Intervention de Thierry Mallet

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 28 octobre 2020 à 9h05
Audition de Mm. Thierry Mallet président de l'union des transports publics et ferroviaires utp étienne chaufour directeur île-de-france chargé de l'éducation des solidarités et des mobilités france urbaine et franck claeys directeur économie et finances territoriales france urbaine

Thierry Mallet, président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) :

2019 a été une très bonne année pour le transport public, avec une augmentation de la fréquentation de 2,4 % et des recettes en hausse de 2,7 %. Les recettes étaient donc plutôt dynamiques et la part des coûts couverts par les recettes augmentait ce qui était plutôt une bonne nouvelle, car nous estimons que dans un secteur qui nécessite de lourds investissements, il faut continuer à faire payer ceux qui le peuvent et à assurer la gratuité à ceux qui en ont vraiment besoin.

L'année 2020 a été marquée par la crise sanitaire. Pendant la période de confinement, l'offre a été très sérieusement réduite. L'offre résiduelle, selon les réseaux, représentait entre 30 et 50 % de l'offre normale. La fréquentation était comprise entre 5 et 7 %. La plupart des clients ne payaient pas, puisque nous avions arrêté la vente à bord des billets et le contrôle. Nous avions également bloqué les portes avant des véhicules pour protéger les chauffeurs.

À la sortie du confinement, nous avons très rapidement remonté l'offre sur l'ensemble des réseaux, afin de respecter les mesures de distanciation sociale, d'abord à 80 % puis à 100 %. Parallèlement, la fréquentation est passée de 20 à 25 % au début du déconfinement à 50 % pendant l'été. Avec la rentrée et la réouverture des établissements scolaires, elle est remontée à environ 80 %, avant de baisser de nouveau depuis quelques semaines pour atteindre une fourchette de 50 à 60 %, en fonction des réseaux, des régions et du taux de passagers captifs.

Ces chiffres s'expliquent d'abord par la crainte que suscitent les transports publics. Les enquêtes montrent que 20 % des usagers habituels des transports publics ont peur de les prendre et préfèrent utiliser leur voiture. Nous devons redonner confiance dans les transports publics, d'autant que les données de Santé Publique France soulignent que moins de 1 % des clusters se forment dans les transports. Le télétravail a également un impact, comme le développement des modes de transport doux, la marche et le vélo, pour des distances courtes, de l'ordre de cinq kilomètres.

Avant la deuxième vague, les pertes de recettes du transport public étaient estimées à 50 % des recettes passagers, soit 2 à 2,5 milliards d'euros, dont 1,1 à 1,4 milliard pour l'Île-de-France et 700 millions pour le reste de la France. Ces estimations se basaient sur une reprise progressive d'ici la fin de l'année. Nous espérions alors parvenir à une fréquentation de 80 % au mois de décembre.

Fin juin, sur la France, Transdev avait perdu 227 millions d'euros de chiffre d'affaires et 90 millions d'euros de résultat opérationnel, malgré une aide de 49 millions d'euros liée au chômage partiel, qui ne compense donc pas les pertes. En quelques mois, nous avons perdu l'équivalent de deux ans de résultat net. Nous avons donc vraiment besoin d'un plan de soutien.

En Île-de-France, une solution a été trouvée sous la forme d'une avance remboursable. Il est indispensable d'étendre ce dispositif à la totalité des réseaux de province. J'ai cru comprendre qu'à l'occasion du quatrième projet de loi de finances rectificative, des dispositions pourraient être prises pour compenser la perte de recettes voyageurs. Plusieurs pays l'ont fait. L'Allemagne a débloqué 5 milliards pour couvrir les pertes des recettes passagers, les Pays-Bas, 1,5 milliard. De leur côté, les États-Unis ont dégagé une enveloppe de 25 milliards pour le transport public.

Beaucoup de pays ont fait des transports publics une priorité. Il y a un véritable enjeu, environnemental, car beaucoup de personnes se tournent vers la voiture, mais l'enjeu est aussi social, car des salariés risquent de perdre leur emploi et par conséquent d'aller chercher d'autres emplois plus loin. La fracture territoriale ne pourra que s'aggraver si les transports publics sortent trop affaiblis de cette crise.

Le plan de relance aide massivement le ferroviaire, avec 4,7 milliards d'euros. Nous savons que le ferroviaire peut jouer un rôle de transport du quotidien dans certaines grandes agglomérations. L'enveloppe va permettre de maintenir le budget prévu pour la mise à niveau indispensable du réseau. Elle prévoit également des actions pour le fret et les trains de nuit.

Les transports du quotidien bénéficient d'une enveloppe de 1,2 milliard d'euros, dont 300 millions pour la province, ce qui me paraît très faible, sachant que la province représente la moitié du transport public en France, en termes de budget ou de personnes transportées. Les territoires ne doivent pas être oubliés. Les AOM n'étaient pas en bonne position pour négocier puisque les exécutifs locaux se sont mis en place au mois de juillet. Pourtant, la crise va durer et les déséquilibres vont s'aggraver, alors que nous avons besoin de renforcer l'offre de transport.

Le plan de relance ne mentionne pas les enjeux du verdissement des flottes, qui me paraissent essentiels. Il faudrait que les transports publics soient éligibles aux aides en matière de renouvellement des véhicules. Nous devons également travailler sur les projets de mobilités entre les centres et les périphéries. Le ferroviaire peut apporter des réponses, mais pas avant dix ou quinze ans. Les cars à haut niveau de service peuvent offrir des alternatives rapides à mettre en place. Certaines villes ont commencé à y travailler. Il y a aussi un enjeu d'articulation entre le transport public et le vélo, partiellement couvert par une enveloppe de 200 millions d'euros. Nous avons besoin de pistes cyclables, de stationnements sécurisés. Le vélo peut servir aux premiers ou aux derniers kilomètres des déplacements quotidiens, sous réserve de solutions simples et sécurisées pour le garer.

Nous ne nous intéressons pas uniquement aux gros projets. Des projets de petite taille voient le jour sur les territoires, même s'ils sont plus compliqués à gérer. Nous nourrissons quelques inquiétudes sur la complexité des guichets mis en place pour leur financement. En effet, les collectivités locales ne savent pas toujours vers quel organisme se tourner pour élaborer leurs dossiers. Elles enrichissent des cabinets de conseil. Pour le crédit d'impôt recherche (CIR), même Transdev a recours à des consultants, ce qui illustre bien la complexité des procédures françaises.

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