Intervention de Marc Mortureux

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h05
Audition de M. Marc Mortureux directeur général de la plateforme automobile pfa

Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA) :

Au sein de la filière automobile, nous n'avons plus de débat sur l'opportunité de résister ou d'accompagner la transition écologique. Nous sommes pleinement engagés dans ce mouvement et nous réalisons des investissements considérables. Il est vital de contribuer aux objectifs de réduction des émissions de CO2 et de lutter contre le réchauffement climatique.

De plus, les constructeurs n'ont guère le choix. La réglementation européenne est extrêmement contraignante et participe à la création de cette dynamique.

Les exigences imposées par l'Europe vont encore se renforcer avec le « Green Deal » européen. Les constructeurs devront s'engager dans des démarches d'allègement des véhicules. Nous sommes sur une trajectoire de transformation à marche forcée. L'affaire du « diesel gate » a paradoxalement conduit à un rebond des émissions de CO2 puisque remplacer un véhicule diesel par un véhicule essence augmente de 15 % ces émissions. Les constructeurs ont renoncé fin 2019 à vendre des véhicules trop polluants. Pourtant, vendre un véhicule électrique à la place d'un véhicule thermique représente une perte de marge. En effet, environ 30 % de la valeur des véhicules électriques dépendent des batteries, qui ne sont pas maîtrisées par les constructeurs. Les PME et les ETI sont soumises à des pressions considérables sur les prix. Cette situation rend incertaine les conditions du maintien de certaines productions en France.

Les constructeurs s'adaptent à l'accélération de la transformation du marché mais les conséquences sont importantes sur la chaîne de fournisseurs.

Sur les infrastructures de recharge, nous ne savons pas comment atteindre l'objectif de 100 000 bornes. Pour les copropriétés, l'accord des assemblées générales est nécessaire pour installer un pré-équipement électrique dans les parkings, chaque copropriétaire pouvant ensuite demander le raccordement de sa place. Plusieurs acteurs proposent des formules pour prendre en charge ce pré-équipement et se rémunèrent sur l'abonnement des copropriétaires. La copropriété peut également financer directement ces travaux mais la majorité est difficile à obtenir, comme souvent en période d'amorçage. La Banque des territoires peut apporter son soutien à ces financements en mutualisant le risque sur l'ensemble du territoire national.

Pour que la France puisse atteindre ses objectifs d'électromobilité, nous avions souhaité que la LOM prévoie une obligation, même lointaine, d'installation de ces pré-équipements électriques pour l'ensemble des copropriétés de plus de 50 lots. Cette obligation aurait incité les assemblées générales à accélérer les travaux afin de bénéficier d'aides avant que la mesure ne devienne obligatoire.

Pour les points de recharge rapide sur les axes autoroutiers, le dispositif Corri-Door mis en place par EDF rencontre des problèmes de fiabilité et toutes les bornes sont hors service. Les discussions avec les sociétés d'autoroutes sont très laborieuses. Les acteurs hésitent à investir car la durée limitée des sous-concessions ne garantit pas un retour sur investissement. Nous sommes donc confrontés à des difficultés réglementaires et de modèle économique qui mettent en danger notre trajectoire sur les dix ans à venir. Tous les pays européens font face aux mêmes difficultés.

Vous soulignez l'instabilité des dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres. Nous demandons de la visibilité et de la stabilité. Les bonus devraient être en baisse l'année prochaine, notamment celui pour les hybrides rechargeables qui passerait de 2 000 à 1 000 euros, ou pour les flottes d'entreprise. Nous le regrettons, même si nous comprenons les contraintes budgétaires. Toutes les observations montrent que la baisse des aides a un effet direct sur les ventes.

Sur la relocalisation, nous travaillons sur plusieurs grands projets qui s'inscrivent dans le cadre du plan de soutien à la filière automobile et du plan de relance. PSA et Saft ont créé une coentreprise, Automotive Celles Company (ACC), pour localiser en France la fabrication de batteries. Nous aurons besoin d'autres projets d'envergure pour répondre à la demande. Nous avons assisté ces derniers mois à une compétition entre la France et la Pologne pour l'implantation d'une usine géante du coréen LG. Malheureusement, c'est la Pologne qui a remporté la décision d'investissement, malgré les efforts d'attractivité du Gouvernement et l'atout considérable que représente notre électricité décarbonée et compétitive. C'est d'autant plus incompréhensible que la fabrication de batteries consomme énormément d'électricité, et que l'électricité produite en Pologne est à fort contenu carbone ce qui est contraire à l'ambition de limiter les émissions de CO2.

La transition doit se faire de façon cohérente. Elle menace 60 000 emplois et il est absolument indispensable que le bilan soit globalement positif.

Au-delà des batteries, nous investissons également sur les technologies d'hybridation avec Valeo ou sur l'électronique de puissance au niveau des bornes de recharge. Nous avons notamment des accords avec STMicroelectronics. Enfin, le gouvernement a annoncé un plan pour la filière hydrogène. Avant de généraliser cette technologie qui répondra, en partie, à l'objectif de neutralité carbone en 2050, nous devons nous assurer de notre capacité à produire de l'hydrogène propre.

Nous sommes très attachés à travailler avec vous au niveau des territoires. Je suis convaincu que les avancées technologiques de la filière automobile sont de nature à améliorer les conditions de mobilité dans les territoires.

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