Estimez-vous logique de prévoir une augmentation de 3 millions de pratiquants sur un nombre impossible à évaluer, puisque nous parlons de pratiquants non licenciés. Ainsi, 15 ou 20 ou 25 millions de personnes pratiquent en dehors d'un club fédéré. À partir du moment où nous ne savons pas évaluer ce nombre, il me semble assez illogique d'imaginer qu'il puisse augmenter. Pour autant, dès lors que la pratique sportive augmente, tous les secteurs d'activité liés au sport sont susceptibles d'en profiter, tant les clubs fédérés, le secteur marchand ou la pratique individuelle. Je suis donc éminemment favorable à une incitation à la pratique sportive, quelle qu'elle soit. Il nous reviendra de montrer que pratiquer en club s'avère plus intéressant.
Par ailleurs, s'agissant du budget, j'ai dit tout à l'heure que la plupart des associations amateurs n'étaient pas sous le radar de Bercy. Que pouvons-nous faire pour qu'elles le soient ? Il faut d'abord leur demander ce qu'elles attendent et quel est l'état de leur situation. Nous avons lancé, depuis la semaine dernière, une vaste enquête auprès des clubs, à laquelle 16 000 clubs ont répondu à ce jour. Toutefois, nous n'avons pas encore le retour des clubs de foot, de tennis et de rugby, pour lesquels nous attendons une réponse pour le 10 novembre. Nous pourrons ainsi, dans un premier temps, connaître la perte de licenciés et la perte en recettes, occasionnée par les cotisations mais aussi par la billetterie, le petit partenariat ou le mécénat, etc. Nous aurons également une meilleure estimation du manque à gagner pour le mouvement associatif sportif, même s'il nous est opposé l'absence de charges puisque l'activité est nulle. Or ces charges sont bien réelles, même si elles sont réduites.
Notre souhait serait d'abord d'obtenir une indemnité d'urgence parce que les clubs en difficulté doivent être aidés pour pouvoir continuer leur action. Nous comptons par ailleurs sur le dispositif qui peut être mis en place en lien avec le Plan de relance. Jean-Jacques Lozach a évoqué à ce sujet une mesure appelée le « pass sport » ou une allocation sportive de rentrée. Ne pas mettre ce dispositif en place à la reprise constituerait une faute grave. Nous devons, les uns et les autres, militer pour une incitation aux familles, qui ne devrait cependant pas être inscrite dans le cadre du budget sport. En effet, elle constituerait une aide aux familles au même titre que l'allocation de rentrée scolaire ou le pass culture. Je peux vous garantir qu'un pass sport donnerait les effets escomptés. Lors de l'enquête, nous avons sollicité auprès des clubs leurs préconisations dans le cadre de ce pass sport, avec évidemment des limites susceptibles d'être fixées selon l'âge et les conditions de ressources.
Par ailleurs, il est important qu'un éventuel plan d'urgence soit porté par un dispositif qui a fait ses preuves. Certains se sont posé la question de l'intérêt de l'Agence nationale du sport (ANS). Militant de la première heure pour une gouvernance partagée, je peux dire que l'organisation de l'ANS fait l'unanimité chez les fédérations. Celles-ci se sont rendu compte d'un certain nombre d'incongruités dans la gestion du Centre national pour le développement du sport (CNDS). Il aidait en effet parfois de façon spectaculaire des associations sans licenciés, qui étaient davantage des professionnels de la subvention que des professionnels de l'activité.
Les fédérations sont les mieux placées pour connaître ces clubs. Il nous semble dès lors indispensable d'améliorer considérablement la dotation qui passe par les projets sportifs fédéraux. Nous serons ainsi certains que l'aide aux clubs va vers les clubs les plus actifs. Le Premier ministre a indiqué qu'il pouvait débloquer 122 millions d'euros dans le cadre du Plan de relance, avant l'annonce du deuxième confinement. Évidemment, nous avons approuvé avec satisfaction la décision prise. Pour autant, nous aurions peut-être pu prétendre à mieux. Sur ces 122 millions, qui se divisent en deux parties sur deux ans, 50 sont consacrés aux équipements et à leur rénovation thermique, alors que des équipements doivent être construits. 40 millions d'euros sont par ailleurs dédiés à l'emploi ; j'ai attiré l'attention du ministre sur le fait qu'il serait très compliqué de demander à des associations de créer des emplois dans une période où elles sont en difficulté de fonctionnement. Leur priorité sera davantage de conserver leurs emplois.
30 millions d'euros « seulement » sont attribués au dispositif fédéral, dont 9 millions destinés à l'innovation technologique. Nous aurions pu être consultés pour connaître nos priorités. Il reste donc 21 millions d'euros sur deux ans, soit 11 et 10 millions d'euros, pour l'aide aux clubs via les fédérations. Ce montant nous semble notoirement insuffisant. Il conviendra de tenir compte des résultats de l'enquête pour espérer sauver les clubs en difficulté et permettre à ceux qui ne le sont pas encore de ne pas l'être à la fin de la pandémie.
Actuellement, le nombre de licenciés semble avoir baissé de 25 % ; la diminution s'aggravera si la situation dure. Nous effectuerons un bilan à fin octobre et un autre à fin décembre. La perte, aujourd'hui, atteindrait ainsi 4 millions de licenciés. La licence s'établissant à 40 euros en moyenne, le manque à gagner serait donc de 160 millions d'euros pour le dispositif fédéral. Quant aux clubs, la cotisation atteint en moyenne 3 à 5 fois voire 10 fois le prix de la licence. Le manque à gagner s'établit ainsi pratiquement à 1 milliard d'euros pour le mouvement sportif. Je ne dis pas qu'il faut indemniser à hauteur de ce qui est perdu, mais nous devons avoir conscience de ces montants.
Sur le sport en entreprise, le vote à l'Assemblée nationale nous a surpris, je dirais même fâchés. Nous avons rédigé un communiqué de presse pour exprimer notre désaccord avec la décision prise. Considérer que favoriser le sport en entreprise correspond à un avantage en nature sous-entend que le sport compte encore moins que ce que nous pouvions imaginer. Hier, les services de Bercy ont donné leur accord à la proposition de votre collègue Michel Savin. J'espère que cet accord ira jusqu'au bout afin d'éviter les difficultés que ce vote aurait provoquées. La pratique sportive des collaborateurs est bénéfique pour ces derniers, mais également pour l'entreprise et la société. Le vote, effectué à notre surprise et sans concertation, n'est pas un bon signal, mais nous espérons que la situation évoluera.
En ce qui concerne les sites labellisés pour accueillir les délégations en 2024, nous constatons une grosse attente et nous ferons de notre mieux en ce sens. Cependant, nous devons attendre les Jeux de Tokyo, en espérant qu'ils aient lieu. Nous attendons des 205 comités nationaux olympiques une information la plus complète possible pour permettre à tous ces sites labellisés de promouvoir la qualité de leurs installations.
Je souhaite par ailleurs témoigner ici d'un événement qui m'a marqué. En 2012, lors des JO de Londres, je m'étais rendu à Vichy où se préparait l'équipe américaine de natation, en compagnie de Frédérick Bousquet qui faisait la promotion de la candidature de Tony Estanguet. Ces équipes étaient à Vichy parce qu'elles estimaient que les qualités des installations étaient suffisamment performantes pour que les nageurs soient dans les meilleures conditions afin de préparer les jeux. La qualité des installations influera donc les décisions des différentes fédérations étrangères.
Jean Castex connaît notre univers même s'il n'en est pas issu. Si aujourd'hui, je peux comprendre que le sport ne soit pas au coeur de ses préoccupations, il peut donner des directives pour qu'il le devienne. Je lui ai d'ailleurs envoyé un message dès que j'ai pris connaissance de l'annonce des 2 milliards d'euros pour la culture. Tant mieux pour la culture, mais qu'y a-t-il pour le sport en comparaison ? Nous sommes en droit d'attendre des arbitrages de sa part, pour qu'il y ait une aide au sport qui soit à la hauteur du rôle du sport et du mouvement sportif dans ce qu'il apporte à la Nation.
Pour conclure ces propos, nous sommes des acteurs légalistes, engagés volontairement au service d'une cause. Nous voulons apporter aux jeunes qui pratiquent dans une association ce que le sport nous a apporté, parce que le sport change les vies. C'est peut-être parce que nous sommes courtois, gentils, engagés et légalistes, que nous ne crions pas assez fort, que nous n'avons peut-être pas assez justifié le rôle qui était le nôtre. Nous ne porterons pas un gilet jaune, nous ne descendrons pas dans la rue, ce n'est pas notre culture. En revanche, nous comptons dans tous les clubs beaucoup de citoyens qui ont envie que leur rôle soit reconnu. Dès lors qu'il ne l'est pas, ils risquent d'être un peu en révolte contre le système. Le manque de considération ne doit pas laisser la place demain à du mépris.