Une première observation, que chacun comprendra au moment où une nouvelle vague de covid-19 s'abat sur notre pays : la gestion d'une crise exceptionnelle est toujours un exercice redoutable. Alors que j'étais SGDSN, de 2014 à 2018, de nombreuses crises m'ont donné l'occasion de tester nos outils d'action : les attentats terroristes de 2015-2017, mais aussi les cyberattaques, ou encore les crues de la Seine en 2016 et l'ouragan Irma. La première crise que j'ai eu à connaître concerne l'épidémie de virus Ebola, en octobre 2014 ; elle a donné lieu, dès le mois de novembre, à la mise en oeuvre du plan Pandémie grippale, qui a été publié, et à la mise en place d'une task force, dont le coordonnateur était Jean-François Delfraissy. Ces crises m'ont permis de tester la solidité de notre dispositif de réaction ; nous avons mis en place une cellule interministérielle de crise à 127 occasions, nous avons révisé quasiment tous les plans de sécurité nationale, sur les menaces les plus diverses, de la catastrophe industrielle au terrorisme. Le bioterrorisme a été un sujet de priorité, de même que la biogénétique, nous étions très attentifs aux risques liés à la vulgarisation des découvertes dans ces domaines. Cette attention à de nouvelles menaces n'a pas diminué ni fait écran, comme je l'ai lu dans le rapport d'étape de la mission d'évaluation indépendante, à la priorité donnée aux risques liés à une pandémie, voyez la place qu'occupent ces risques dans le Livre blanc de 2013 sur la défense de la sécurité nationale et dans la revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017. Le Plan Ebola est resté actif jusqu'à janvier 2016, le plan Orsan - Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles - a été déclenché quatre fois : lors de l'épidémie d'Ebola, de la grippe de 2015 - qui a fait plus de 18 000 morts - et aussi après les attentats du Bataclan et de Nice. Les directives nationales de sécurité ont été révisées en 2015, j'ai tenu à la création d'un comité national consultatif sur la biosécurité, avec l'Académie des sciences, le contrat interministériel général a fait une place à la menace bioterroriste, et prévu une évaluation régulière des moyens à disposition. Le plan Pandémie grippale a été publié la première fois en 2011 - il était jusqu'alors confidentiel, ce qui va contre la mobilisation de la société civile -, nous l'avons régulièrement testé, en 2013 par exemple, puis, en quittant mes fonctions j'avais organisé un exercice pour 2017. L'avantage de ce plan est bien dans la préparation des situations de crise, dans l'apprentissage des gestes réflexes, dans le phasage des actions ; en particulier une fois passée l'alerte, ce plan facilite la délivrance de messages de prévention.
Notre pays n'a pas, dans sa tradition, une grande culture de prévention, je le dis après avoir mesuré, comme président de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), combien les messages doivent s'accompagner d'actions précises et ciblées, viser par exemple les jeunes, les personnes âgées, pour acculturer aux gestes de prévention. Les plans sont revus régulièrement, mais il faut les adapter à chaque crise, face aux nécessités. Le confinement général imposé en France comme dans bien d'autres pays, n'était du reste pas prévu dans le plan Pandémie grippale, qui n'envisage que des mesures de quarantaine.