongement du dispositif de suramortissement fiscal pour les équipements verts, seront examinées dans les prochains jours par les députés.

L'action 43 du programme 203 qui retrace les investissements au sein des grands ports maritimes, est largement préservée, à 100 millions d'euros hors fonds de concours. Le budget relatif au dragage est reconduit à 93 millions d'euros. Cette enveloppe avait connu une augmentation de 29 millions d'euros en 2019.

Le plan de relance prévoit en plus 200 millions d'euros pour les ports et l'administration de la mer, dont 175 millions d'euros pour les grands ports maritimes. Il s'agit de les rendre plus attractifs économiquement et exemplaires en matière de respect de l'environnement. Avec 175 millions d'euros sur deux ans, le budget portuaire sera doublé sur la période 2020-2022. Ces crédits sont une réponse forte à la crise épidémique du covid-19, qui a fortement dégradé l'activité portuaire française depuis 2000, se conjuguant aux conflits sociaux du début de l'année. Cela a perturbé l'exécution budgétaire de 2020 et a affaibli nos ports et nos parts de marché par rapport à nos principaux concurrents européens. Le maintien des crédits d'investissement et de fonctionnement est nécessaire, mais pas suffisant pour faire de nos ports de véritables portes d'entrée pour les trafics européens. C'est pourquoi j'ai relancé le travail sur la stratégie nationale portuaire, qui doit aboutir dans le cadre du prochain comité interministériel de la mer (Cimer), qui était prévu fin novembre et qui sera peut-être reporté. Avec mon collègue Jean-Baptiste Djebbari, nous avons signé une charte portuaire, afin d'inciter l'ensemble des acteurs à s'engager pour la compétitivité de nos ports.

Le programme 205 s'élève à 150 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 159 millions d'euros en crédits de paiement. La marge de manoeuvre est quasi nulle, puisque ce budget permet de donner aux services de l'administration de la mer les moyens de fonctionner. Il contient également les crédits d'investissement dans les moyens nautiques, ainsi que les dépenses d'exonérations de charges dont bénéficient les navires français soumis à une concurrence internationale. Le soutien de l'État à Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) est préservé, à hauteur de 10,7 millions d'euros. Il sera maintenu le temps nécessaire.

Les crédits du programme 205 seront abondés en loi de finances rectificative en faveur des mesures annoncées par le Premier ministre pour les entreprises de transport international de passagers. L'aide sera financée par le biais d'ouverture de crédits à hauteur de 19 millions d'euros et par un dégel de la réserve de précaution du programme 205. Au total, un maximum de 30 millions d'euros sera versé aux entreprises. La crise du covid-19 a eu de fortes conséquences sur certains secteurs de l'économie maritime, mais le Gouvernement est aux côtés des entreprises touchées.

Au-delà de l'urgence, je souhaite mener une concertation de fond sur la compétitivité de notre pavillon. J'ai eu l'occasion de l'annoncer la semaine dernière à l'assemblée générale d'Armateurs de France. Le lancement cette opération, que nous avons baptisée le « Fontenoy du maritime », serait pour le 9 novembre. Ce travail s'organisera autour de quatre thèmes : la feuille de route sociale du marin et du pavillon français ; le développement économique et la compétitivité du pavillon national ; la transition énergétique des navires et son lien avec l'écosystème industriel ; enfin, le rayonnement et la capacité d'influence permise par le pavillon français. Il s'effectuera d'abord avec les professionnels du secteur. Je souhaite que vous y soyez associés. Certains sujets pourront avoir besoin d'une traduction budgétaire, voire législative. Un accord de compétitivité doit être le résultat de ce travail inédit de consultation. C'est ensemble que nous pourrons apporter toutes les réponses, notamment sur la compétitivité de notre pavillon.

La crise sanitaire mondiale a montré que le système portuaire français était capable d'assurer la continuité des approvisionnements. Il constitue un actif stratégique indispensable à l'activité économique. C'est un instrument de souveraineté à renforcer. La stratégie nationale portuaire a une ambition offensive de reconquête de parts de marché sur nos concurrents étrangers. Elle a été élaborée avec les régions, en lien avec les professionnels. Elle prend en compte les ports décentralisés, pour limiter les effets de concurrence entre ports français et engager ceux-ci dans une dynamique commune de transition écologique et numérique. Le Cimer 2019 en a acté les principales ambitions : transition écologique, performance opérationnelle et maillon de la reconstruction de la chaîne logistique, développement économique des territoires et transition numérique. La stratégie doit être annoncée dans son intégralité lors du Cimer 2020, qui aura lieu avant la fin de l'année.

La pollution plastique en Méditerranée est un sujet important. Au ministère des outre-mer, j'avais lancé une trajectoire 5.0, avec un objectif de zéro déchet. Aujourd'hui, nous visons un objectif de zéro déchet plastique rejeté en mer d'ici à 2025. D'ici à 2040, les plastiques à usage unique seront interdits en France. Je salue le travail des communes du littoral, regroupées au sein de l'Association nationale des élus du littoral (ANEL), que j'ai pu rencontrer voilà quelques jours pour élaborer la charte « Plage sans déchet plastique » : actions de sensibilisation, de prévention, de ramassage et de nettoyage.

Dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d'action européen sur l'économie circulaire, la France soutient les propositions de la Commission européenne en matière de lutte contre les microplastiques et de réduction des emballages.

J'ai le projet de mettre en oeuvre un plan d'action pour une Méditerranée exemplaire d'ici à 2030, avec un volet de lutte contre la pollution marine. L'objectif est de rallier un maximum de pays de la Méditerranée. Nous y travaillons en vue du One Planet Summit dédié à la biodiversité, qui doit avoir lieu en janvier 2021.

Deux missions ont été menées à la demande du Gouvernement sur le recul du trait de côte en 2019 : une mission d'inspection de l'Inspection générale de l'administration (IGA), de l'IGF et du CGEDD sur le financement des projets de recomposition de ces territoires et une mission parlementaire réalisée par Stéphane Buchou, député de la Vendée, sur la faisabilité et l'acceptabilité des propositions. Sur la base de leurs recommandations, des options ont été présentées lors du Conseil national de défense écologique du 12 février 2020 pour une meilleure information des populations et la mise en place d'outils adaptés, afin d'accompagner les projets de recomposition du littoral qui vont émerger dans les territoires. Le dispositif est en cours d'élaboration dans le cadre du dialogue interministériel, avec l'ambition de proposer une solution nouvelle de résilience des territoires littoraux. Le projet de loi « 3D » devrait apporter des réponses législatives en ce sens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion