Intervention de Marc Mortureux

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h05
Audition de M. Marc Mortureux directeur général de la plateforme automobile pfa

Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA) :

Je vous remercie pour cette opportunité d'échanger sur la situation de la filière automobile qui revêt des enjeux au coeur des champs de compétences de votre commission.

La PFA que je dirige depuis deux ans, et dont Luc Chatel est le président, regroupe tous les acteurs de la filière automobile, les constructeurs (Renault, PSA, Renault Trucks), les équipementiers (Michelin, Valeo, Faurecia, Plastic Omnium), l'ensemble des ETI, PME, présentes sur tout le territoire qui emploient 400 000 salariés, ainsi que les services (concessions, réparation...) qui représentent 500 000 emplois supplémentaires.

La PFA anime également les pôles de compétitivité sur tous les territoires, les associations régionales de l'industrie automobile (ARIA), qui regroupent les entreprises de la mécanique, de la forge, de la fonderie, de l'emboutissage, de la plasturgie mais aussi de l'électronique.

Cette filière est confrontée à des défis et à des transformations sans précédent depuis son origine, indépendamment de la crise du Covid-19 : la transition énergétique, c'est-à-dire la nécessité de contribuer à la réduction des émissions de CO2, à la fois au niveau des usines mais aussi et surtout au niveau des usages des véhicules qui sont produits ; la transition digitale, avec les véhicules connectés, les véhicules autonomes et les nouveaux modes de mobilité ; la transition sociétale avec un nouveau rapport à la voiture.

La filière s'est fortement mobilisée sur cette profonde transformation avec la signature d'un contrat stratégique de filière avec l'État en mai 2018. Il définit une trajectoire claire vers ces différentes transitions. Nous nous sommes engagés à multiplier par cinq les ventes de véhicules électriques en cinq ans, pour atteindre 600 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables. En contrepartie, l'État s'est engagé sur le déploiement des bornes de recharge, élément essentiel pour réussir cette transition.

Par ailleurs, la loi d'orientation des mobilités (LOM) a créé un cadre pour faire de la France un pays d'expérimentation de ces nouvelles mobilités avec le développement de technologies autour du véhicule connecté ou du véhicule autonome. Nous menons aujourd'hui 13 expérimentations de véhicules autonomes.

La PFA travaille avec le cabinet McKinsey sur les apports de la filière automobile dans les nouvelles mobilités et sur la manière dont elle peut aider les collectivités et les élus à définir des actions pour accompagner cette transition.

La crise du Covid-19 s'ajoute à cette transformation sans précédent. Elle a frappé de plein fouet la filière automobile dont le marché a baissé de 48 % sur les cinq premiers mois de l'année.

Le soutien de l'État a été très significatif, avec des mesures d'activité partielle, des prêts garantis et l'annonce, le 26 mai d'un plan de soutien au secteur, qui stimulera à la fois la demande et l'offre.

Au mois de juin, le marché français a renoué avec la croissance, à hauteur de 1,6 %. C'est le seul en Europe. Globalement, le troisième trimestre a dépassé nos prévisions, avec une baisse limitée à 10 %.

Pour l'ensemble de l'année 2020, le marché anticipe une chute de ses ventes de 25 %. C'est considérable, cette baisse est bien plus forte qu'en 2008. Grâce au soutien apporté par l'État, les entreprises préservent leur trésorerie. Elles sont malgré tout dans un contexte difficile alors que la situation sanitaire se dégrade à nouveau. Nous ne savons pas comment la fin de l'année va se dérouler. Si nous ne pouvons pas livrer de véhicules, les usines devront s'arrêter.

Au niveau de l'offre, les conséquences financières du Covid-19 - les six plus grands constructeurs européens ont perdu 90 milliards d'euros de chiffre d'affaires au premier semestre - ne remettent pas en cause la transition écologique et la poursuite des efforts d'investissements. La crise sanitaire accélère la transition écologique. Les acteurs de la filière ont demandé à l'État de les aider à réussir cette transition, et en aucun cas de la remettre en cause. Nous avons obtenu un soutien sur les dépenses de Recherche & Développement et sur la modernisation des ETI et des PME.

Nous sommes dans une période à risque, cette transformation place de nombreuses entreprises en difficulté. Parallèlement, elle offre aussi de nombreuses opportunités. Nous devons créer les conditions pour attirer les investissements nécessaires au développement des nouvelles technologies autour des batteries, de l'électronique de puissance, de la filière hydrogène... Nous ne manquons pas d'atouts pour localiser en France une part significative de ces investissements.

Dans ce contexte particulier, les ventes de véhicules électriques, hybrides et hybrides rechargeables progressent de manière spectaculaire. Leur part de marché a triplé depuis le début de l'année. Cette progression est due à la réglementation européenne et aux dizaines de milliards d'euros d'investissements qui ont été réalisés pour mettre ces véhicules sur le marché.

L'enjeu est de réussir à maintenir et à amplifier cette dynamique. Depuis 2018, les ventes de ces véhicules ont augmenté de 133 %. Pour atteindre les objectifs fixés par le contrat de filière, il faut qu'elles augmentent de 189 % d'ici 2022. Nous sommes sur la bonne trajectoire, l'objectif de 100 000 véhicules électriques livrés en 2020 devrait être atteint.

Au-delà de 2022, les échéances 2025 et 2030 devraient encore accélérer le processus.

Notre principale inquiétude est liée aux infrastructures de recharge. L'État s'était engagé sur 100 000 bornes accessibles au public fin 2021. Nous n'en dénombrons aujourd'hui que 30 000. Pendant que le nombre de véhicules en circulation augmentait de 133 %, la croissance du nombre de bornes se limitait à 50 %.

Nous travaillons sur cette question avec les pouvoirs publics et la Banque des territoires. Cependant, les processus d'installation des bornes au sein des copropriétés restent lents et complexes. Nous rencontrons également des difficultés pour installer ces bornes sur les grands axes autoroutiers.

La PFA est favorable au principe du bonus-malus sur le CO2 pour accélérer la transition vers des véhicules plus propres. La trajectoire est cohérente avec celle fixée au niveau européen. Les constructeurs ont fait des progrès spectaculaires. Nous étions pourtant inquiets sur leur capacité à tenir les exigences de baisse des émissions de CO2 par les véhicules neufs. Les nouvelles normes imposaient une diminution d'une quinzaine de grammes d'une année sur l'autre alors que ces dernières années, les constructeurs n'y parvenaient pas.

En revanche, le PFA est plus réservée sur le malus sur le poids. Ajouter une nouvelle taxe est redondant avec les objectifs liés au CO2 puisqu'il y a une corrélation entre le poids d'un véhicule et ses émissions de CO2. Par ailleurs, cette taxe nous paraît peu cohérente avec la trajectoire fixée au niveau européen. Il faudrait au préalable faire évoluer la réglementation européenne qui, paradoxalement, favorise les constructeurs mettant sur le marché des véhicules plus lourds que la moyenne. En effet, l'objectif fixé à tous les constructeurs d'une émission de 95 grammes de CO2 en moyenne par kilomètre parcouru pour les véhicules vendus en Europe est modulé en fonction des constructeurs. Les constructeurs français sont soumis à des exigences plus fortes. Enfin, dans le contexte actuel, le premier enjeu est de vendre des véhicules. Nous devons réussir à mettre sur le marché des véhicules de plus en plus performants, de plus en plus sûrs, de plus en plus propres à des prix accessibles au plus grand nombre.

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