Intervention de Claire Landais

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 15 octobre 2020 à 14h30
Audition de Mme Claire Landais ancienne secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale

Claire Landais, ancienne secrétaire générale de la défense et de la sécurité intérieure :

Je crois nécessaire de distinguer la confection de plans, qui ne relève pas du temps de la gestion de crise, mais de celui du retour d'expérience, des mesures à mobiliser pendant la crise. Nous ne disposions effectivement pas d'un plan directement adapté, mais nous avons appliqué de nombreuses dispositions figurant dans le plan Pandémie grippale - mesures normatives, acteurs mobilisés, limitation des rassemblements, règles de protection dans les transports, réquisition de masques notamment. Ainsi, lors de l'apparition du cluster des Contamines-Montjoie, les dispositions du plan Pandémie grippale ont été mises en oeuvre. Il a également servi à la rédaction du document d'aide à la décision stratégique diffusé par le ministère de la santé. Encore une fois, en février, le ministère de la santé a travaillé avec le SGDSN pour tirer du plan Pandémie grippale un document, que l'on a appelé « Aide à la décision stratégique » et qui comportait une partie sanitaire adaptée au virus tel qu'on le connaissait à ce moment de la crise. Vous pourriez nous reprocher de ne pas avoir eu un plan Pandémie en tant que tel, mais, en tout cas, on ne peut pas dire qu'il y ait eu un temps de latence et que l'on n'ait pas activé un dispositif disponible sur l'étagère. On a activé tout ce dont on disposait sur l'étagère, dès le début de la crise. Simplement, on l'a séquencé et on n'a pas dit, c'est vrai, que l'on activait le plan Pandémie grippale, même si l'on a mobilisé les mesures qu'il prévoyait.

Ce plan ne prévoyait pas, par exemple, le confinement. Effectivement, une partie de la stratégie, je l'ai dit tout à l'heure, n'était pas adaptée à la situation et on a dû aller chercher ailleurs une partie des mesures mises en oeuvre. Ainsi, je le répète, le confinement généralisé n'était pas prévu, sans doute parce que, j'imagine, une telle mesure est difficile à concevoir à froid. En effet, il est probablement difficile d'imaginer, à froid, de recourir à une mesure dont on connaît toutes les conséquences économiques et sociales. Néanmoins, quand c'est la seule qui est efficace, il faut évidemment la mobiliser.

Aurait-on été plus à l'aise si l'on avait conçu, préalablement, le confinement généralisé ? Peut-être, mais, pour ma part, je ne reprocherai pas aux auteurs de ce plan de ne pas l'avoir fait et je ne dirai pas que je regrette de ne pas avoir inséré, au cours de mes deux années comme SGDSN, le confinement généralisé dans ce plan.

Je veux également répondre à une question, à laquelle je n'avais pas encore répondu, sur le traitement de l'urgence. Là aussi, je trouve sévère de considérer que seuls les militaires - Dieu sait pourtant que j'aime le monde militaire - auraient la capacité d'agir dans l'urgence. Le monde de la santé est évidemment complètement organisé pour faire face à l'urgence sanitaire. Certes, des urgences sanitaires de cette ampleur méritent de travailler avec d'autres acteurs de l'urgence ; cela a été fait - je le répète -, puisque notamment le ministère des armées a été sollicité et qu'il a mis à disposition des moyens militaires, dont l'organisation a été coordonnée par le centre de crise sanitaire afin de faire face à l'urgence. Cette coordination s'est donc bien faite.

En revanche, ce qui s'est produit - vous y insistiez -, c'est l'accès aux réflexes de la médecine de guerre. À ce sujet, on a beaucoup appris des attentats de 2015 et on a travaillé, malheureusement, à l'importation de réflexes de médecine de guerre dans des scènes qui, d'ailleurs, s'en rapprochent, sur le sol national.

Par ailleurs, sans vouloir me défausser ni défausser le SGDSN, il est vrai que, à partir de 2015, il y a eu évidemment une focalisation très forte, pendant au moins trois ou quatre ans, sur le terrorisme. On peut le regretter, bien sûr, et, moi aussi, je me dis que l'on aurait forcément été mieux préparé si, dans les quatre années précédentes, on avait pu faire beaucoup d'exercices de pandémie, même grippale. Toutefois, de fait - je ne vois pas comment on pourrait se le reprocher -, le SGDSN a été, comme l'ensemble des acteurs de la sphère sécuritaire, très mobilisé par les sujets liés au terrorisme, parce que cela le méritait. Du reste, ce risque continue d'exister, il n'est pas complètement de la même nature ni de la même intensité, mais il subsiste et il faut continuer d'être prêt. Le SGDSN a notamment produit, quand j'y étais, un plan d'action contre le terrorisme (PACT), qui nous a beaucoup occupés.

Par ailleurs, il faut aussi mesurer que le champ du SGDSN recouvre toutes les menaces à la sécurité nationale. Or, aujourd'hui, la menace stratégique existe à nouveau, on retrouve des sujets de confrontation entre États, par exemple dans le champ « cyber » et cela nous a beaucoup mobilisés. J'ai beaucoup travaillé sur les sujets de menaces sur notre espace numérique.

Ce n'est pas pour relativiser les sujets sanitaires - on voit à quel point, quand ils nous rattrapent, ils sont majeurs et extrêmement déstabilisants -, mais c'est simplement pour vous faire mesurer que le SGDSN avait, comme d'autres acteurs, d'autres grands sujets à étudier, qui ont beaucoup mobilisé ses agents et qui ont peut-être distrait une partie de l'attention qui pouvait être portée à des sujets moins immédiats.

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