De mémoire, une réunion interministérielle (RIM) a été organisée le 26 janvier pour confier la conduite interministérielle de la crise au ministère de la santé. À l'époque, il s'agissait d'une décision totalement logique, la crise étant alors une crise sanitaire à l'étranger, même si les premiers cas ont été détectés d'après mes souvenirs le 24 janvier. Le fait que la conduite opérationnelle soit confiée au ministère de la santé n'a bien sûr pas empêché une vision interministérielle - des réunions de ministres se sont tenues à Matignon avant le 26 janvier - ni une implication du Quai d'Orsay, qui sera ensuite un des acteurs les plus rapidement mobilisés pour le rapatriement des ressortissants français et pour organiser la prise en charge des personnes arrivant de Chine, notamment de Wuhan.
Au cours du mois de février, nous avons pris conscience de manière très nette de la nécessité d'un suivi épidémiologique par la santé et du fait que les déterminants de la gestion de cette crise étaient d'ordre sanitaire. Il est logique que la santé ait eu la main. Néanmoins, il est clairement apparu aussi qu'il faudrait traduire les différentes décisions dans les champs hors sanitaires et que nous aurions besoin de l'implication d'acteurs non sanitaires. À côté du directeur du centre de crise sanitaire, Jérôme Salomon, s'est montée, à son profit, à la demande du Premier ministre, en coordination avec le SGDSN, une task force interministérielle animée par un préfet et dans laquelle sont représentés l'ensemble des ministères.
Dès la fin du mois de février, le SGDSN a réuni les hauts fonctionnaires de défense adjoints. J'ai également organisé une dizaine de réunions avec les secrétaires généraux des ministères, qui sont hauts fonctionnaires de défense en titre, pour régler avec eux les problèmes transverses aux départements ministériels, mais qui relèvent du champ du SGDSN : réflexion autour des plans de continuité d'activité (PCA), gestion du télétravail, questionnements autour du droit de retrait, équipement en masques des agents des ministères, puis, plus tard, sujet de la reprise d'activité.
L'organisation de la gestion de crise ne donne lieu à l'activation de la cellule interministérielle de crise (CIC) que le 17 mars, au moment du confinement, car c'est à ce moment-là que les autorités politiques ont considéré que la polarisation du sujet, même si les déterminants étaient d'abord sanitaires, avait un impact sur la vie de la société tout entière. La décision a alors été prise d'ouvrir la CIC. À partir du 17 mars, il aura coexistence d'une organisation de crise avec l'ensemble des fonctions de la gestion de crise : décision, communication, anticipation et logistique. Un des enseignements de cette crise est que la place assignée au départ à la logistique n'était probablement pas celle qu'elle méritait. À partir du 17 mars, l'équivalent d'une gestion de crise au sein du ministère de la santé sera mise en place pour le champ non sanitaire au ministère de l'intérieur : la CIC est logée au ministère de l'intérieur et est armée par des agents de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise. Une synthèse a été faite tous les jours par le directeur de cabinet du Premier ministre à partir de début mars, tous les jours à seize heures. Cette réunion servait aussi de préparation au conseil de défense, en présence du secrétaire général de la présidence. Le Premier ministre était représenté par son directeur de cabinet, qui a réalisé un travail remarquable.