Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » doivent être examinés dans le contexte de la crise sanitaire. En termes budgétaires, celui-ci n'est pas particulièrement marquant pour cette mission, même si les événements nous ont amenés à réfléchir sur certaines formes d'enseignement. 76 milliards d'euros sont demandés pour 2021. En dehors du compte d'affectation spéciale « Pensions », nous arrivons à 55 milliards d'euros. Il s'agit de la première mission du budget général. En 2021, les dépenses de cette mission devraient augmenter, si l'on suit le Gouvernement, de 2,6 % en crédits de paiement, ce qui n'est pas négligeable. L'essentiel de ce budget est consacré aux dépenses de rémunération.
Sur les 800 millions d'euros d'augmentation, nous pouvons considérer que la moitié est voulue par le ministre - ce qui est plutôt rassurant et constitue une politique volontariste - quand l'autre moitié est subie, en raison de tendances de long terme sur lesquelles il a peu de moyens d'intervention. Je pense essentiellement à l'achèvement du PPCR - parcours professionnels, carrières et rémunération - qui avait été décidé sous François Hollande, et au glissement vieillesse-technicité (GVT).
Les éléments positifs figurent dans l'agenda social du ministre et dans la politique d'accompagnement de certaines orientations. Nous y voyons les contreparties à l'augmentation du budget consacré aux salaires. C'est particulièrement vrai pour le soutien à l'éducation prioritaire. Un professeur stagiaire qui est nommé en zone d'éducation prioritaire bénéficiera, grâce à ce volontarisme, d'environ 1 000 euros bruts supplémentaires par an par rapport à un enseignant recruté en 2016. J'observe aussi une politique de soutien au travers des dépenses d'informatique, directes et indirectes, puisqu'une prime d'informatique va permettre aux enseignants de compléter leur équipement. Volontarisme, aussi, en ce qui concerne les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). La demande est très forte ; la décision ne relève pas du ministère, mais des commissions départementales ; son coût est toutefois pris en charge par le ministère. Autre traduction du volontarisme ministériel : la généralisation de la scolarisation à partir de trois ans dans les écoles maternelles, pour un coût de 100 millions d'euros qui devrait transiter par les collectivités locales.
Ce budget a le mérite de poursuivre un réajustement en faveur de l'enseignement primaire. C'est un rééquilibrage dont nous savons qu'il est l'une des conditions du succès de l'enseignement scolaire en général. Ce qui n'est pas su dans le primaire est rarement rattrapé ensuite.
Nous avons une dépense moyenne par élève à peu près convenable par rapport aux moyennes de l'OCDE, mais qui s'accompagne d'une faiblesse affirmée en ce qui concerne les dépenses par élève dans le premier degré et, en contrepartie, de dépenses significativement plus importantes par élève dans le secondaire. Ce budget poursuit un effort de rééquilibrage. 1 300 enseignants supplémentaires pour le premier degré seront recrutés en 2021 sans augmenter les effectifs globaux, puisqu'une compensation s'opère par la baisse de 900 emplois dans le secondaire public, 300 dans le secondaire privé, et le solde dans les fonctions de soutien. L'affectation dans le primaire aux classes les plus difficiles, c'est-à-dire le dédoublement, qui a été mis en place en 2017 en classe préparatoire et en cours élémentaire de première année dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+), est également un élément positif.
Ce système fonctionne-t-il ? Oui, puisque, selon les évaluations annuelles, la proportion d'élèves en très grande difficulté en français et en mathématiques a diminué en CP et en CE1 dans le réseau REP+. Cela réduit l'écart entre ces élèves et les élèves du système général. Toutefois, le niveau moyen en français reste médiocre dans le primaire, j'y reviendrai.
Une autre orientation est la reconquête de l'année scolaire, qui ne faisait que diminuer comme peau de chagrin. Le temps passé à l'école augmente, et c'est une bonne chose. Dans les collèges et les établissements qui n'accueillent pas l'organisation du baccalauréat, on a regagné de quinze jours à trois semaines. La présence des enfants en dehors des heures des classes augmente avec le dispositif « Devoirs faits », qui fonctionne. En dehors des jours de classe, les « vacances apprenantes » font reprendre le chemin de l'école à des enfants, sur la base du volontariat, avec une satisfaction des parents sans doute, qui trouvent là un soutien, mais aussi des élèves et de leurs enseignants, qui voient des élèves plus motivés et qui ont plus de facilité à reprendre les cours après ces périodes de vacances.
S'agissant des évaluations internationales, en fin de CM2, plus d'un tiers des élèves n'a pas le niveau minimum requis concernant la maîtrise de la langue française. Plus grave encore, six élèves sur dix ont un niveau insuffisant en mathématiques, et ce résultat est en baisse constante depuis quarante ans. Un effort qualitatif est donc à produire. En aurons-nous les moyens ? C'est la question majeure que j'évoquerai en conclusion.
Permettez-moi de signaler l'injustice subie par l'enseignement agricole. Celui-ci fonctionne plutôt bien, en dépit de la baisse des actifs agricoles. Le monde rural s'appuie sur ce réseau de collèges et surtout de lycées agricoles. Pourtant, en quatre ans, 230 postes ont été supprimés, soit 1,5 % des effectifs. Cette baisse intervient alors même que le nombre d'élèves est en hausse dans les collèges, pour une forme d'enseignement qui, sur le plan pratique, très souvent, associe les formations initiale, permanente et par alternance.
Le sujet essentiel, à l'avenir, concernera la diminution du nombre de naissances. Entre 2000 et 2019, nous sommes passés de 810 000 à 750 000 naissances par an, soit une perte de 7 à 8 % qui va évidemment se ressentir dans les effectifs du primaire, puis du secondaire. Le taux de natalité, qui était encore de 13,3 pour 1 000 il y a vingt ans, s'élève désormais à 11,2 pour 1 000, et nous n'avons aucune raison de penser, en dépit des amendements adoptés sur le quotient familial et des péripéties concernant les lois Bioéthiques, que se profile une augmentation significative.
Comment le ministère va-t-il gérer cette diminution des effectifs ? À partir de 2024, nous connaîtrons une diminution dans le secondaire, et nous subissons déjà une diminution dans le primaire. Nous pouvons tout d'abord améliorer le taux d'encadrement qui, s'agissant de l'enseignement primaire en France, n'est pas satisfaisant au regard des normes internationales. Lorsque le ministre annonce un plafond de 24 élèves et son intention de revenir à une moyenne de 19 élèves par classe pour le premier degré, il reviendrait dans les normes européennes, ce qui est une bonne chose.
La question se pose quant à la manière de gérer les effectifs de professeurs recrutés pour une carrière entière, c'est-à-dire plus de quarante-deux ans de cotisations, dont le coût unitaire ne correspondra pas à celui des normes des pays développés. L'une des formules est évidemment de chercher la souplesse. Cette administration, tout en diminuant les effectifs, a augmenté l'offre scolaire par le jeu des heures supplémentaires. Ce système n'a pas que des inconvénients : il permet de moduler en fonction des besoins et permettra à l'avenir, en réduisant les heures supplémentaires et en gardant les enseignants, d'adapter le volume de notre offre scolaire à la réalité de la demande.
Nous aurons également la possibilité d'imaginer des carrières plus courtes, avec des départs d'enseignants vers d'autres métiers et, inversement, des recrutements d'enseignants contractuels pour une sorte de deuxième carrière ; c'est déjà une réalité, par le biais du troisième concours d'enseignement. Le ministre doit nous apporter des réponses. Je consacrerai l'essentiel de mon intervention orale en séance publique à la gestion de cette évolution.